Rares sont les faussaires qui acceptent de se raconter et surtout de se montrer. Mais Guy Ribes n’a pas vu d’inconvénient à passer de l’ombre à la lumière. Arrêté en 2005 et jugé en 2010, l’artiste et voyou est condamné à trois ans de prison, dont un ferme. Face à la caméra de Jean-Luc Léon (qui nous avait déjà parlé peinture dans Un Marchand, des Artistes et des Collectionneurs ), il nous raconte dans Un Vrai Faussaire sa jeunesse, sa passion pour l’art et sa vie faite d’argent, de magouilles mais aussi de glamour et d’excès. Vie et œuvre(s) d’un personnage très atypique.
Le titre est un incroyable paradoxe. Un Vrai Faussaire. Si les tableaux sont faux, l’homme existe bel et bien, même si on le croirait sorti tout droit d’un film d’Audiard. Il a le verbe haut et ce petit côté gangster vieille école qui attire et intrigue. Né en 1948 dans une maison close de la région lyonnaise, élevés par des parents proxénètes, le petit Guy découvre la peinture à l’âge de huit ans, alors qu’il est en internat. Très vite, il peint et vend ses aquarelles sur les marchés.
Mais c’est en 1975 qu’il commence à copier les plus grands. Chagall, Léger, Picasso, Matisse… Il les admire et les imite à la perfection. Tout le monde – ou presque – s’y laisse prendre, même la fille de Chagall ! Il devient alors un vrai faussaire. Un professionnel qui travaille sur commande avec la complicité d’un marchand d’art. Il ne copie pas les tableaux de maîtres, il peint et signe « à la manière de ». Avec un talent indiscutable. « Un talent reconnu jusqu’au tribunal », écrira le Parisien. Tout au long du film, on le voit à l’œuvre, penché sur une toile ou une feuille de papier, appliqué et serein, loin de son image de fraudeur de haut vol.
Alors, Guy Ribes : artiste de génie ou simple gangster ? Le réalisateur construit son film comme une enquête dans laquelle nous entendons le point de vue du faussaire, mais aussi d’une amie proche, du procureur, d’un policier, d’un expert et, bien évidemment, d’un collectionneur qui a laissé quelques plumes dans toute cette affaire (et le monsieur est encore assez remonté). La caméra de Jean-Luc Léon est impartiale, recueille les témoignages des uns et des autres et laisse le spectateur seul juge. Nous sommes plongés dans le monde fermé du marché de l’art, de ses richesses et de ses mystères, ce qui rend Un Vrai Faussaire aussi passionnant qu’un bon roman policier.
Et le protagoniste est parfois plus invraisemblable que réel. Le faussaire semble s’épanouir dans la lumière, lui qui se cachait derrière la signature et le style des autres. Il parle beaucoup, se donne en spectacle, évoque une « magie du faussaire » : « Il te vend ce que tu aimes », dit-il. Et en effet, comment ne pas se pâmer devant cette fausse danseuse de Degas ou ce paysage à la manière de Matisse que Guy Ribes réalise tout au long du film ? Entre mensonges et vérités, Un Vrai Faussaire nous laisse fascinés et intrigués par ce personnage hors du commun qui a servi de doublure aux mains de Michel Bouquet dans le film Renoir…
Pour un autre article sur Un Vrai Faussaire, vous pouvez lire celui de Francesoir.