Contre-critique – Deadpool

Depuis sa mise en chantier, Deadpool est une promesse. Et ce n’est pas la campagne marketing ultra agressive du film qui laissera entendre le contraire. Un film subversif, un film qui casse les codes, un film qui ose, un film Rated R aux Etats-Unis (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés), en somme un film qui propose, enfin, quelque chose de différent dans la galaxie super-héros Marvel. Par ici la critique (ou plutôt, contre-critique, puisque nous avions déjà émis un premier avis sur le film).

Deadpool, le film de super-héros différent… ou pas

Ces promesses, qui nous ont été rabâchées pendant des mois, étaient d’autant plus crédibles que Deadpool est effectivement un personnage atypique dans l’univers Marvel (Thor, Iron Man, Ant-Man). Et le générique d’introduction enfonce le clou, remplaçant les noms des acteurs et du réalisateur par des qualificatifs : « avec un imbécile heureux », « une bonnasse », « un méchant trop classe »… Le ton décalé est donné, et l’on espère voir enfin un film de super-héros intéressant, avec du recul, tout en craignant tout de même un peu la facilité de la parodie.

Affiche de Deadpoll

Et malheureusement, l’espoir ne dure pas longtemps. Car il est rapidement évident que Deadpool (qui est produit par la Fox, rappelons-le) souffre des mêmes défauts que la plupart de ses cousins, et qu’il est construit comme eux. Ainsi le film nous raconte à nouveau les origines d’un héros (allez, disons du personnage principal), qui n’ont pas plus d’intérêt ici que d’habitude. Pire : les origines de Deadpool sont en fait beaucoup moins intéressantes que celles des super-héros classiques puisqu’il est entendu (pour le spectateur, les producteurs et le réalisateur) qu’on est là pour faire des blagues et se montrer caustique. Mais on ne va tout de même pas casser vraiment les règles, alors on passera une bonne moitié du film à raconter une histoire d’amour insipide. On a donc droit à un personnage féminin qui représente l’enjeu romantique du film, et il va sans dire que la demoiselle sera enlevée par le méchant, attribuant par là un objectif noble au personnage principal (allez, appelons-le héros). On notera au passage que si Deadpool (la BD) se démarque souvent par des histoires abracadabrantesques, les enjeux et péripéties du film sont plutôt terre-à-terre. Pour l’originalité et la folie, on repassera, donc. Le film se conforme à ce point au modèle qu’il se pliera à la traditionnelle scène post-générique (avec une blague, certes, rappelant que l’humour est souvent l’arme des cancres), là où on aurait apprécié l’audace d’un simple écran « FIN »…

L’irrévérence adolescente

Autre promesse : l’irrévérence. C’est que le film mise sur son côté Rated R (il est interdit aux moins de 12 ans en France) pour montrer qu’enfin on se permet des choses, qu’on peut sortir de la spirale des blockbusters sur-aseptisés comme les Avengers. Alors on verra quelques paires de seins gratuites, quelques gouttes de sang mais pas tant que ça, et surtout, surtout, on entendra des « fuck » et des « cock » toutes les deux phrases. Bien. Alors c’est ça, l’irrévérence ? S’il y a de l’idée concernant l’esthétique de la violence, il faut savoir que presque tout ce qu’il y a à voir se trouve dans la bande-annonce (soyons honnête : ça se trouve dans la bande-annonce US, celle qui a été diffusée dans les salles françaises était étrangement censurée). Surtout, il faut savoir que les scènes d’action sont tellement mal filmées et montées qu’elles arrachent des bâillements là où l’on devrait jubiler. Il n’y a pas de maîtrise du rythme, pas de variation, pas d’emphase… et on a déjà vu mille fois des types virevolter et faire des vrilles en sautant (et c’est toujours aussi ridicule en film). Alors on s’ennuie. On lève un sourcil quand une tête explose, mais voilà, le spectacle est déjà fini, tout est donné. C’était si peu. Peut-être que l’humour corrosif viendra sauver les meubles et rattraper l’ensemble ? Non. Deadpool enchaîne les blagues mais peine à faire mouche (ça arrive parfois, tout de même), la faute à une qualité d’écriture des dialogues à la hauteur de l’écriture du scénario, c’est-à-dire médiocre. Certes, c’est plein de gros mots et de blagues sur la b**e (ho !), mais niveau collège. C’est gratuit, peu (pas) recherché, facile, facile, facile. C’est donc ça, le changement Rated R ? Du vulgaire de base qui n’est jamais transcendé ni par une mise en scène adaptée, ni même par les acteurs (et pourtant Ryan Reynolds – The Voices, R.I.P.D.Renaissances…  – ne s’en sort pas trop mal). Deadpool est un film sage, sans verve, et c’en est désespérant.

