Eric Rochant, le créateur de la série Le Bureau des Légendes, a misé sur un casting de qualité, Mathieu Kassovitz tenant le rôle principal, celui de Malotru, un agent tout juste revenu d’une longue mission à Damas, en Syrie. Il est accompagné de Sara Giraudeau, récemment à l’affiche du premier film des soeurs Philippon Les Bêtises, qui elle est une agent sur le départ. L’on retrouve également Jean-Pierre Darroussin dans le rôle de chef mais aussi d’ami de Malotru, ainsi que Gilles Cohen qui joue son supérieur, et que l’on voit en ce moment à l’affiche de Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. Si leurs missions ne sont pas liées, les trajectoires des différents agents vont cependant se croiser, puisque leur bureau se concentre sur la disparition d’un agent infiltré en Algérie, Cyclone, dont le sauvetage constitue le fil rouge de la série. Chaque acteur est convaincant dans son rôle, les agents infiltrés maîtrisant l’air mystérieux et faisant planer le doute, même chez le spectateur, les gros bras de la DGSE appartenant au service action jouant aussi très bien le rôle de brutes à tout faire. L’on est ému parfois par la relation entre les agents et ceux que l’on pourrait appeler leurs « nourrices », ceux qui restent à Paris pour protéger leurs arrières.
Pour réaliser la série et incarner au mieux les personnages d’espion, les acteurs de la série ont eux-mêmes rencontré des agents, et l’équipe s’est vu autoriser une visite d’une partie des locaux de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, située boulevard Mortier. Cela a sûrement permis au réalisateur de coller le plus fidèlement possible à la réalité de la vie d’espion, et cela donne un résultat très réaliste, sans fioritures, sans effusions de sang, contrairement à des séries comme 24 où l’on en prend plein les yeux au niveau du matériel déployé, ce qui n’est pas le cas ici. En outre, l’intrigue tourne autour de conflits qui existent réellement, ce qui ancre le scénario dans l’actualité : l’on suit les négociations autour du nucléaire iranien à travers l’agent jouée par Sara Giraudeau ainsi que le conflit syrien grâce à la relation entre Malotru et la femme qu’il a rencontrée sur le terrain, Nadia El Mansour, et avec qui il va, malgré son retour à Paris, poursuivre une relation. Enfin, il est également fait mention dans Le bureau des légendes de la guerre au Sahel et de la progression de l’Etat Islamique, notamment avec la disparition de Cyclone en Algérie.
Finalement, le scénario du Bureau des légendes est classique mais bien maîtrisé : il s’agit là de suivre les rebondissements qui ponctuent les missions que doivent effectuer les agents, et qui sont monnaie courante dans leur profession. Il y a des règles à respecter, et celles-ci ne le sont pas toujours, ce qui cause des péripéties plus ou moins graves. L’on discerne ici le schéma classique de l’espion qui fait capoter sa mission par amour, impliquant des dommages collatéraux dans sa vraie vie, puisqu’il a décidé de mêler légende et réalité. Le réalisateur pointe du doigt la difficulté de vivre dans le secret et dans le mensonge, notamment pour les personnes qui entourent les agents. Les relations humaines prennent une toute autre dimension et ce sont aussi ces relations tendues car biaisées que l’on voit évoluer au fil du Bureau des Légendes.