Critique – Jacky au Royaume des filles

Jacky au Royaume des filles, la nouvelle comédie déjantée du réalisateur des Beaux Gosses !

Comédie féroce hors normes, véritable ovni, Jacky au Royaume des filles a connu un succès très modeste lors de sa sortie au cinéma en janvier dernier, loin de la surprise qu’avait créé le déjà mythique Les Beaux Gosses, le premier film hilarant de Riad Sattouf. Mais ne nous y trompons pas, le petit score de Jacky au Royaume des filles ne s’explique en rien par une baisse de qualité comique.

Tout d’abord parce qu’auréolé de son César du Meilleur premier film pour Les Beaux Gosses, le dessinateur/scénariste de bandes dessinées Riad Sattouf s’est attelé pour cette deuxième comédie à un sujet bien moins mainstream que la puberté, ses boutons, ses amourettes et ses coupes de cheveux improbables. En république démocratique et populaire de Bubunne, les femmes ont le pouvoir, commandent et font la guerre, et les hommes portent le voile et s’occupent de leur foyer. Parmi eux, Jacky, un garçon de vingt ans, a le même fantasme inaccessible que tous les célibataires de son pays : épouser la Colonelle, fille de la dictatrice, et avoir plein de petites filles avec elle. Mais quand la Générale décide enfin d’organiser un grand bal pour trouver un mari à sa fille, les choses empirent pour Jacky : maltraité par sa belle-famille, il voit son rêve peu à peu lui échapper…

Voilà, c’est dit, Jacky au Royaume des filles est avant tout une histoire d’amour complètement barrée matinée de Cendrillon. L’essentiel du comique du film repose sur l’inversion des rôles traditionnels de l’homme et de la femme, le tout dans une dictature repliée sur elle-même. Les situations qui en découlent sont aussi étonnantes que drôles : les femmes au pouvoir mettent les pieds sur la table en mangeant, rejettent la bouillie préparée par les hommes si elle est mal cuite en recrachant violemment sur la table, font de la moto, et pour certaines militaires abusent de leur pouvoir en poursuivant de leurs avances les jeunes hommes effarouchés en « presque burka » rouge trop courte. Les pères (aussi en « presque burka » !) veulent à tout prix marier leurs fils, qui regardent des séries TV de midinettes les yeux embués de larmes.

Tout ça est extrêmement potache et agrémenté de trouvailles merveilleuses, comme les dieux bubunnais, les chevalins, qui sont en fait des poneys shetlands minuscules (et rendus ridicules par des peintures) que tout le monde adore et dont tout le monde aimerait entendre les conseils, ou le magasin de vêtements dans lequel Jacky va rêvasser, mais dans lequel il n’y a en fait que des « presque-burka » dans des dégradés de rouge différents pour les hommes, et des vêtements militaires pour les femmes.

Mais l’atout majeur de Jacky au Royaume des filles réside dans les personnages et les acteurs qui les incarnent. Pour le rôle principal de Jacky, Riad Sattouf retrouve après Les Beaux Gosses un Vincent Lacoste plus en forme que jamais dans son rôle de jeune branleur-midinette-Cendrillon amouraché de la Colonelle. Son visage est si expressif qu’on rit avant même qu’il ouvre la bouche. Les méchants oncles et tantes sont incarnés par Didier Bourdon (Les 3 frères le retour) et Noémie Lvovsky (Camille Redouble). Didier Bourdon, dans le rôle de « la marâtre », à la fois cruel et servile, est hilarant, accompagné de ses deux fils boutonneux et bien débiles. Valérie Bonneton (Supercondriaque), Charlotte Gainsbourg (Nymphomaniac) et Anémone (Le petit Nicolas) complètent le casting avec des passages savoureux. A noter enfin sans spoiler l’apparition dans un rôle totalement inattendu de Michel Hazanavicius (oui oui, le réalisateur de The Artist et des OSS 117), qui vaut particulièrement le détour.

Plus qu’une simple comédie potache, Jacky au Royaume des filles a qui plus est l’intelligence (ou l’outrecuidance) de nous remettre violemment à notre place grâce à son deuxième niveau de lecture. Car à bien y repenser, le plus terrible est de réaliser qu’au-delà du comique totalement décomplexé, si on réinverse tous les rôles hommes-femmes dans le film : on retrouve notre ordre bien établi d’hommes tous puissants et de femmes soumises, on repense avec effroi au harcèlement dont peuvent faire l’objet les femmes dans certains pays, et quels risques elles prennent si elles osent espérer aller à l’école… En fait toutes les situations qui nous ont bien fait rire dans le film tant elles semblaient farfelues…

Jacky au Royaume des filles est donc un excellent moment, qui vaut absolument le détour par son originalité, ses trouvailles, et ses comédiens, et qui en plus possède un vrai fond sans tomber dans les prises de tête de revendications potentielles. Attention, pépite à ne surtout pas rater. 

Critique - Jacky au Royaume des filles
Très original et décalé, à mourir de rire, une belle découverte
Acteurs
Scénario
Mise en scène
Image et son
On aime
  • Vincent Lacoste
  • Les vannes pourries
  • Les costumes
On aime moins
  • Pas assez de vannes du côté des femmes ?
3.7Note Finale
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