Deadpool sur un mur

C’est toujours la même histoire

En fin de compte, Deadpool ne diffère pas tellement des films de super-héros habituels. Pire : il ne diffère pas tellement de la recette Marvel des films de super-héros. Rreconnaissons qu’à trois bricoles près, et puisque – au moins jusqu’au prochain Captain America, qui abordera le très bon arc Civil War – on s’escrime à ne pas raconter d’histoire intéressante, on regarde le même film année après année. La circonstance atténuante cette fois-ci sera l’identité parodique assumée, qui est une facilité en soi dans la mesure où il n’y a rien derrière : on peut alors se permettre quelques scènes ouvertement mauvaises (la leçon de morale de Colossus, qui détruit complètement l’enjeu qu’elle illustre), avec l’excuse que « c’est fait exprès ». On retrouve dans Deadpool ce qui fait défaut à la plupart des films de super-héros : une réalisation sans inspiration, un montage sans saveur, et une histoire sans intérêt. Bien sûr, l’univers de la BD est respecté, et on a droit à des référence, et même quelques séquences bien fichues (le double-dialogue dans le taxi), ce qui contentera certains fans. Mais le film échoue sur les mêmes points que ses prédécesseurs, et il passe surtout complètement à côté des promesses qui étaient faites (le fameux 4ème mur brisé, caractéristique du personnage, s’avère d’ailleurs bien mal exploité). Finalement, Deadpool est une comédie sage, réalisée par des gens pas très fun.

Pour un avis différent, parce qu’il en faut toujours :

http://www.journaldugeek.com/2016/02/09/critique-deadpool/

Contre-critique – Deadpool
On attendait de la folie, du fun et des vannes assassines, on attendait un film de super-héros qui ose. Finalement, Deadpool se montre bien sage, et ne parvient pas à couper le cordon.
Scénario
Acteurs
Mise en scène
Images et son
On aime bien
  • La BD est cool !
  • La bande-annonce (US) était cool !
  • Ryan Reynolds fait ce qu'il peut, et il le fait bien
On aime moins
  • Trop sage
  • Réalisation catastrophique
  • Ecriture catastrophique
2.2L'avis
Note des lecteurs: (4 Votes)
  • Titre : Deadpool
  • Année de sortie : 2016
  • Style : Action
  • Réalisateur : Tim Miller
  • Synopsis : Deadpool, est l'anti-héros le plus atypique de l'univers Marvel. A l'origine, il s'appelle Wade Wilson : un ancien militaire des Forces Spéciales devenu mercenaire. Après avoir subi une expérimentation hors norme qui va accélérer ses pouvoirs de guérison, il va devenir Deadpool. Armé de ses nouvelles capacités et d'un humour noir survolté, Deadpool va traquer l'homme qui a bien failli anéantir sa vie.
  • Acteurs principaux : Ryan Reynolds, Morena Baccarin, Ed Skrein
  • Durée : 108 minutes
  • http://camillelatouche.com/ Camille LATOUCHE

    Ha, enfin une critique négative de ce film. Et en plus bien argumenté. Merci