Double Dragon Trilogy, un dépoussiérage fainéant de la part de DotEmu.
Double Dragon Trilogy, sorti fin 2013 sur Android et iOS, pose enfin ses grosses paluches musclées sur nos PC, et ce grâce à l’éditeur DotEmu, spécialisé dans les rééditions de jeux rétros. Double Dragon Trilogy c’est, comme son nom l’indique, le rassemblement de trois jeux Double Dragon, mais pas n’importe lesquels : la trinité sortie sur Arcade, et pas les versions sorties sur console, on verra que cette précision a son importance. Ce Double Dragon Trilogy est l’occasion de se remémorer un personnage atypique au sein de l’industrie vidéoludique : Yoshihisa Kishimoto, un ancien voyou devenu développeur et, on peut le dire sans sourciller, l’inventeur du genre beat’em all (Rock Zombie). Si le genre était déjà né, toujours grâce à Kihimoto mais sur la série Renegade, beaucoup d’éléments sont arrivés avec le premier Double Dragon : les enchaînements, le mode deux joueurs, ou encore ramasser ces armes à ramasser… Les codes du genre n’existaient pas auparavant et furent la règle pour la dizaine d’années qui suivirent (Double Dragon 1 date de 1987, ça ne nous rajeunit pas). Alors que la licence continue de temps en temps à faire parler d’elle (Double Dragon Neon, sorti récemment), on peut tout de même dire que la faillite de Technos, l’éditeur historique des Double Dragon, a mis fin au côté populaire de la série, qui depuis est rentrée au Panthéon des jeux vidéo. Cependant, les souvenirs des joueurs, concernant la licence Double Dragon, semblent étrangement embellis. Rappelons que les dernières itérations sorties dans le giron de Technos n’avaient rien de grandioses, et remémorons-nous aussi l’abjecte adaptation cinématographique, ou encore le dessin animé tiré de la licence avec son générique, avouons-le, tout à fait cocasse. Double Dragon Trilogy était donc attendu, avec une certaine méfiance : et si les défauts de l’époque étaient devenus aujourd’hui insupportables ?
Double Dragon Trilogy, ça raconte quoi ?
L’histoire des trois premiers Double Dragon n’est pas ce qu’on peut appeler un exemple de narration travaillée. Soyons clairs, les scénarios, dans la licence Double Dragon, on s’en fiche pas mal, mais tout de même l’univers et la trame existent, pour chaque soft. Tout d’abord, l’époque dans laquelle se déroule la licence se passait dans un futur… proche de l’année de sortie des softs. Les Double Dragon font partie de ces jeux qui nous projetaient dans un monde post-apocalyptique situé dans les années 1990. Double Dragon 1 prend place alors que la moitié du monde a été réduit à néant par une guerre nucléaire, mais pas les États-Unis. La violence règne dans les rues du pays de l’Oncle Sam, mises à feu et à sang. C’est dans ce chaos ambiant que Black Shadows, le plus cruel des gangs (non, pas basé à Wall Street), enlève Marion, la petite amie de Billy Lee, un spécialiste du style martial Sousetsuken (à vos souhaits). Billy part alors récupérer sa blonde, aidé par son frère Jimmy, des mains de Willy, le big boss des Black Shadows. Double Dragon 2, lui, débute carrément par la mort de Marion, alors qu’on avait pourtant lutté pour la sauver dans l’opus précédent, mais ici elle est tombée sous les balles de Willy. Rassurez-vous, la mort n’est pas du genre définitive dans la licence, et les deux frères réussiront, une nouvelle fois, à sauver la demoiselle en détresse. Dans Double Dragon 3, Marion essaie de concurrencer Peach en se faisant kidnapper une fois de plus, par une mystérieuse organisation dont l’objectif est de rassembler les trois pierres sacrées du pouvoir.
Double Dragon Trilogy, ravalement de façade ou simple maquillage ?
