White Night est le premier jeu signé par OSome Studio, boîte de développement française toute jeune puisqu’elle a été créé en 2013. Tellement intéressant que le projet est édité par le surpuissant Activision (la licence Call of Duty, c’est eux), le projet White Night est en effet séduisant à plus d’un titre. Notamment dans l’hommage aux films noirs, un genre cinématographique malheureusement un peu boudé par le monde vidéoludique. White Night arrive pour nous rappeler ce manque, que seule une poignée de jeux, comme Grim Fandango, LA Noire ou encore la très savoureuse série des Tex Murphy, a exploité. Des jeux d’aventures aux qualités diverses, mais l’ambiance était toujours mise en avant comme étant l’un des gros points forts de ces softs. Et White Night ne fait pas qu’avoir le courage d’aborder une atmosphère un peu mise à l’écart, mais il se donne aussi comme objectif de faire revivre un genre aujourd’hui agonisant : le survival-horror.
White Night nous fait incarner la fameuse figure de l’homme en chapeau et imper’. Notre type, dont le nom nous est mystérieux, finit d’étancher sa soif de whisky dans un bar. Soûl, donc dangereusement sûr de lui, le personnage principal décide de prendre le volant de sa vieille bagnole rutilante. Un arbre, des réflexes douteux, un choc, le vide, puis la reprise de conscience. Et la douleur, bon sang que ces côtes font souffrir notre avatar. Non loin de la scène d’accident, une grande bâtisse nous domine de tout son aspect inquiétant et désaffecté. De loin tout du moins, car une fois rentré dans le la grande construction, le personnage principal de White Night remarque des signes de vie récents. Et pas du genre rassurant…
Le premier contact avec le héros de White Night est un bonheur pour tous les fans de survival-horror à l’ancienne. Oui, ceux qui faisaient réellement peur. Pas que l’ouverture soit terrorisante, absolument pas, mais White Night se découvre dans toute sa splendeur visuelle. Le style en noir et blanc, tout en contraste, est saisissant et nous fait tout de suite penser à Sin City ou, pour les joueurs pointus, à Madworld (petite perle signée PlatinumGames, sortie en catimini sur Wii). Pour parfaire cette intense première impression, quelle n’est pas l’excellente surprise que de s’apercevoir que White Night fait le choix de caméras fixes, un choix rapprochant le soft des premiers Resident Evil, ou encore de son ancêtre Alone In The Dark. On fait sortir notre avatar de la voiture accidentée, et l’alchimie se fait de suite. Quel charme dans ce White Night, et voir notre personnage animé avec soin, peut être avec un peu de raideur mais tout à fait acceptable, a quelque chose d’enivrant.
Mais bien vite il faut se concentrer, car White Night a un gameplay a nous présenter. Un bouton d’action, qui nous fait interagir avec le décor de White Night quand celui-ci est analysable, ramasser des objets, ou encore lire des journaux, le tout signalé par une icône propre à chaque contexte. Un autre bouton pour avoir accès à une sorte de journal mis à jour au fil de nos découvertes. Ça va, cette ouverture de White Night ne nous noie pas dans une foule d’actions à retenir. On rentre dans le manoir, du moins dans ses alentours, son jardin, et la première énigme de White Night se met en place. Évidemment, la porte d’entrée est fermée, il va falloir trouver les clés, alors que le personnage, toujours aussi mal en point physiquement, boite bien bas. Le cimetière et le puits sur le côté de la bâtisse attirent notre attention et bingo, au terme d’une investigation pas trop compliquée on met à jour le trousseau tant désiré. Cette première épreuve de White Night met bien à contribution la direction artistique du jeu, en jouant sur l’effet d’ombre et de lumière. Le problème est que la solution n’est pas spécialement originale, et c’est là l’un des défauts de White Night : ses mystères sont loin d’être étonnants.
Une fois rentré dans l’immense maison, White Night se dévoile totalement, fait la lumière sur les dernières parts d’ombre de son gameplay. OSome Studio prend au sérieux son envie de justifier sa direction artistique, et le choix est payant pour White Night. Plongé dans le noir, seules des allumettes, qu’on peut porter sur soi au nombre de douze donc demandant d’être souvent rechargées au gré des trouvailles, permettent au héros de White Night d’avancer sans peur dans des ténèbres loin d’être désertes. Le système est assez finement géré, certaines allumettes ne prennent pas feu, d’autres durent un temps fou ou à peine le temps d’un soupir. Mais aussi, ces petites tiges de bois permettent de contempler dans de bonnes conditions les décors, et d’y mettre à jour des éléments importants pour l’avancée du récit de White Night. Celui-ci est malheureusement un peu décevant, autant dans sa forme que pour ce qu’il raconte. De Alone In The Dark, White Night n’a pas gardé que les angles de caméra, mais aussi la narration à base de notes laissées ici ou là. Le problème est que cette forme d’exposé peut être dangereux si les phase de gameplay sont dénuées, même partiellement, de liens directs avec ce qui se lit mais ne se joue pas. C’est un peu le cas dans White Night qui, sans pour autant être ennuyant dans ses phases de jeu, laisse parfois le joueur dubitatif quand à l’avancée de l’histoire et son rapport avec ses actes. Évidemment, vers la fin White Night fait toute la lumière sur son scénario, de qualité d’ailleurs en dehors de sa gestion, mais ça arrive peut-être un peu trop tard.
