Récompensé par 3 Oscars et nominé dans 6 autres catégories, 12 Years A Slave est le film qui a marqué le début d’année. Après les exceptionnels Hunger et Shame, le vidéaste prodige Steve McQueen réalise son premier long métrage « mainstream » à Hollywood en s’attaquant à un biopic très particulier.
En effet, 12 Years A Slave est une adaptation de l’autobiographie du même nom (Douze ans d’esclavage pour le livre français), écrite par Solomon Northup, un homme libre afro-américain habitant à New York au XIXe siècle. Ce violoniste vivant tranquillement avec sa famille se vit brutalement enlevé pour être vendu comme esclave dans un Etat sudiste, où il dut survivre pendant 12 ans durant lesquelles il ne put prouver son identité d’homme libre. A ce jour, l’autobiographie de Solomon Northup est d’ailleurs considérée comme le témoignage le plus authentique écrit par un esclave.
Bouleversé par ce récit et amateur de sujets forts (Hunger portait sur la grève de la faim engagée par l’ancien membre de l’IRA Bobby Sands en prison, et Shame sur l’addiction maladive au sexe), Steve McQueen s’est donc emparé du sujet, et plutôt brillamment puisque 12 Years A Slave a non seulement remporté l’Oscar du Meilleur Film en 2014, mais également celui du Meilleur Scénario adapté.
Incarnant Solomon Northup, Chiwetel Ejiofor s’avère un choix extrêmement judicieux. Pas de surjeu, tout en sobriété, et ne sombrant jamais dans le pathos, l’acteur déjà vu dans Salt, 2012 ou encore American Gangster, mais dont le nom nous était jusqu’alors un peu inconnu, trouve ici le film qui révèle véritablement son talent. A ses côtés, des pointures du cinéma hollywoodien. D’abord l’acteur fétiche de Steve McQueen, Michael Fassbender (Prometheus, X-Men le commencement), en esclavagiste violent, offre une prestation particulièrement intéressante, toujours à la limite de la rage et de la folie furieuse. Son regard glace autant que son sourire charme. Benedict Cumberbatch (Sherlock, Star Trek Into Darkness) et Brad Pitt (World War Z) héritent de plus petits rôles, mais sonnent juste. La prestation touchante en tant qu’esclave de la jeune Lupita Nyong’o, dont c’est la première apparition dans un long métrage, lui a par ailleurs valu un Oscar du Meilleur Second Rôle Féminin. Pour ma part je ne l’ai pas trouvée si incroyable, et j’ai un peu le sentiment que c’est le personnage réel, objet de convoitise lubrique de son maître et de jalousie de sa maîtresse, qui a été récompensé plus que l’actrice elle-même.
Et c’est bien là ce qui me dérange un peu au final dans 12 Years A Slave. C’est un bon biopic, bien adapté, très bien joué, bénéficiant d’une belle bande originale signée Hans Zimmer (à l’origine dernièrement des BO de The Amazing Spider-Man ou de la trilogie Dark Knight de Nolan). L’histoire est également très intéressante. Mais c’est un bonbon bien trop sucré, qui en devient donc presque écœurant. La forme reste convenue, j’aurais aimé voir plus la patte de ce réalisateur qui avait su nous surprendre vraiment dans ses deux derniers longs métrages, et non un énième film consensuel sur un sujet difficile récompensé par des Oscars parce qu’il touche à l’histoire d’un pays qui culpabilise de son passé. Le scénario se devait bien sûr de suivre la chronologie du livre, mais il me semble que les bons sentiments prennent le dessus et finissent par lasser le spectateur.
Pas de panique on est tout de même très loin du nanar, et le destin de cet homme bouleverse complètement, notamment parce qu’il n’est absolument pas enjolivé ou romancé dans le film. Au final je reste donc sur un avis mitigé : c’est un bon film qui aurait pu être mieux. Steve McQueen aurait-il été un peu trop bordé par ses producteurs hollywoodiens ?