Après avoir approché la palme d’or avec ses films précédents Le prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard a enfin touché le Graal avec Dheepan qui raconte l’arrivée en France d’une « famille » du Sri Lanka chassée par la guerre et son installation dans une banlieue de la région parisienne, livrée aux trafics et gangs en tous genres. Alors cette palme, méritée?
Cette famille s’installe dans une no-go zone où le trafic et les bandes règnent en maîtres. Dheepan occupe la fonction de gardien d’immeuble et à ce titre, il distribue le courrier, nettoie les salles communes, notamment celle où s’échange la drogue, répare les installations vétustes comme l’ascenseur. Il s’acquitte de toutes ses tâches consciencieusement. Sa fille fréquente l’école afin d’apprendre le français et sa femme travaille auprès d’un handicapé. Leur intégration progresse tout comme la compréhension entre les faux mariés bien obligés de cohabiter. Dheepan réussit bien à capter cette relation naissante par des dialogues vivants et par une capacité à laisser ce semblant d’affection affleurer. Tout comme entre la femme et le fils de l’handicapé chez qui elle travaille. Il vient de sortir de prison et c’est lui qui visiblement dirige le trafic de la cité. Mais le film ne s’y attarde pas suffisamment. Mais alors on se demande quel est le propos du film. De quoi veut-il nous entretenir? Montrer l’intégration difficile d’une famille dans un milieu hostile? Conter la complexité de la filiation dans cette famille et son évolution? Le film semble hésiter entre tous ces sujets et ne livre que des ébauches qui auraient méritées davantage d’attention. D’autant plus que tous ces personnages évoluent dans un climat de violence latent qui les enveloppe d’une manière si prégnante qu’on pressent dès leur arrivée qu’il va leur arriver des histoires.
Et puis sans motif apparent, Dheepan bascule dans la violence alors qu’une belle réunion de familles sri-lankaises montrait les progrès du couple de Dheepan dans l’harmonisation de leur relation. Il va alors retrouver un colonel tamoul réfugié à Paris qui lui demande de réunir de l’argent pour l’envoyer aux rebelles. Cette scène inutile sert pourtant à Audiard pour faire basculer dans une violence d’autant moins compréhensible que pour Dheepan, et il le dit formellement au colonel, la guerre est finie. Et là, fini l’étude du couple et de l’intégration, le film laisse place aux flingues, aux coups de feu et aux règlements de compte. Il devient même une sorte de film d’autodéfense quand Dheepan retrouve les réflexes guerriers pour une vengeance féroce contre tous ces petites frappes dans une scène presque comique tant elle relève du grotesque et de l’incompréhension. Là encore que propose Audiard? La violence des banlieues? Les zones de non-droit qu’elles sont devenues? Qu’il vaut mieux éviter d’émigrer en France et de rejoindre plutôt l’Angleterre comme le laisse explicitement entendre la fin bâclée et ridicule du film? On reste pantois devant tant d’approximations alors que le film vient de recevoir la prestigieuse palme d’or!
Pourtant effectivement Dheepan s’est retrouvé propulsé au sommet du plus grand festival de cinéma du monde. Pourtant il y avait face à lui des candidats sérieux : The assassins, Carol ou Mia madre. Mais qu’est-ce qui a pu convaincre le jury de le distinguer ainsi? Mystère d’autant moins compréhensible que le film comporte de grosses lacunes dans son scénario, dans sa mise en scène qui s’échoue dans la violence gratuite et dans son propos général qui s ‘éparpille et se dilue dans une sorte de film attrape-tout. Donc plutôt que cette palme étrange, attendez sagement la sortie des trois films évoqués plus haut ou précipitez-vous dans les salles pour voir d’autres films français présents à Cannes : L’ombre des femmes et Trois souvenirs de ma jeunesse dont la critique se trouve sur notre site.
Une autre critique sur Dheepan: http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/dheepan/