Critique – La fille du patron

Samedi soir au cinéma Le conti à l’Isle-Adam, était programmée la projection de La fille du patron en présence d’Olivier Loustau et une grande partie de l’équipe. Avis du Public y était !

Olivier Loustau est avant tout connu en tant qu’acteur. Il a à son actif un bon nombre de films et téléfilms. On le sait peut-être moins, mais Olivier Loustau est aussi scénariste et réalisateur. Il a écrit des scenarii pour Arte, Canal+, a réalisé un court-métrage « C.D.D. » puis un long court-métrage, Face à la mer, lequel a reçu le Prix Spécial du jury et Prix du public Montpellier 2011. Depuis mercredi dernier, Olivier Loustau est à l’affiche pour La fille du patron où il nous embarque dans une petite usine de textile en banlieue roannaise.

La fille du patron, un portrait touchant et vivant de la classe ouvrière

« Parce que la classe ouvrière représente encore 22% de la population active, qu’elle est trop souvent montrée en grève, un drapeau rouge à la main lors des fermetures d’usines », Olivier Lousteau a voulu rendre hommage à cette classe populaire et ouvrière mais également à son père, à qui il dédie son film. Viscéralement attaché à cette classe ouvrière, Olivier Loustau s’est attaché à lutter contre les clichés.

Pour ce faire, Olivier Loustau nous raconte l’histoire de Vital (joué par lui), 40 ans, chef d’atelier dans l’usine Tricot et entraîneur de l’équipe de rugby de son entreprise. Vital est marié à Madeleine, surnommée Mado (Florence Thomassin) et papa d’une petite fille. Un beau matin, le patron de l’usine, M. Baretti (Patrick Descamps) annonce la venue d’une ergonome « hautement qualifiée », Alix Malherbe (Christa Théret) venue réaliser une étude ergonomique dans l’entreprise. Vital et un autre ouvrier sont sélectionnés par Alix pour sa thèse sur les risques psychosociaux du secteur et l’amélioration des conditions de travail. Sceptique, Vital dira à la jeune Alix, 25 ans, « Je suis sûr que dans votre étude vous allez conclure que le travail est fatigant… ». Rapidement, il y a entre Vital et Alix une attraction, un trouble, une curiosité de l’autre contre laquelle ils ne pourront pas lutter. Oui mais voilà, Alix ne s’appelle Malherbe mais Baretti, c’est La fille du patron. Inévitablement, des tensions vont se créer, notamment lorsque l’idylle entre Vital et Alix sera découverte en même temps que les difficultés auxquelles l’usine est confrontée. La cadence va devoir s’accélérer au risque de perdre un gros marché. Il va falloir se battre pour sauver l’entreprise, mais également pour sauver son honneur sur le terrain.

Vital a une passion qu’il partage avec ses collègues, le rugby. Le club de l’entreprise accèdera à la finale du championnat de France de rugby d’entreprise et il faudra, malgré les soucis professionnels et personnels, mouiller le maillot et défendre l’honneur du club et non les couleurs du patron. Le rugby, lieu de partage d’émotions collectives, de solidarité, de mixité sociale est omniprésent tout au long du film.

Sur fond d’histoire d’amour, La fille du patron traite des difficultés du secteur textile, de l’usure du couple, des différences, des valeurs du sport. C’est une histoire de collectif, de rivalités et de séparations. Comme l’affirment les femmes dans le film, « Une grève, ça sert plus à rien ». Alors, loin des piquets de grève, Olivier Loustau nous dépeint une classe ouvrière de l’intérieur et nous la montre soudée, humaine, profondément touchante et vivante, sans misérabilisme, ni pathos.