Double Dragon Trilogy formule une foule de promesses, dont l’une d’elles étaient un mode histoire pour chacun des softs. C’est avec un œil curieux qu’on se dépêche de lancer cette option, en lançant Double Dragon 1. Mais dur de ne pas passer par le menu option, identique dans les trois jeux présents dans Double Dragon Trilogy. On y trouve toutes les options techniques inévitables de ce genre de ressortie, soit le choix de résolution (le maximum étant 1600 x 900), l’application d’un filtre lissant et la possibilité d’émuler les scanlines (aussi appelées lignes de balayage). C’est pas fou, et le filtre lissant fera toujours hurler les puristes de la 2D tant il annihile le charme des personnages pixellisés. Double Dragon Trilogy présente des jeux clairement plus jolis qu’à l’époque, le contraire aurait été scandaleux, mais la possibilité de ne pas profiter des améliorations signifie que l’éditeur DotEmu destine sa compilation aux joueurs nostalgiques, voire aux nouveaux venus qui voudraient se frotter aux softs d’une époque révolue. Ce choix peut faire tiquer, et ceux qui s’attendaient à une révolution visuelle en seront pour leurs frais avec Double Dragon Trilogy. Autre option intéressante, celle qui met à notre disposition une bande originale remixée, en lieu et place de l’originale, elle aussi proposée. C’est simple, après avoir goûté aux thèmes remanié de Double Dragon Trilogy, il est difficile de revenir aux sonorités 8 bits.
Double Dragon Trilogy, histoire falsifiée.
Une fois revenu du mode option, lançons enfin Double Dragon 1 dans ce mode histoire qui fait tant envie. Et là, grosse, très grosse déception. Ce que DotEmu appelle mode histoire, est juste la division en niveaux des trois Double Dragon version arcade qui, eux, s’effectuaient en ligne droite. Proposer les Double Dragon sortis sur bornes, c’est inévitablement provoquer un sentiment de déception concernant la durée de chacun des jeux : comptez 30 minutes pour arriver à la fin d’un des jeux, ce qui ne surprendra pas les anciens accrocs aux bornes. Vous pensiez que Double Dragon Trilogy allait proposer des séquences scénarisées, une histoire certes bien nanardisante mais plus explicitée ? Vous en serez pour vos frais. L’intérêt de cette division en niveaux est que ceux-ci sont atteignables individuellement, après les avoir atteints une première fois. Vous avez réussi à survivre jusqu’à la fin de Double Dragon 2 en mode difficile, vous pourrez par la suite recommencer à partir du niveau final. Vous avez noté, au passage, que la difficulté de Double Dragon Trilogy est au choix du joueur, avec une option facile véritablement aisée, beaucoup plus que les versions originales, et tant mieux pour ceux qui auraient pu être rebutés par l’exigence que demande la licence. Double Dragon Trilogy est donc totalement décevant quand à son mode histoire, abusivement nommé, et se contente de le compléter par le mode arcade original. L’éditeur de Double Dragon Trilogy ne s’est clairement pas foulé.
Double Dragon Trilogy, démon de midi.
