Critique – Dernier requiem pour les innocents – Andrew Miller

Dernier requiem pour les innocents, le cimetière du passé.

Dernier requiem pour les innocents est un roman historique qui dissimule, derrière ce titre digne d’un polar, un épisode fort original de la vie du Paris des dernières années de la monarchie. En l’an 1785, en effet, Jean-Baptiste Baratte, le héros de Dernier requiem pour les innocents, jeune ingénieur normand tout juste diplômé des Ponts et Chaussées est chargé par le ministre du roi de vider le cimetière des Innocents et de détruire l’église du même nom.

Un Dernier requiem pour les innocents, une bien étrange mission

Voilà Jean-Baptiste Baratte, porteur d’une peu commune mission: déterrer tous les cadavres ensevelis pour certains depuis plusieurs siècles dans ce cimetière des Innocents. Dernier requiem pour les innocents décrit avec beaucoup de précision la réalisation de cette mission qui ne va pas aller sans heurter les esprits de l’époque pour lesquels les morts c’est sacré. Mais il s’aperçoit bien vite que la salubrité de l’air devient franchement détestable dans les environs. Le ministre lui décrit les doléances et les signes de danger.

Puis il y a peut-être une génération de cela, nous avons commencé à recevoir des plaintes. Parmi ceux qui habitaient à côté du cimetière, certains se mirent à trouver cette proximité déplaisante. La nourriture ne se conservait plus. Les chandelles s’éteignaient comme si deux doigts invisibles avaient pincé la mèche. Des gens qui descendaient leurs escaliers le matin étaient pris d’évanouissement. Cela causait aussi des troubles moraux, surtout chez les jeunes. Des jeunes gens et des jeunes filles à l’existence jusqu’alors sans taches. (pp.17-18)

Andrew Miller nous fait parcourir les rues de ce quartier de Paris sur les pas de Baratte qui doit rassembler de l’argent pour préparer sa mission et en même temps trouver des hommes capables d’accomplir une tâche aussi peu ragoutante. De même, il hésite longtemps à oser affirmer à ses logeurs, les époux Monnard, la raison de sa visite et le contenu de sa mission.

Je suis ici, annonce-t-il, conscient que tous trois écoutent intensément, pour mener une étude sur les Innocents.

Il rencontre également l’organiste de l’église des Innocents, Armand de Saint Méard qui ne semble pas si mécontent de lâcher son poste car il ne joue plus pour grand monde et espère obtenir la charge d’organiste de Saint Eustache. Mais plutôt que de savoir s’il aura le temps d’exécuter un Dernier requiem pour les innocents avant la démolition définitive il fait une curieuse proposition à Baratte.

Le Dernier requiem pour les innocents, le parti de l’avenir

Dernier requiem pour les innocents demeure avant tout un roman historique dans la plus belle acception du terme où le romanesque dispute à l’Histoire la vraisemblance des événements. Et là, à quelques encablures de 1789, Andrew Miller pose quelques jalons avec justement Armand de Saint Méard et son parti de l’avenir.

Le parti de l’avenir.

– Parce qu’il existe un tel parti?

– Il n’a pas de lieu de réunions, pas de souscription, et pourtant il existe aussi certainement que vous et moi. Le parti de l’avenir. Le parti du passé. Il se peut qu’il n’y ait plus beaucoup pour décider de quel côté vous êtes.

Dernier requiem pour les innocents s’attarde sur un groupe de « tagueurs » de l’époque qui inscrit des jurons à l’adresse du roi et de la reine ou bien tracés en grosses lettres d’imprimerie le mot « PEUPLE » sur les murs de Paris et scrute la réaction que provoque ce groupe sur l’ingénieur Baratte qui ne vise qu’à remplir sa tâche et en espérer une promotion. Des modifications s’opèrent en lui et c’est à l’occasion d’une de ces missions nocturnes à laquelle Baratte prend part qu’il va rencontrer Héloïse, une fille de petite vertu qui cultive derrière cette apparence le goût de la lecture d’œuvres subversives.

La vie et les sentiments autour de ce chantier qu’est ce Dernier requiem pour les innocents

C’est sans doute dans cette description de la vie des gens, des ouvriers, de leur contremaître, de Baratte, de Juliette, d’Héloïse et de tant d’autres dont on découvre la vie et les sentiments que Dernier requiem pour les innocents emporte l’adhésion du lecteur qui monte avec les héros dans les calèches, s’accoude au comptoir des tavernes ou se glisse dans le lit de Baratte et d’Héloïse avec naturel et sans trop s’appesantir. Avec un bel art de l’esquisse qui donne toute sa saveur au livre. Oui, les événements ne sont pas oubliés, se succèdent les jours, les caves à débarrasser de tous ces ossements, les doutes sur le respect des délais et puis la gestion des crises, mais au milieu de tout ce quotidien Dernier requiem pour les innocents n’oublie pas l’intime des gens comme lorsque Baratte s’endort chaque soir en récitant une litanie:

Qui es-tu? Je suis Jean-Baptiste Baratte. D’où es-tu? De Bellême en Normandie. Quelles sont tes qualités? Je suis ingénieur, formé à l’école des Ponts et Chaussées. En quoi crois-tu? Au pouvoir de la raison…

Voilà un roman historique intéressant où le prétexte de la Révolution semble avoir permis à Andrew Miller de donner de l’ampleur à ses personnages, une assurance, tout cela dans un style précis, clair et fluide qui n’offre aucun obstacle au lecteur pour franchir le miroir que Dernier requiem pour les innocents semble renvoyer avec un réel talent.

Pour en savoir un peu plus sur Dernier requiem pour les Innocents:

https://suspendstonvol.wordpress.com/2014/11/24/dernier-requiem-pour-les-innocents-andrew-miller/

Critique - Dernier requiem pour les innocents - Andrew Miller
Dernier requiem pour les innocents nous plonge dans le Paris pré-revolutionnaire. Une mission originale, des personnages attachants et ce cimetière qu'il faut vider de ses ossements sous la méfiance des Parisiens.
Style
Personnages
Histoire
On aime bien
  • L'ambiance du roman
  • Le style fluide qu procède par petites touches
On aime moins
  • Sentiment que tout est calibré
3.5La note
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