Après la confession d’un inconnu dans son église, le Père James se retrouve menacé de meurtre. Sa vie se poursuit le temps d’une longue semaine où il ira de personne en personne et de mystère en mystère pour tenter de découvrir qui lui veut du mal. Les destins vont se croiser et s’entremêler dans cette fresque touchante retraçant plusieurs destins ordinaires, reflétant l’état de notre société actuelle qui se désagrège.
En salles très prochainement, il était bien temps d’accorder à Calvary le papier conséquent qu’il exigeait. John Michael McDonagh signe ici sa seconde collaboration avec le monument du cinéma Brendon Gleeson (Maugrey Fol’Oeil dans la saga Harry Potter, pour ceux qui ne remettraient pas son nom) après l’excellent L’Irlandais, où Gleeson interprète cette fois un prêtre fort cynique. La distribution rassemble aussi d’autres noms connus et reconnus, comme Kelly Reilly (Mary Watson, Sherlock Holmes), Aidan Gillen (Littlefinger, Game of Thrones) et une brève apparition de Domhnall Gleeson (Harry Potter, About Time). Le casting est l’un des points forts de Calvary, puisque chaque maillon de cette chaîne de personnages torturés et suspects est interprété avec une justesse déconcertante, à commencer par le Père James, campé par un Brendon Gleeson au meilleur de sa forme. L’humour noir, la répartie du personnage et le cynisme piquant de ses répliques sont d’ailleurs incroyablement inattendus dans le scénario et donc très appréciables. Qui se douterait qu’un film sur la religion pourrait se nourrir d’un personnage qu’on pourrait presque apparenter à un Dr House de paroisse ? La surprise de Calvary réside en partie dans l’aspect « religieux » lui-même qui est relativement absent. Une autre bonne nouvelle qui destine donc le film à une audience bien plus large, puisqu’il se présente comme un drame empreint de suspense (du fait de l’annonce du sort du personnage principal dès la scène d’ouverture).
Mettre en place le dénouement du film dès le début permet ainsi de développer un fond très philosophique dans l’ensemble et de s’attarder sur chaque personnage présenté. On s’amusera à tirer les ficelles de leurs personnalités, tantôt très caricaturales, comme le personnage de Michael Fitzgerald, tantôt très vraies et touchantes comme le personnage de Fiona. Le film fourmille d’intrigues, ce qui crée une certaine confusion, mais chacune d’entre elles finit par être élucidée et éclairée à un moment donné. Ce ne leur enlève bien sûr pas leur complexité, puisque de nombreux thèmes seront traités, de la violence conjugal à l’homosexualité, en passant par le viol et la dépression. Les sujets choisis sont donc très durs, mais ce sont des sujets dont il faut parler, et qui sont abordés de manière très terre à terre. D’autant plus que, pris de compassion pour eux, le spectateur aura bien du mal à dénouer le vrai du faux et à disculper des suspects, dans cette intrigue presque en huis clos, au cœur de ce petit village.
Autre chose, à propos de l’aspect visuel du film cette fois-ci : Calvary est notamment servi par une photographie époustouflante (composée de plans assez contemplatifs, ce qui peut être parfois gênant) qui fera voyager le spectateur au cœur de l’Irlande. Par moments, il est d’ailleurs assez difficile de déterminer si on est en train de regarder Calvary ou un opus du Seigneur des Anneaux, tant le visuel est splendide. On ne sait jamais en quelle époque peut se passer le film, même si l’action se déroule de notre temps. Le cadre choisi (un petit village) se pose très largement en marge du temps qui passe et échappe à toute notion de temporalité. Terminons en disant que malgré de nombreuses qualités et un casting de choix, Calvary souffre tout de même de longueurs mais qui ne gâchent rien au ressenti final. Très bonne impression sur ce film, donc ! Brendon Gleeson impose le respect.
Calvary, en salles le 26 novembre.