Critique – Carte des Sons de Tokyo

Notre critique de Carte des Sons de Tokyo d’Isabel Coixet, présenté au Festival du film de Beauvais.

Lorsque je m’installe dans la salle, c’est pour visionner Personne n’attend la Nuit, avec Juliette Binoche, le dernier film d’Isabel Coixet, réalisatrice catalane. Mais suite à un petit souci au niveau de la production, nous explique-t-elle dans un Français quasi-parfait, elle n’a pas le droit de montrer son œuvre. Elle semble très déçue – les spectateurs aussi. A la place, nous regarderons Carte des Sons de Tokyo, présenté au Festival de Cannes en 2009, avec, au générique, Sergi Lopez – qui parle anglais encore plus mal que français, s’amuse Mme Coixet – et Rinko Kikuchi, actrice japonaise vue notamment dans Pacific Rim. C’est une actrice incroyable, très charnelle, nous explique la réalisatrice, qui du coup, a trouvé très simple de la diriger dans une scène de sexe , « la première de toute ma carrière », dit-elle. Isabel Coixet aime beaucoup Tokyo et elle nous présente ici sa vision de la capitale du Japon.

Voyage au pays des sens

Cette Carte des Sons de Tokyo est racontée par un narrateur discret, ingénieur du son et ami de l’héroïne du film, Ryu. C’est une jeune femme silencieuse et presque effacée dont on découvre peu à peu les activités. La nuit, elle travaille au marché au poisson de la capitale, un métier qui « l’empêche de réfléchir », selon ses termes. Le jour, c’est une redoutable tueuse à gages. Elle est un jour contacté par Ishida qui lui propose un contrat : tuer un certain David, marchand de vin espagnol, qu’il tient pour responsable du suicide de Midori, la fille de son patron qu’il aimait en secret. Ryu accepte, puis se ravise, car elle tombe amoureuse de sa future victime.

Carte des Sons de Tokyo est un film à sensations. Nous découvrons Ryu à travers les yeux – et les oreilles – du narrateur qui la rencontre car il souhaite l’enregistrer. Il aime le bruit qu’elle fait lorsqu’elle mange ses ramen, une soupe de nouilles traditionnelle et bruyante. C’est par le biais des sens que nous entrons dans l’univers d’Isabel Coixet : le film s’ouvre sur un dîner d’affaires où les hommes dégustent des sushis disposés sur le corps ds femmes nues. Ils mangent, boivent et rient très fort. Dans la beauté ou l’écœurement, la nourriture est omniprésente ici. Ryu et son ami le narrateur se retrouve pour déjeuner ou boire le thé, elle fait la connaissance de David en goûtant du vin et l’une des premières et rares choses que l’on apprend d’elle, c’est qu’elle adore les mochi, petits gâteaux de riz gluant. Au milieu des filets de thon que Ryu découpe la nuit et des autres gourmandises typiques, on a un peu de mal à percevoir l’intrigue qui aurait pu donner lieu à un thriller haletant. La jeune femme parle peu, n’a pas de famille ni de véritable ami et cache un revolver dans son sac de soirée. Une situation de départ idéale. Au lieu de cela, nous avons un drame sentimental contemplatif. Les enjeux liés au contrat disparaissent au profit d’une histoire d’amour un peu glauque entre vin rouge et love motels.

Lost in contemplation

Avec sa photographie hyper soignée et son ambiance au néon, Carte des sons de Tokyo est un bijou esthétique. La réalisatrice est appliquée, Tokyo by night est un joli spectacle. Une aura de mystère plane sur la ville, filmée principalement à la tombée du jour. Une ambiance qui sied à Rinko Kikuchi, peau d’albâtre et cheveux de jais, qui tient plus de l’apparition que de la femme réelle. On pense à Murakami, en particulier au personnage de Shimamoto dans  Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, insaisissable comme Ryu et auréolée de secret. Avant que David entre en scène, la Carte des Sons de Tokyo est un long périple qui a le mérite d’être joli. La rencontre entre les deux personnages signe l’arrêt de mort du film. Aucune alchimie dans ce couple improbable, et si la scène de sexe a été facile à tourner, elle n’est pas jolie à regarder. Le personnage de David, un peu lourd et sans profondeur, n’est pas à la hauteur de la fragile Ryu. Lopez ne semble pas convaincu par son rôle et n’est tout simplement « pas là ». Cerise sur le mochi, c’est en fait son histoire qui devient la principale intrigue du film, quand Ryu est est toujours le seul personnage que l’on a en tête. David nous laisse indifférent, la fin du film aussi. Pour entrer dans le monde d’Isabel Coixet, Carte des sons de Tokyo n’est pas la voie la plus indiquée.

Encore une critique de Carte des Sons de Tokyo ? C’est par ici.

Critique - Carte des Sons de Tokyo
Un voyage sensoriel bien trop long et lent que la jolie photographie et la grâce de Kikuchi ne sauvent pas de la noyade.
Acteurs
Scénario
Mise en scène
Image et son
On aime bien
  • L'esthétique du film
  • Rinko Kikuchi
On aime moins
  • L'essemble est trop long et contemplatif
  • Le couple Lopez/Kikuchi, très mal assorti
2.2Note Finale
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