Après Scipion, son seul roman jusqu’alors traduit en français qui a reçu un très bon accueil critique, voici que paraît un nouveau roman de Pablo Casacuberta, né à Montevideo, Ici et maintenant. Roman d’initiation, recevra t-il le même accueil chaleureux du public français? Voici notre critique.
Ici et maintenant, c’est tout d’abord le titre d’une des deux revues à laquelle est abonné Maximo Seigner, un adolescent de presque dix huit ans. Il est à la recherche d’un job estival afin de s’extraire un peu de l’ambiance familiale pesante dans laquelle il vit en compagnie de sa mère, de son jeune frère de neuf ans, Ernesto, qu’il surnomme moqueusement Le nain, ainsi que de l’oncle Marcos, le frère de son père, qui semble souvent apprécier la compagnie de la mère de Maximo. Son père, justement, qui a disparu subitement sans plus jamais donner de ses nouvelles et qui va être au centre d’un secret de famille qui va approfondir ce passage de Maximo à l’âge adulte de retour vers certaines heures heureuses de son enfance en compagnie de son père quand il se levait tôt pour partir à la pêche.
Le matin, je me réveillais en proie à cette excitation estivale que l’on perd ensuite à l’adolescence, cette espèce de projection aiguë et cylindrique de ce que la journée va nous apporter, comme une insomnie diurne qui réjouit et martyrise à la fois.(Ici et maintenant, p.92)
L’auteur utilise le goût prononcé de Maximo pour les revues scientifiques pour en user comme d’un contrepoint à toutes les émotions nouvelles qu’il découvre, entre autre, dans les bras de Camila Badembauer, la propriétaire de l’hôtel où il a été embauché comme groom, et qui s’est pris d’une affection toute particulière pour lui. L’intériorisation de ses sentiments étant de ce fait particulièrement bien rendu du fait du désordre intérieur qui secoue le jeune adolescent quand il se retrouve dans les bras de la fort avenante propriétaire.
Si j’avais eu devant moi les étagères où s’empilaient les exemplaires de Connaissance et d’Ici et maintenant, j’aurais, comme d’habitude, tendu la main vers eux sans regard, confiant de trouver comme toujours une sorte de correspondance entre un article choisi au hasard et mon état d’esprit à ce moment-là.(Ici et maintenant, p.129-130)
Le phénomène d’identification du lecteur est facilité par une finesse de l’analyse de ces changements qui se produisent en cascade dès que Maximo s’est présenté pour ce travail dans l’hôtel.
Ici et maintenant conserve toujours une grande empathie envers tous les personnages, même ceux de Marcos ou du frère de Maximo, petite peste perfide. Au fil du récit et à mesure que progresse la sortie de Maximo de l’enfance (« le début de cette incertitude, de cette incomplétude qui est la sortie définitive de l’enfance ») et que s’évaporent les derniers secrets qui entourent la disparition subite du père, l’auteur se prend d’affection pour chacun d’entre eux, en soulignant aussi les bons côtés, les difficultés à vivre, leurs défauts et leurs qualités avec une générosité et une indulgence remplies de tendresse comme la révélation pour Maximo de l’art délicat de grandir et de ses pièges.
Ici et maintenant, une bien belle découverte à lire sans tarder!
Un autre avis sur Ici et maintenant :
L’Uruguayen Pablo Casacuberta et son roman “Ici et maintenant”