Critique – Julieta

Critique de Julieta de Pablo Almodovar, culpabilité, non-dits et tragédie au programme !

Pour Julieta qui concourt dans la Sélection officielle de ce 69e Festival de Cannes, Almodovar retourne à la tragédie, et à la tragédie classique puisque l’héroïne, successivement jouée par Adriana Ugarte et Emma Suarez, est professeur de littérature antique. La tragédie, elle connaît dans les livres, mais aussi dans sa vie puisqu’elle est sans nouvelles depuis treize ans de sa fille Antia subitement disparue. Une nouvelle réussite pour le cinéaste espagnol, habitué du Festival mais rentré jusque-là bredouille?

Une succession de voyages

Comme Ulysse, que cite Julieta dans un de ses cours, il y a de nombreux voyages effectués par les personnages dans ce film. Dès les premières scènes, Julieta s’apprête à quitter Madrid avec son compagnon Lorenzo mais on sent à travers ces photos et ces articles de journaux qui remplissent la poubelle que le passage est difficile et que bien des choses ne semblent pas passer. Il suffit quelques minutes plus tard que Julieta rencontre par hasard Beatriz, l’ancienne meilleure amie de sa fille Antia dont elle apprend des nouvelles, pour que le voyage dans l’espace s’interrompe et celui dans le temps, celui qui va occuper entièrement Julieta, à travers des déplacements dans des lieux différents, s’ouvre comme une blessure qui ne s’est pas, jamais, refermée. Almodovar sait à merveille faire alors peser sur ses acteurs le poids terrible de la culpabilité qui va tenailler Julieta tout au long de ce film à la construction maîtrisée.

Culpabilité quand tu nous tiens!

Culpabilité ou culpabilités devrait-on plutôt dire puisque Julieta se sent coupable, faute de lui avoir parlé, du suicide de cet homme rencontré quelques minutes plus tôt dans un train, puis de la mort de son mari avec qui elle aura eu Antia. C’est ce sentiment qui la mine depuis le départ d’Antia, mais sans doute bien avant, comme quelque chose d’inscrit pratiquement dans son patrimoine génétique et c’est là que le film atteint ses limites, me semble-t-il. A trop vouloir intégrer dans cette tragédie aux relents grecs (dès la scène du train au début du film, Julieta lit La tragédie grecque) une sorte de prédisposition généalogique de la culpabilité, le film perd un peu de sa force expressive et va à l’encontre de l’inventivité de sa mise en scène.

Comme l’impression d’un manque persistant

Pourtant malgré les qualités précisées plus haut, Julieta ne me semble pas être à la hauteur des films passés du cinéaste espagnol. Certes, on peut trouver les mêmes thèmes récurrents traités probablement avec la maturité de l’âge, mais il manque de la surprise dans le déroulé du film dont on pressent très vite qu’il va dépeindre une tragédie irréversible, un manque aussi sans doute dans la fin un peu précipitée et qui enchaîne un peu facilement les transmissions de deuils et de culpabilités et enfin une musique qui souligne lourdement la tragédie à laquelle nous assistons. Bref, un film aux qualités indéniables mais qui ressemblerait à un parfum qui ne posséderait qu’une note de tête qui se répand et s’évanouit très vite. La palme d’or lui a fort logiquement échappé encore une fois.

Pour un autre avis sur Julieta: http://www.telerama.fr/festival-de-cannes/2016/julieta-de-pedro-almodovar-la-saisissante-grace-de-la-gravite,142335.php

Critique - Julieta
Julieta reçoit des nouvelles de sa fille Antia disparue subitement il y a plus d'une dizaine d'années. L'occasion pour elle de lui écrire une longue lettre où elle lui raconte ce qu'elle n'a jamais pu lui dire.
Scénario
Mise en scéne
Acteurs
Images et son
On aime bien
  • La capacité d'Almodovar à raconter une histoire
  • Le jeu des actrices
On aime moins
  • La musique grandiloquente
  • Le manque de surprise du scénario
3.4L'avis
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