Critique – Mékong Stories

Mékong Stories nous plonge dans le Saïgon des années 2000 à la suite d’un groupe de jeunes adultes. Notre critique…

Présenté à la Berlinale 2015, Mékong Stories est le second film de Phan Dang Di, un jeune réalisateur vietnamien (Bi, n’aie pas peur dans lequel un petit garçon de six ans découvrait la vie). Et bien là aussi, le personnage principal de Mékong Stories, Vu, découvre la vie trépidante de la grande ville. Il a 20 ans et il est photographe. Suivons le dans sa découverte en compagnie de son petit groupe d’amis.

Le regard du photographe

Vu, un jeune étudiant en photographie, vit sur un bateau flottant avec plusieurs amis. Le début du film nous le dépeint comme un être un peu à part, pris par ses photos, sans copine, sans l’exubérance masculine de certains de ses colocataires, souvent dans sa chambre noire à surveiller la lente apparition des images dans leur bain révélateur. Comme une métaphore de sa vie et du propos général de Mékong Stories sur cette période d’entrée dans l’âge adulte, Vu se montrant très lent à se révéler. Mais sa singularité lui confère un statut particulier dans sa famille. Son père, qui vit du commerce (trafic?) du riz, ne lui offre t-il point un appareil photo dernier cri qui lui a coûté deux millions de dông ? L’arrivée de son père et d’une jeune femme, dont on ne sait trop sa fonction, épouse, maîtresse, servante, tant le sort de la femme dans ce film fluctue ou épouse ces trois rôles, donne l’occasion d’emblée au réalisateur de nous offrir de superbes images, notamment en plongée dans lesquelles on peut voir un morceau de table et les convives qui s’y sustentent, appelant Vu à venir à les rejoindre.

Une plongée dans la société et la jeunesse vietnamiennes

Ces plans soulignent ainsi un objectif de Mékong Stories : une plongée dans la jeunesse vietnamienne actuelle. Jeunesse confrontée à trois fléaux très présents dans le film : la violence, la corruption et la pauvreté. Phan Dang Di promène sa caméra sur différents lieux fréquentés par Vu et sa bande d’amis : l’usine avec de superbes images encore de machines fabriquant des boulons, un restaurant de rue où chante Tung ou encore Thang qui gagne sa vie en revendant de la drogue. Un monde filmé en doublon par le réalisateur et par Vu qui prend des clichés de ces scènes de la vie quotidienne. Apparaît aussi le monde interlope des boîtes de nuit où toute une jeunesse se lâche en écoutant de la musique électro et en admirant cette superbe fille au regard vide promenée à bout de bras par six Chippendales dans une atmosphère endiablée et colorée filmée avec effervescence.

Le lent passage à l’âge adulte

Mais Mékong Stories ne saurait se résumer à une description naturaliste de la société, loin de là. C’est d’ailleurs une de ses principales qualités de savoir s’en extraire, de composer un récit parallèle, plus poétique. Comme lorsque les cinq amis qui viennent de dérouiller une bande de racketteurs cherchent à se cacher, pour éviter les représailles, chez le père de Vu qui leur offre l’hospitalité. L’occasion pour cet homme de découvrir des facettes ignorées de Vu, comme lors de la superbe scène, point d’orgue de Mékong Stories, dans laquelle il profite de l’enivrement de son fils pour demander à la jeune femme de le faire devenir un homme : pour cela il les met tous les deux sur une jonque dont il détache symboliquement l’amarre pour la laisser dériver au fil du cours d’eau. Magnifique lumière qui laisse cette fragile jonque tremblante se détacher dans la noirceur du ciel et des eaux et inattendu rebondissement quand on surprend l’amant de Vu, qui est homosexuel, venir éviter le pire puis le père, chacun nageant dans le fleuve, venu lui aussi voir ce qui se passait dans la jonque. S’entrelacent alors tous les thèmes et toutes les qualités de mise en scène du film qui se mélangent avec habileté et contribuent largement à sa singularité et à sa beauté. Et que dire alors du prolongement de cette initiation amoureuse, ces corps nus enduits de boue, comme revenus à un état primitif, qui se mêlent et s’accouplent sans qu’on ne distingue ni le visage, ni le sexe des protagonistes. Comme le plaisir de nous perdre, l’envie de laisser aller les images, au gré des sensations comme ce fleuve, omniprésent, dont l’eau se nervure imperturbablement au fil des passages immuables de jonques et de personnes comme l’éternel réceptacle de la vie.

Un autre avis sur Mékong Stories: http://www.rfi.fr/culture/20160424-mekong-stories-vietnam-cinema-trio-amoureux

Critique - Mékong Stories
Mékong Stories raconte la vie de cinq garçons et plus particulièrement de Vu, un étudiant en photographie dans le Saïgon des années 2000 avec des images superbes et un sens certain du poétique.
Mise en scène
Acteurs
Scénario
On aime bien
  • La mise en scène
  • Certaines scènes superbes
On aime moins
  • Quelques discontinuités dans le récit
3.7L'avis
Note des lecteurs: (1 Vote)