Mais malgré ces défauts, la magie opère et on se prend dans White Night comme dans un bon polar. L’ambiance incroyable fait tout le boulot, en opérant un savant mélange d’enquête et de fantastique. White Night est hanté de quelques âmes pas vraiment en paix, qui n’attendent que votre contact pour vous faire périr de frayeur, et ce au moindre contact. Pas de barre de vie, pas d’énergie qui se régénère automatiquement, comme dans la plupart des jeux d’aujourd’hui. La seule arme que met White Night à votre disposition est la faiblesse mortelle de ces fantômes à la lumière électrique. Ce qui donne des phases de jeu assez sympathiques, mais hélas trop rares. Pourtant, on ne peut nier que White Night tente des choses, comme cette lampe qu’on doit rebrancher, ou ce faisceau que l’on peut diriger vers un ectoplasme bien flippant. Mais, au final, on regrette surtout que les situations se répètent dans White Night, devenant au fil du temps plus des passages obligés qu’un étonnement de tous les instants. Aussi, on se rend compte, après avoir éprouvé une frayeur sans fin lors des premières rencontres, que les manifestations paranormales sont en fait largement évitables si on garde notre calme en jouant à White Night, et deviennent même, avec un peu d’expérience, prévisibles. On loue tout de même le choix de rendre chaque erreur mortelle, pour le challenge que ça apporte à l’expérience White Night.
White Night est un jeu qui n’est dénué ni de qualités ni de défauts. On sent tout du long que Osome Studio est un développeur bourré de talent et de connaissances qui l’emmènent à être fulgurant dans la mise en scène, le choix des angles. Alors certes, il est parfois un peu compliqué de diriger notre avatar à la perfection, mais on l’accepte tant White Night tente des choses parfois bien courageuses, et qui nous rappellent à quel point cette forme fixe a encore son mot à dire dans le paysage vidéoludique actuel. Mais inlassablement, alors que notre mâchoire est prête à se décrocher devant tant d’ingéniosité, un élément de White Night vient la remettre en place. Parlons des points de sauvegarde, trop rares et qui obligent le joueur de White Night à d’incessants allers et retours afin de graver dans la roche son avancée. Déjà que la trame de White Night, en elle-même, nous réserve de ces instants de navette entre des lieux déjà visités, on se serait bien passé d’un tel choix. Resident Evil justifiait plutôt bien ses machines à écrire, qui verrouillaient nos progrès contre les fameux rubans, lesquels se trouvaient en nombre limité. Dans White Night, on aurait plus vu un recours à la sauvegarde automatique, en plus de ces points de sauvegarde fixes, histoire de ne pas être confronté à un game over trop cruel en terme de données perdues. Dernier petit regret, qui fait décidément de White Night un jeu à parfaire, on aurait sans doute apprécié une carte des lieux, histoire d’écarter quelques errances évitables. Ce n’est pas le cas, et c’est bien dommage.
Ainsi, on sort de White Night avec un avis mitigé, mais tout de même touché par l’ambiance bien polie du soft. La direction artistique est top, et le travail sur le son ne doit pas être oublié tant il apporte à l’ambiance de White Night et fait parfois sursauter bien comme il faut. Jouer au casque, plongé dans le noir, est d’ailleurs vivement recommandé. Côté technique pure, c’est évidemment loin des grosses productions, et il suffit que notre personnage s’approche un peu trop de la caméra pour qu’on s’aperçoive de certaines failles notamment dans la gestion des contacts. Mais White Night reste tout à fait solide de ce côté-là, pour peu que vous ne soyez pas trop allergique à l’aliasing présent parfois sur les décors. Le très bon côté des choses est que White Night tourne sur des bécanes loin d’être des monstres de technologie, ce test ayant été effectué sur un très humble PC portable (configuration AMD Dual-Core E1-2500, AMD Radeon HD 8240, 4 GB DDR3). Côté durée de vie, tout dépendra de comment vous accrochez à White Night, un run superficiel, donc sans chercher tous les éléments à collecter, pourra vous occuper six bonnes heures. Pour faire le 100%, comptez sur une partie de sept à huit heures, tout en sachant que l’intérêt de la rejouabilité est proche du néant. C’est plutôt honnête pour un jeu proposé à 15€, et ce ne sont pas les joueurs de The Order 1886 qui vont contredire ce fait. White Night reste donc un jeu côtoyable, mais à l’unique condition d’être au courant de ses lacunes et de ses qualités.
Le site officiel des développeurs de White Night, OSome Studio, où vous pourrez admirer aussi bien le trailer que des featurettes, se trouve à cette adresse.
Silence on joue à parler de White Night, voici le podcast.
Vous craquez pour White Night ? Direction Steam.