Spécialisé dans le monde de la télévision, Gilles Bannier s’attaque pour son premier film à l’adaptation du roman du même nom, inspiré d’un fait divers qui a bouleversé les Etats-Unis en 2002. C’est à un réalisateur français que revient la tâche de mettre en scène cette histoire interrogeant sur les méfaits de la justice et de l’enfer carcéral. Mais nous voyons avec Arrêtez-moi là un parfait exemple du syndrome du premier film et des soucis du cinéma français.
Qui aurait pu penser que Samson (Reda Kateb, qui poursuit son joli parcours dans le cinéma après Hyppocrate), chauffeur de taxi sans histoire, puisse être accusé de l’enlèvement d’une jeune fille ? Il a suffi d’une course pour que son monde s’écroule. Preuves accablantes, aucun soutien et malheurs qui s’enchaînent, Samson semble être victime d’une monumentale erreur judiciaire qui détruit à petit feu sa vie. L’enquête aux nombreux rebondissements aboutira sur une vision assassine du système juridique. Arrêtez-moi là se consacre ainsi à une lutte pour la liberté face à une justice implacable.
Si je devais employer un seul mot pour définir Arrêtez-moi là, ce serait caricature. Tout dans ce film transpire la parodie de film policier. L’histoire est pourtant intéressante et permet de débattre de l’univers juridique et de ses limites. Mais malheureusement rien ne marche. On a envie d’y croire, les vingts premières minutes sont prometteuses et permettent d’apposer une ambiance lourde. Mais dès que l’enquête commence, rien ne va plus dans Arrêtez-moi là.
Parlons d’abord des personnages qui sont complètement insipides, illogiques et sans réelle personnalité. Ils sont surtout malmenés par de mauvais acteurs qui ne donnent aucun relief à ces rôles : seul Reda Kateb s’en sort. Le souci vient des conventions artistiques des acteurs français. Pour être sérieux, ils n’arrêtent pas de crier ou d’en faire des tonnes ! Ils veulent imiter les américains mais ça ne marche jamais. Le réalisateur n’arrive pas à diriger ses acteurs qui font n’importe quoi à l’écran et ça se ressent. Il subsiste déjà pas mal de clichés (la méthode du gentil et méchant flic par exemple), alors quand ce cliché est malmené par des mauvais acteurs, on ne peut pas y croire. Arrêtez-moi là est plombé par des acteurs qui se prennent beaucoup trop au sérieux et qui offrent une prestation parodique à l’effigie du genre dramatique.
Ces problèmes d’acteurs n’aident pas l’enquête qui n’a absolument aucun sens, aucune logique et n’est pas du tout vraisemblable. On ne peut pas confier à des bleus la charge d’une affaire d’enlèvement d’enfant ! On ne peut pas arrêter un homme seulement avec une trace de doigt comme preuve ! Et surtout, le système juridique ne peut pas être aussi austère à un homme qui clame son innocence. Toutes ces facilités scénaristiques de Arrêtez-moi là sont résumés par l’avocat général et sa réplique : « C’est le destin ». On ne peut pas pallier à la légèreté du scénario par des moyens comme ça. Les scènes s’enchaînent avec des facilités grossières et sans profondeur, qui peuvent même nous faire sourire tellement les situations sont ridicules. Arrêtez-moi là ne possède aucune subtilité pour poser son univers et les messages qu’il veut transmettre.
Justement ! Là où Arrêtez-moi là rate également le coche, c’est sur ses idées et ce que symbolise les personnages. Quel est le message ? Que les erreurs judiciaires sont sources de profits ? Le film ne pouvait pas tout simplement parler du traumatisme de l’incarcération ? Non car ils font des ellipses en fondu en noir pour passer ce genre de problème. Le réalisateur voulait réaliser un drame, où la tension sur l’acharnement de la police et de la justice sur le héros rend mal à l’aise et touche le spectateur. Mais on ne ressent pas d’empathie pour le personnage car on ne sait pas ce qu’il vit, on ne comprend pas car rien n’est montré sur sa vie en prison ! Si Arrêtez-moi là voulait créer un malaise, il aurait fallu qu’il montre et dévoile ce que subit le héros. Là, ça ne prend pas et on découvre des éléments sur sa vie comme un cheveu sur la soupe. Rien n’est crédible…
Arrêtez-moi là est un mauvais film, qui rate tout ce qu’il voulait transmettre, entre les incohérences, un jeu d’acteur brouillon et une réalisation classique et sans saveur. Mais peut-être que le film possède un autre sens de lecture et que cette caricature est justifiée. Peut-être que Arrêtez-moi là peut être perçu comme un pamphlet de la justice et de la police en dénonçant leurs procédures calculées, froides et leur rapidité de prise de décision, en accentuant ces traits. A vous de juger. Toujours est-il que cet aspect est complètement plombé par une très mauvaise direction artistique qui gâche le film. Arrêtez-moi là possédait les moyens de faire mieux, mais se cantonne à ne faire que le minimum et se prend trop au sérieux.
Si vous voulez voir un autre avis sur Arrêtez-moi là, vous pouvez consulter la critique de Télérama.