Après s’être démarqué dans le genre fantastique et nous avoir livré l’été dernier le gargantuesque Pacific Rim, le très emblématique Guillermo Del Toro signe cette année pour la Fox un film d’animation atypique, La Légende de Manolo (originellement The Book of Life). Le dessin-animé réalisé par Jorge R. Gutierrez est prévu en France pour le 22 octobre prochain, et sera notamment porté au casting vocal américain par Zoe Saldana et Channing Tatum.
Un groupe d’élèves turbulents est envoyé en retenue dans un musée, où la conservatrice leur fait découvrir l’aile dédiée à l’histoire du Mexique. Cette dernière, pour les divertir, va leur faire part de l’une des histoires contenues dans le Livre de la Vie, grimoire contenant toutes les histoires du monde… Notre récit commence au Mexique, dans la petite ville de San Angel, où Joaquin et Manolo vont se battre pour l’amour de la belle Maria. Les trois amis verront cependant leurs destins séparés par l’entrée en scène de la Reine et du Roi des Morts, et le départ de Maria pour l’Espagne.
La culture mexicaine est donc mise à l’honneur dans La Légende de Manolo, le film étant programmé pour les salles françaises pour le 22 octobre. Que se passe-t-il à cette période ? Eh bien je vous le donne en mille : Halloween et la Toussaint, célébrés dans les pays hispaniques par le Jour des Morts, qui est le contexte temporel du film. Cette coordination est sans doute là pour légitimer l’emploi de figures si particulières dans le film : les fameux squelettes très vifs et lumineux, et la joie spécifique à ce jour de fête. Ils vont aussi servir à situer visuellement le récit : au premier coup d’œil, on sait que La Légende de Manolo se passe au pays d’origine des sombreros et de la corrida. Une ambiance festive se dégage de ces images 3D ! La 3D est d’ailleurs très agréable (notez bien ça, d’autant plus que d’habitude je suis plutôt du genre à me frotter les yeux plusieurs fois pendant une séance), tant et si bien qu’on ne la remarque même pas, sauf lorsqu’elle est utilisée intelligemment et utilement (pas uniquement pour les scènes d’action, comme dans la majorité des films d’animation). De par ses designs bien particuliers (les personnages sont des mannequins de bois), je pense pouvoir dire que La Légende de Manolo rejoint cette nouvelle génération de dessins-animés, amenée au cinéma notamment par des films comme Jack et la mécanique du cœur, ou Le magasin des suicides.
Les messages véhiculés sont de plus en plus pertinents au fil des années, et à mesure que les ressources de la Terre s’amenuisent, il est bon de sensibiliser les jeunes générations à des causes justes, ce que pas mal de films s’efforcent de faire. L’exposition de La Légende de Manolo fait elle aussi presque office de cours d’histoire alimenté de magie : on en apprend beaucoup sur ce fameux Jour des Morts, qui va jouer un rôle crucial dans l’intrigue. Cette volonté explicative et instructive n’est évidemment pas innocente, puisque comme je l’ai dit le public ciblé est avant tout constitué de jeunes enfants (ou de fans de Guillermo Del Toro) (je plaide coupable).
On le sait tous, grâce à Monsieur Walt Disney l’industrie du film d’animation s’est appliquée à transmettre des messages et des valeurs importantes au jeune public, notamment en passant par le biais de concepts simples. Les messages perçus dans La Légende de Manolo sont en accord avec le monde moderne, bien qu’ils soient teintés de clichés. Ici, le héros se bat surtout pour suivre ses rêves (qui sont contraires à ceux que son père avait planifié pour son avenir, sinon ça ne serait pas drôle) et, évidemment, ô grand schéma du dessin-animé de notre belle société patriarcale : pour gagner le cœur d’une femme. Or ici, la principale intéressée est dépeinte comme une femme indépendante qui n’a besoin de personne, et surtout qui n’a pas besoin que l’on prenne sa défense à sa place. Alleluia ! Joie ! Maria est une véritable femme forte (comme tous les personnages féminins du film) qui va trouver profondément ridicule que deux hommes se battent pour elle, et va s’indigner lorsque Joaquin lui parlera de la femme parfaite comme d’une épouse collée à la cuisine pour satisfaire son mari. Prenez des notes, petites (ou grandes) filles qui iraient voir La Légende de Manolo. En réalité, les seuls messages « importants » et « différents » du film sont apportés par Maria, qui se soucie également du bien-être des animaux et prônera la non-violence. Cela apporte beaucoup à l’histoire, et il ne me semble pas avoir vu cela traité dans d’autres films d’animation ces temps-ci.
Il est évident qu’un dessin-animé n’est pas destiné qu’aux enfants, mais pour parvenir à sensibiliser un jeune public à ces idées peut être complexes (comme la condition de la femme), il faut mettre en œuvre un minimum de simplicité sur la forme du contenu : les personnages sont donc manichéens au possible, opérant d’ors et déjà une distinction symbolique au début du film. On sépare le monde des Morts régi par la Muerte, figure féminine brave et fondamentalement bonne, et le roi Xibalba, un infecte personnage malhonnête et rusé… La suite de l’intrigue n’en devient que plus prévisible.
Public adulte, chers parents, n’ayez crainte vous ne serez pas en reste ! La Légende de Manolo met tout en œuvre pour divertir l’intégralité de son public sur 1h30. Vous aurez donc l’extrême surprise d’entendre Manolo entamer quelques accords de guitare, de vous attendre à une chanson originale profondément mièvre… et entendre au final une reprise de Creep de Radiohead vous caresser les oreilles. Tout cela avec un accent espagnol à couper au couteau. Mais c’est sans doute quelque chose que nos chères têtes blondes auront raté. On pense à tout, aux studios Del Toro !
Enfin, le film n’est évidemment par dénué d’humour, les moments comiques forts s’enchaînant. Peut-être par besoin de faire rire le spectateur ? Ou à cause du cahier des charges ? En tout cas il n’y avait pas besoin d’autant d’artifices pour rendre le film bon ; beaucoup de blagues étaient de trop et seulement quelques unes d’entre elles faisaient mouche. Il s’agissait d’ailleurs plutôt de bribes scénaristiques très bien écrites plutôt que de blagues proposées en tant que telles.
En bref, La Légende de Manolo est un gentil divertissement à voir en famille, riche et instructif, en plus d’être très beau visuellement. La patte de Guillermo Del Toro s’adapte très bien à cet univers 3D, mêlant la féérie au frisson. À voir pendant les vacances scolaires, sortie le 22 octobre !