Tom Hooper s’interroge sur l’identité sexuelle en reprenant l’histoire de Lili Elbe, première femme transgenre à bénéficier d’opérations de réassignation sexuelle dans les années 1930. Ce sujet poignant manque cependant d’engagement de la part d’un réalisateur qui a peur de déplaire. Ce drame aux costumes d’époque fait en effet la part belle à l’image et reste en permanence dans le bon goût.
Tom Hooper avait déjà fait parler de lui en 2011 avec son film Le discours d’un roi, où il mettait en scène Colin Firth dans le rôle de George VI, roi du Royaume-Uni dans les années 1930 atteint de bégaiement. Ce long métrage avait séduit la critique et les festivals en remportant 43 récompenses dont celle du meilleur film et du meilleur réalisateur pour Tom Hooper. Cette année, il revient avec un film qui promet à nouveau de faire parler de lui puisqu’il est déjà nommé pour les Golden Globes dans la catégorie Meilleur acteur dans un film dramatique pour Eddie Redmayne. Ce jeune artiste s’est fait remarquer l’année dernière avec son interprétation du physicien et cosmologiste Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps (2014).
The Danish Girl est l’adaptation du roman éponyme de David Ebershoff (2000). Einar Wegener est un artiste peintre dans le Copenhague des années 1920. Tout à commencé par un jeu le jour où sa femme, Gerda, lui demande de poser dans un costume de femme. Ce jeu de rôle recommence quelques jours plus tard et Einar prend peu à peu goût au travestissement. Il devient Lili au péril de son couple et de sa vie.
L’adaptation de Tom Hooper arbore des décors soignés, des prestations d’acteurs hautes en couleurs, mais semble pourtant semer la discorde pour une partie de la communauté transgenre. Ceux-ci déplorent en effet qu’une actrice transgenre n’ait pas interprété le rôle [1]. Et ce débat n’est pas nouveau. Il est réactualisé à chaque sortie de film ou de série sur le sujet puisque les réalisateurs choisissent généralement des acteurs « cisgenres » (dont l’identité de l’individu coïncide avec le genre assigné à la naissance). Alors que certains considèrent que le travail d’un acteur est de pouvoir interpréter un personnage qu’il n’est pas, c’est aussi un fait avéré que les minorités sont moins sollicitées pour un rôle qui n’est pas le sien. Un homosexuel serait ainsi « moins crédible » pour incarner un hétérosexuel. Il en est de même pour les femmes transgenres qui, dans l’histoire du cinéma, sont majoritairement incarnées par des hommes. On pourrait cependant se demander si le fond du problème n’est pas davantage lié à la renommée des acteurs qu’à leur identité sexuelle. Les acteurs transgenres sont en effet peu connus du grand public.
Le choix du casting peut également être critiqué sous un autre point. Tom Hooper choisit de présenter les personnages dans la vingtaine, plein de charme, alors que la vraie Lili approche de la cinquantaine lorsqu’elle subit sa dernière opération. On sent ainsi que le but est de plaire au plus large public en lui présentant des plans travaillés, un casting parfait et un message social fort. Toutes ces bonnes intentions ne suffisent cependant pas. On déplore un manque d’audace de la part du réalisateur [2]. L’aspect financier n’y est certainement pas étranger. Difficile d’arborer des acteurs méconnus et de prendre des risques avec un budget de 15 millions de dollars.
Nous nous retrouvons ainsi devant un film qui ne fournit pas de grandes surprises quoiqu’il procure un bon moment à ses spectateurs en lui offrant des plans magnifiques et des acteurs au jeu époustouflant. Eddie Redmayne joue admirablement bien cet homme qui prend peu à peu conscience qu’il n’est pas né dans le bon corps. Quant à elle, Alicia Vikander est touchante dans son rôle d’épouse aimante. Ce trop-plein de bons sentiments est critiqué par certains qui considèrent ce film fait sur mesure pour les Oscars, friand de ces performances d’acteurs qui se rendent méconnaissables et de sujets tels que celui du transgenre. La critique du Vanity Fair en vient même à ironiser cette pensée : « Si vous programmez un ordinateur pour créer le film à Oscars parfait en 2016, il ressemblerait sans doute à The Danish Girl ».
[1] http://www.cosmopolitan.com/entertainment/celebs/a47797/trans-actors-casting-roundtable-interview/
[2] http://www.vanityfair.com/hollywood/2015/11/the-danish-girl-review