Bogota, 1989. Voilà le décor planté par le premier épisode de la nouvelle série de Netflix, Narcos, qui se situe à mi-chemin entre la série et le documentaire. En effet, le réalisateur, José Padilha, un Brésilien, revient sur l’histoire de la naissance et de la formation du cartel de Medellin en Colombie, en reconstituant de manière romancée les épisodes qui ont permis l’essor du plus grand narcotrafiquant de l’histoire, Pablo Escobar.
Comme le rappelait le réalisateur de la série dans cet interview accordé à Télérama, la série Narcos n’est pas une série centrée sur Pablo Escobar : elle dépasse les frontières du cartel de Medellin et envisage le trafic de Cocaïne en Amérique du Sud d’une manière plus globale. Si l’on suit principalement le parcours d’Escobar, c’est tout simplement car ce narcotrafiquant surnommé « El Patron » a régné sur le royaume de la drogue des années 1980 au début des années 1990, lorsqu’il fut l’objet d’une véritable chasse à l’homme. Cette chasse à l’homme réellement orchestrée par des chefs d’état en 1990 est initiée, dans la série, par deux agents américains dépêchés sur place par la DEA, la brigade des stupéfiants américaine, Chris Murphy et Javier Pena. Ce sont aussi les relations que ces deux agents quelque peu livrés à eux-mêmes entretiennent avec leurs supérieurs et avec les autorités colombiennes que dépeint la série Narcos : en effet, pas simple de mener l’enquête et de poursuivre leur objectif, capturer Escobar, lorsque l’on est en territoire étranger et qu’intérêts civils se mêlent aux intérêts politiques. Entre corruption et affaires d’état, c’est tout le système des relations géopolitiques en Amérique qui est passé au crible par la série Narcos.
Narcos est une série qui se dévore d’une traite grâce à un rythme rapide et soutenu, même si chaque épisode est construit de manière à ce que le suspense grandisse, pour finir par un dernier épisode en apothéose, lors d’un siège qui va se révéler catastrophique pour nos deux enquêteurs. La violence est légion dans cette série, qu’elle soit verbale ou physique. Les cadavres jonchent le sol de la terre colombienne, d’une manière extrêmement réaliste : les traîtres, les témoins gênants et les sous-fifres sont éliminés, sans ménagement, notamment par les « sicarios », les hommes de main de Pablo. Néanmoins, au milieu de tous ces bains de sang, force est de constater la tendresse de Pablo Escobar envers ses proches, sa femme Tata, ses deux enfants, sa mère et son cousin, qui contraste avec la froideur dont il fait preuve avec ses ennemis ou la police. En dehors des meurtres, l’on assiste en outre à des kidnappings, arme redoutable utilisée pour négocier et obtenir des contreparties, ainsi qu’à des viols qui permettent principalement des revanches personnelles. Le portrait de Pablo Escobar dressé par José Padilha dans Narcos est donc in fine un portrait en demi-teinte, le réalisateur le montrant tour à tour doux avec les siens et aussi féroce qu’une bête sauvage assoiffée de sang avec le camp adverse. Si la violence est crue, elle est esthétisée par des jeux de lumière et par une musique entraînante que l’on découvre dès le générique absolument génial et qui nous rappelle à plusieurs égards celui de la tout aussi excellente série Dexter.
Bien que la lutte anti Escobar ait été menée par un conglomérat d’agences nationales et internationales, c’est bien par le prisme personnel que le réalisateur s’est attaché à nous en conter l’histoire. C’est donc la voix de Stephen Murphy, l’agent américain fraîchement débarqué dans le premier épisode, qui nous guide sur les traces du plus grand narco-traficant de l’histoire et de son entourage. Stephen Murphy est accompagné dans sa lutte par le beau Javier Pena, interprété par Pedro Pascal, dont les téléspectateurs attendaient le retour après son rôle dans la série Games of Thrones. Accro au sexe et à l’alcool, il met tout son cœur, dans Narcos, à épargner les innocents et arrêter les coupables. C’est lui le premier qui s’insurge des négociations avec ceux qui sont de véritables terroristes, et notamment à la plus haute échelle, l’échelle présidentielle.