The Giver nous projette dans un futur lointain. L’humanité a décidé de se passer des émotions et des souvenirs afin d’annihiler toute forme de violence. L’être humain s’est organisé en communautés, et doit se plier à un règlement strict mais étrangement accepté. Il est formaté. Alors que Jonas (Brenton Thwaites) et ses deux amis, Fiona (Odeya Rush) et Asher (Cameron Monaghan), atteignent l’âge adulte, ils sont conviés à la cérémonie de remise des diplômes, où la Doyenne (Meryl Streep) doit définir le métier de chacun. Jonas est choisi pour être le prochain Dépositaire de la Mémoire, l’un des postes les plus importants de la communauté car il est le seul à avoir accès à l’Histoire humaine. Le Passeur (Jeff Bridges) intervient alors afin de former Jonas.
The Giver est tiré d’un roman à succès, véritable pionnier de ces livres à destination des jeunes adultes qu’on voit pulluler depuis le ras-de-marée Twilight. Mais la comparaison avec la saga de Stephenie Meyer s’arrête là. L’histoire d’amour, inhérente à ce genre de production, n’est pas la priorité et sait se faire assez discrète pour ne pas déborder sur le scénario. La situation, exposée par une ouverture bien rythmée et claire au possible, est une dystopie assez classique. Plongé dans un noir et blanc justifié par le scénario, le début de The Giver présente un univers lisse et sécurisé au possible. Parfaitement anxiogène tant l’humain semble noyé dans une marche en avant parfaitement calculée. Jalousie, peur, douleur, colère, plus aucun de ces sentiments n’ont leur place dans cet avenir.
Assez vite est introduit l’un des thèmes les plus forts de The Giver, l’eugénisme. Courageux, à une époque où l’on a posé la première pierre vers ces pratiques inquiétantes, ce sujet aurait mérité d’être approfondi. Et c’est là l’un des soucis du film, cette tendance à survoler le fond, comme prisonnier de sa courte durée (90 minutes). Tout est trop rapide, notamment la dernière demie-heure, ou encore la phase d’apprentissage de Jonas qui a du mal à convaincre. Le personnage réapprend les émotions, renoue avec l’amour, l’exaspération, le chagrin, avec une facilité déconcertante. Jonas aurait dû véritablement souffrir afin de justifier une prise de conscience irrésistible. En fait, cette phase de retour aux émois est à l’image de The Giver : ça manque de tripes, de puissance.
Mais malgré tout, il se dégage quelque chose de bon de ce The Giver, notablement une ambiance rappelant fortement les films d’aventure de la décennie 80. C’est plein de bon sentiments, et l’absence totale de cynisme est, avouons le, un grand bol d’air frais. L’autre thème du film étant le libre arbitre mis en danger par l’idéalisme forcené, il fallait absolument éviter la complaisance dans l’insolence et l’immoralité, sous peine d’enchaîner clichés et lieux communs. Alors oui, certains pourront ressentir une gêne face à tant d’optimisme, de naïveté, on leur répondra qu’ils ne brillent pas par leur ouverture d’esprit. Autre chose, la musique de Marco Beltrami, relativement effacée, aurait gagné à être mieux mis en avant tant ses notes évoquent un temps où les thèmes principaux marquaient les mémoires. Pour finir, le casting ne déçoit pas, Meryl Streep en tête, et permet à The Giver de rendre une copie honnête, et certainement l’une des meilleures de la mode « films pour jeunes adultes ».