La fille du patron, un premier film engagé et collectif très réussi

On a tendance à l’oublier tellement il est réussi, mais il faut bien se le rappeler, La fille du patron est le premier long métrage d’Olivier Loustau. Et pour un premier film, nous devons l’avouer, il est très réussi. Très certainement parce que l’environnement du film a été choisi avec soin. En effet, Olivier Loustau a choisi de tourner dans la banlieue de Roanne parce qu’il connaît bien cette ville depuis l’enfance. A force d’entendre parler de tissage, de bonneterie et de teinture, l’usine textile s’est imposée à lui très rapidement. Mais Olivier Loustau voulait trouver une usine moderne, automatisée, en plein essor. L’usine Bel Maille répondait alors à ses attentes. Outre l’usine, l’autre décor majeur du film est le terrain de rugby. Et cerise sur le gâteau, le réalisateur a eu l’agréable surprise de trouver un stade au centre de la ville où une cheminée d’usine se dresse au milieu des poteaux du terrain de rugby. Le décor idéal en somme.

Mais un décor ne fait pas un film… Encore faut-il trouver le bon casting. La fille du patron est un film chorale, où le collectif domine. Dès la première scène, un barbecue après un entraînement, les personnages se succèdent, s’entremêlent, les acteurs défilent et nous embarquent au cœur de leur mêlée. Olivier Loustau, qui n’a pas trouvé d’acteur pour tenir le rôle de Vital, a fini par l’incarner lui-même. Et il le fait à merveille. Florence Thomassin dans le rôle de la femme usée et quittée est merveilleuse de justesse. Christa Théret apporte un vent de fraicheur et de jeunesse qui lui sied si bien. Quant à Patrick Descamps, il incarne parfaitement ce patron d’usine qui se démène pour sauver sa petite entreprise qui connaît la crise. Vraiment, tous les acteurs sont formidables et ce qui est encore plus formidable c’est que tous ne sont pas professionnels. Comme l’a joliment dit Pierre Berriau lors de la projection au Conti, « les acteurs ont joué aux ouvriers et les ouvriers aux acteurs ». Qui est professionnel, qui ne l’est pas ? A l’écran c’est indécelable. Quant aux femmes, premières supportrices et solidaires à la ville comme sur le stade de leurs hommes, elles sont toutes sublimes.

Tous les acteurs du film ont pris du plaisir à jouer ensemble et on le ressent. Une belle énergie s’en dégage.

Un film c’est également un enchaînement de plans. Certains d’entre eux sont tout simplement magnifiques. Je pense tout particulièrement à la mêlée, à la troisième mi-temps, aux ballades en moto. La manière de filmer certaines scènes sur le terrain rend le rugby, un sport pour le moins viril, éminemment poétique.

Un film c’est aussi un univers musical. Mention spéciale à Fixi qui a composé la majorité des titres de la bande originale du film. Un vrai délice pour nos oreilles.

Vraiment ce premier long métrage est une réussite. Comme l’a déclaré, Julie Gayet, la co-productrice, à l’occasion de l’avant-première de La fille du patron, « une première fois, c’est émouvant ». Oui ce premier long métrage d’Olivier Loustau est émouvant.

Dommage qu’en octobre 2014, quelques mois après le tournage, la réalité ait rattrapée la fiction et que l’usine Bel Maille ait été placée en liquidation judiciaire et ait fermé. La fille du patron rend un bel hommage à tous ces ouvriers qui ont vu débarquer, durant cette période difficile, plusieurs membres de l’équipe du film venus leur apporter leur soutien, parmi lesquels le réalisateur Olivier Loustau. A la mi-février, un documentaire sur le film et la grève leur sera dédié. Il est intitulé Des bobines et des hommes et signé Charlotte Pouch.

Il nous reste à nous armer de patience avant de voir le second long métrage d’Olivier Loustau. En attendant, la bande annonce de La fille du patron est ici.

Critique - La fille du patron
La fille du patron c'est une rencontre entre Vital, ouvrier dans une usine textile et rugbyman et Alix, ergonome venue y réaliser une étude, mais pas que...
Acteurs
Scénario
Mise en scène
Images et son
On aime bien
  • Tous les acteurs qu'ils soient professionnels ou non
  • Cette classe ouvrière digne et solidaire, loin du misérabilisme et du pathos
  • Les plans léchés, la musique du film. En fait on aime tout pour ce 1er long métrage
On aime moins
  • Rien sauf le fait que la réalité ait rattrapée la fiction et que l'usine ait vraiment fermé...
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