Justin Simien, réalisateur texan de 32 ans, a trois court métrages à son actif lorsqu’il s’attaque à ce qui deviendra Dear White People. Le film est sorti en 2014 aux Etats-Unis, où il a ��té présenté au festival de Sundance, remportant le prix Spécial du Jury. En France, Dear White People sort en mars 2015 et est projeté lors de la toute première édition du Festival Brown Sugar Days au Grand Rex à Paris. Cette comédie dramatique satirique nous plonge dans l’univers stylé et impitoyable d’une prestigieuse faculté américaine à majorité blanche où les étudiants noirs tentent de se faire entendre. Que nous réserve ce film indépendant ? Saura-t-il éviter les lieux communs ?
C’est la panique à l’Université de Winchester : une émeute a éclaté lors d’une soirée Halloween organisée par les rédacteurs d’un magazine satirique. Le thème de la fête : se déguiser en « nègre » et faire vivre tous les clichés les concernant, de la chaîne en or à la battle de rap.
L’établissement jouit d’une excellente réputation et accueille majoritairement des élèves blancs. Aussi les étudiants noirs sont-ils particulièrement attachés à leur droits et à la reconnaissance de leur culture. Dans Dear White People, nous suivons quatre d’entre eux, qui se cherchent tout imaginant savoir où ils vont : Sam White, une jolie métisse étudiante en cinéma, Lionel Higgins, qui a d’autant plus de mal à trouver sa place qu’il est gay, Troy Fairbanks, beau gosse sûr de lui et populaire et enfin Colandrea, dite « Coco », une fille ultra-lookée qui rêve de devenir blanche, et célèbre aussi. Et ça tombe bien, un producteur de télé-réalité hante les couloirs de la fac.
Les étudiants afro Américains de Winchester sont principalement logés dans la résidence « Armstrong & Parker », où, justement, les élections pour le futur président de la maison battent leur plein. Si Troy Fairbanks (Brandon Bell) , candidat sortant, est confiant, c’est finalement l’activiste Sam White (Tessa Thompson, Selma) qui l’emporte, à sa grande surprise, car elle se trouve elle-même trop révolutionnaire pour l’époque et le lieu. Comme elle le dit elle-même : « Je vis dans un monde où Big Mamma 3 est sorti, je sais que j’ai aucune chance « . Elle anime une émission de radio intitulée Dear White People, retransmise sur YouTube, où elle raconte la façon dont les Blancs sont vus par les Noirs. Cultivée, belle et intelligente, elle est souvent considérée comme le symbole du réveil de l’identité noire à Winchester. Si cette fable satirique soulève – sans y répondre – des interrogations quant à l’égalité des races aux États-Unis, elle aborde également la quête d’identité propre à chaque individu.
Dans le film de Simien, on s’intéresse d’emblée aux personnages, qui nous sont présenté un à un, notamment à celui de Sam, qui garde du début à la fin sa part de mystère. Très engagée dans son syndicat étudiant, elle fait figure de rebelle et de leader aux yeux de tous alors qu’intérieurement, elle est beaucoup plus modérée et la façon dont le réalisateur brise peu à peu sa carapace est très intéressante. Si Troy est très présent, c’est en fait Lionel (Tyler James William, Tout le Monde Déteste Chris) qui se détache du lot. Rejeté de toutes parts, même par les afro-américains, il traîne les pieds et sa coupe afro sur le campus à la recherche d’une place. Une recherche à la fois concrète et très symbolique. Le beau gosse et le vilain petit canard vont inévitablement se rentrer dedans et, si la situation n’a rien d’innovant, la façon d’amener les choses l’est totalement. Il y a dans Dear White People, une belle énergie, un ton satirique et incisif et une accumulation d’histoires qui s’entrechoquent, comme chez le cinéaste Robert Altman, souvent cité en référence.
Simien fait de nombreux clins d’œil au cinéma en général (Lionel est fan d’Altman, Sam de Bergman), et afro-américain en particulier : Spike Lee revient plusieurs fois dans les conversations, ainsi que Tyler Perry, souvent décrié par ses pairs pour ses personnages trop stéréotypés. Les références sont tantôt limpides, tantôt obscures, notamment pour le public français. J’ai du chercher ce qu’était le « Purple Drank », servi à la soirée Halloween. Donc culture générale ou recherches exigées pour bien rentrer dans l’univers de Dear White People.
Construit comme une fable, le film peut être le point de départ d’une discussion sur la condition des Noirs dans les États-Unis d’aujourd’hui, où les problèmes de racisme auraient été soi-disant éradiqués avec l’élection de Barack Obama. Une immersion passionnée dans la culture des jeunes afro-américains d’aujourd’hui, entre clichés et crise d’identité.
Un autre article sur Dear White People ? C’est par ici.