The Vanishing Of Ethan Carter nous place dans la peau de Paul Prospero, un détective privé spécialisé dans le paranormal et dont la particularité est de pouvoir communiquer avec l’âme des morts. Tout fraîchement arrivé sur les lieux de son enquête, en débouchant d’un tunnel de chemin de fer, notre enquêteur de l’occulte sent que quelque chose cloche dans les environs de Red Creek Valley, l’endroit reculé où nous avons été appelé à l’aide. En effet, des lettres signées d’un petit garçon, Ethan Carter, ont alarmé le détective de par leur nature désespérée, angoissée. L’enquête, la dernière de Paul Prospero, peut alors débuter.
The Vanishing n’est pas un jeu sorti de nulle part. Son studio de développement, The Astronauts, est constitué d’anciens d’une boîte pas tout à fait inconnue : People Can Fly. Vous ne vous rappelez pas ? Painkiller, Bulletstorm, Gears Of War Judgement, ces gros défouloirs, c’était eux. Depuis, ce studio très en phase avec Epic Games fut englouti par ce dernier, devenant officiellement Epic Games Pologne. Cette situation, commune dans le monde du jeu-vidéo, a provoqué une habituelle vague de départs pour des raisons purement artistiques : une envie de donner dans un autre domaine que celui de l’action frénétique dans laquelle ces employés se sentaient trop à l’étroit. Une décision courageuse, tout comme l’annonce de leur premier jeu pour le tout nouveau studio The Astronauts. The Vanishing fut annoncé comme étant un jeu d’enquête dans un environnement ouvert, sans indications sur les objectifs à remplir. Le tout inspiré par certaines des histoires terrifiantes et très « pulp » du magazine Américain Weird Tales. Rien que ça.
Cependant, les filous derrière The Vanishing ont pris soin de ne pas dévoiler l’une des forces du jeu : sa technique. Car c’est ce qui explose, en premier, aux yeux ébahis du joueur content de rentabiliser ainsi sa dernière carte graphique. Disons le clair et net, c’est tout simplement divin. Alors certes, on ne participera pas à l’envolée lyrique de certains, annonçant carrément le serpent de mer « photo-réalisme ». Mais force est de constater qu’on s’en approche sur certains panoramas. Il faut le voir pour le croire, car ne serait-ce que l’impression de ne jamais croiser deux fois le même arbre est tout simplement bluffante. L’animation de l’environnement, qui suit le dictat d’une brise légère, surprend par son jusqu’au-boutisme et sa fluidité. Les effets de lumière, qui filtrent à travers la nature, arrivent même à créer une émotion pas vraiment mise en avant dans la production vidéo-ludique à gros budget : la contemplation. Les premiers instants vécus dans The Vanishing sont un véritable enchantement, il est fort à parier que vous les passerez à tout faire sauf à jouer. Et ce n’est pas tout, car vos esgourdes seront aussi bercées par le soin particulier apporté à l’ambiance sonore. Jamais sur-utilisés, les bruitages venants du lointain, comme les classiques chants d’oiseaux, interpellent le joueur à tous les coups. C’est très fin, jouer avec un bon casque est d’ailleurs très recommandé, et il en est de même pour les partitions, qui se fondent avec subtilité dans l’action de The Vanishing. Seule petite ombre au tableau, on aurait apprécié un bruitage de pas moins générique. Il sait se faire discret, mais parfois un peu trop entêtant, un problème typique des softs demandant à leur protagoniste principal une marche à grosse dose. A signaler, cette magnificence des graphismes affichés a un coût, et n’est malheureusement pas accessible à tous les PC. Alors, attention à bien lire les recommandations de configuration, sous peine de vous retrouver avec un jeu certes mignon mais ne donnant pas tout son potentiel. Dans le pire des cas, dîtes-vous que The Vanishing sort sur Playstation 4 courant 2015.