Quand aux jeux que présente Double Dragon Trilogy, leur qualité est toujours égale à celle de l’époque. Sans étonnement, Double Dragon 2 est sans aucun doute celui qui a le mieux vieilli. Sorte de remake de Double Dragon 1, la suite améliore beaucoup la formule, notamment niveau animations et vitesse. Car Double Dragon 1 est lent, très lent, et reste le gros morceau de frustration qu’il était à l’époque, à cause de ces satanés ennemis (sacré Abobo, on comprend pourquoi il a eu droit à un petit jeu dédié) aux attaques prioritaires. Ou encore ce fameux passage, réputé comme l’un des plus abusifs de l’histoire des jeux vidéo : le mur qui dit bonjour. Imaginez, une brique s’étend à l’infini, de manière totalement aléatoire, et vous arrache plus de la moitié de votre barre de vie. D’ailleurs, ce moment a tellement fait cauchemarder que les deux autres Double Dragon reprennent la séquence, quasiment à l’identique, histoire de bien faire rager. Double Dragon 2 est tout de même beaucoup plus juste, et Billy a une meilleur allonge, et c’est à la suite de votre énième crise de nerf que vous vous le direz. Le souci, de taille, est que, comme dit précédemment Double Dragon 2 est une redite de Double Dragon 1, parfois avec des passages entiers réutilisés, mais tout de même remaniés techniquement, modifiés niveau décors. Impossible de ne pas se dire que ce Double Dragon Trilogy ne propose, en fait, que deux jeux et demi. Et Double Dragon 3 me demanderez-vous avec passion ? Double Dragon 3 est un mauvais jeu, comme à l’époque de sa sortie. D’ailleurs, Yoshihisa Kishimoto lui-même le renie, déclarant en avoir profondément honte. On le comprend, même s’il n’a pas participé au développement de Double Dragon 3. Et pourtant, ce dernier Double Dragon en arcade tente de nouvelles choses, comme le coup de pied sauté provoqué par le contact avec un mur. Mais Double Dragon 3 restera surtout un net recul au rayon des animations, beaucoup plus saccadées, et surtout il est immortalisé pour être l’une des premières (ou même la première ?) tentatives de DLC, ces ajouts au jeu payants qu’on est en droit de détester de tout notre cœur. En parcourant les niveaux de Double Dragon 3, vous pourrez rentrer dans des magasins pour commercer avec un vendeur qui vous remettra vies, énergie, armes, etc. Dans cette version, évidemment vous avez accès au contenu gratuitement, mais sachez que, à l’époque, la borne Double Dragon 3 vous faisait payer ces bonus en vrai argent.
Double Dragon Trilogy, pour les Indiana Jones du jeu vidéo.
Double Dragon Trilogy est l’exemple parfait pour démontrer un certain ras-le-bol de ces ressorties fainéantes. N’attendez aucun bonus, pas de making of, même pas un bout d’artwork, rien. Même côté gameplay, rien n’a changé dans les jeux proposés par Double Dragon Trilogy, et on se retrouve avec notre pad (entièrement pris en charge) dont seuls trois boutons sont utilisés. L’idée de dédier une touche au déclenchement du coup spécial, ça n’a visiblement pas effleuré l’esprit de l’éditeur de Double Dragon Trilogy, toujours dans l’optique de rester fidèle au matériel d’origine. La durée de vie de Double Dragon Trilogy est pourtant loin d’être ridicule. Le mode multi en local peut tout de même amuser pas mal de temps, et le multi en ligne de Double Dragon Trilogy est tellement désert que nous n’avons pu le tester qu’une poignée de fois, pour nous frotter à un lag de tous les diables. Comme dit plus haut, les Double Dragon se terminent en une demi-heure, mais terminer n’est pas dompter. Comptez une heure pour maîtriser totalement chacun des jeux contenus dans Double Dragon Trilogy, et quelques-unes en présence d’un pote, à peu près six heures à tabasser du voyou. Pour le prix proposé (cinq euros sur Steam, six chez Desura), on peut se laisser tenter par ce Double Dragon Trilogy, mais uniquement dans un but archéologique, et certainement pas en espérant un travail de remasterisation aussi abouti que, par exemple, Grim Fandango Remastred. Peut-être que Double Dragon Trilogy aurait dû rester exclusif aux supports portables…
Double Dragon Trilogy, les bonus.
Un podcast entier sur la série des Double Dragon est à écouter chez La Caz Rétro.
Pour en savoir (beaucoup) plus sur Yoshihisa Kishimoto, le créateur de la licence Double Dragon, nous vous conseillons fortement le superbe ouvrage Enter The Double Dragon, signé par l’inévitable Florent Gorges, et disponible chez Pix’N’Love dans une édition de base ou collector.
Gameblog a consacré un épisode de l’émission Backstage à l’inventeur de Double Dragon, que vous retrouverez ici.
Pour acheter Double Dragon Trilogy, c’est notamment chez Steam ou Desura. Attention aux différences de prix…
- Retrouver des jeux historiques.
- La bande originale remixée.
- Pas de véritables améliorations techniques.
- Gameplay inchangé.
- Double Dragon 3...