Passée cette explosion visuelle, The Vanishing se dévoile plus profondément. Les développeurs ont décidé de donner au joueur un avertissement : « Ce jeu est une expérience narrative qui ne vous tiendra pas par la main ». C’est effectivement le cas, et bien mieux qu’escompté. Devant nous s’étend une forêt, que seul un chemin de fer vient troubler, comme une invitation adroite à se mettre en marche. C’est ce qu’on fait, et très vite nous tombons nez à nez avec un cadavre. Le jeu nous rappelle qu’on n’est pas là pour plaisanter, mais pour résoudre un mystère horrifique. Le mort, atrocement mutilé, s’est trainé sur quelques mètres avant de succomber à ses blessures, laissant derrière lui une trainée de sang peu ragoûtante mais bien utile pour remonter la piste jusqu’au corps. L’enquête peut alors débuter, et la première chose qui saute aux yeux est l’absence totale de toute interface, de tout inventaire, ou de tout journal rassemblant preuves ou statistiques. The Vanishing fait le choix de l’immersion totale, et les capacités de Paul Prospero se chargent de combler les failles. Ainsi, chaque indice est signalé, et appuyer sur le bouton d’action déclenche une série de questions intérieures que se posent le détective, donc le joueur, par le biais d’inscriptions directement à l’écran. Le principe est tout aussi simple qu’efficace, même si ça fera obligatoirement grincer des dents les joueurs amateurs de choix cornéliens. Pour renforcer encore cette impression de participer à l’aventure, sachez que vous ne serez pas dérangé par l’envie de sauvegarder : le jeu sauve votre partie automatiquement, et uniquement après avoir mené une enquête jusqu’à son terme, ce qui force le joueur à ne pas picorer le jeu mais à y jouer sur de longues parties. Après la phase de découverte d’un indice, voir d’un corps, intervient l’heure de l’investigation. Il faudra bien observer les alentours, ou vous aider d’une sorte de boussole télépathique. Le fonctionnement de cette dernière est on ne peut plus simple. Prospero, en observant certains endroits, remarque l’absence d’une pioche, ou soupçonne un couteau d’être manquant pour diverses raisons. Maintenir le bouton d’action ouvre les pensées de l’enquêteur et nous dévoile l’emplacement de l’objet recherché, et ne reste au joueur que la tâche d’aller le trouver et le replacer à son endroit originel. Une fois tous les indices rassemblés, s’enclenche la phase de résolution qui passe encore par les capacités médiumniques du détective privé. Le cadavre libère des sortes de feux follets, qui retombent à plusieurs endroits où le drame prit forme. C’est au joueur de remettre dans l’ordre les petites scènettes, en numérotant les courtes séquences, puis nous regardons le résultat. Si la chronologie est respectée, l’énigme est résolue et on peut reprendre notre enquête vers d’autres horizons, sans que The Vanishing ne nous indique où se diriger.
D’autres énigmes que des assassinats à résoudre sont à attendre de The Vanishing, certaines sont même carrément saugrenues, mais toujours dans l’esprit très Weird Tales qui transpire du jeu. Car si le soft ne nous prend pas par la main, il nous raconte quelque chose. Le scénario est loin d’être une trame de fond qui s’effacerait au profit de l’action, il fait partie de tout ce que le joueur entreprend. Tout raconte quelque chose dans The Vanishing, et les amateurs de littérature fantastique seront certainement aux anges. Sans trop en dévoiler, rappelons que Weird Tales fut la revue qui publia les travaux d’un certain H.P. Lovecraft. Les fans de l’auteur des Montagnes Hallucinées seront en terrain très connu, mais pas qu’eux. Par exemple, le magazine était aussi très connu pour publier de pures nouvelles de science-fiction complètement barrées, très dans l’esprit du cinéma SF des années soixante. Tous ces éléments sont importants à prendre en considération, car l’histoire de The Vanishing tire sa grande force de la culture « pop », sincèrement appréciée par les développeurs de The Astronauts. Tout ceci permet de mieux comprendre le cheminement de celui qui nous a appelé au secours, Ethan Carter, et surtout les réactions plus qu’inquiétantes des personnes qui l’entourent dans cette Red Creek Valley flétrie, qui semble promis à un oubli aussi inévitable qu’attristant. Nous suivons donc la piste du jeune garçon avec un plaisir complet, surtout que The Vanishing est assez malin pour bien préparer le joueur à un final réussi mais déboulant peut-être un peu vite.
Car voilà l’un des petits reproches qu’on peut faire à The Vanishing : on aurait aimé en avoir plus. Comptez cinq heures pour boucler l’aventure. Évidemment, pas de « new game + » à l’horizon, rien d’autre que l’envie de se replonger dans le scénario ne vous poussera à revenir au jeu une fois terminé. Les dix-neuf euros dépensés ne sont pas à regretter, très loin de là. D’ailleurs, combien de jeux proposent autant d’heures de jeu pour une campagne solo, tout en se permettant d’être vendu le triple ? Mais se retenir pour les soldes détonantes de Steam n’est pas à exclure pour les petites bourses qui recherchent avant tout les expériences sur le long terme. Autre petite retenue, le fait de lâcher le joueur dans la nature de A à Z peut l’emmener à louper des énigmes à élucider. Là où ça devient problématique, c’est que le scénario demande à ce que tous les casse-tête soient résolus avant de dévoiler sa fin. Donc si vous ne prenez pas votre temps pour bien tout chercher, attendez-vous à une phase de rattrapage en fin de The Vanishing, en rebroussant chemin. Et si vous avez manqué certaines énigmes placées au début du jeu, il va falloir marcher longtemps… Aller, on peut aussi être un peu tatillon sur certaines animations un peu mécaniques des personnages secondaires, un peu moins gâtés techniquement que le reste du jeu.
Ces petites imperfections ne font heureusement jamais oublier que The Vanishing est un jeu d’aventure réussi, au scénario prenant et à la technique hors du commun. L’univers est tellement riche, l’immersion tellement réussie qu’on ne peut que conseiller de s’y essayer, que ce soit plus tard sur Playstation 4 ou tout de suite sur PC.