Dire que Captain America Civil War était attendu est un euphémisme. Parce que les impressionnants rendez-vous Marvel génèrent toujours de l’attente, parce qu’on nous promettait pléthore de personnages, mais surtout parce que, pour une fois, Marvel s’appuie sur une BD solide, avec une histoire et tout. Pour quel résultat ? Notre avis.
L’adaptation d’une bande-dessinée en film n’est jamais chose aisée. Le rythme et la narration du premier répondent à des codes et des moyens qui sont inconnus du second. Les comics, et en particulier les comics classiques de super-héros, sont d’ailleurs rarement irréprochables sur ce plan : ils abusent des ellipses, enchaînent souvent les planches sans qu’on comprenne bien pourquoi on passe de tel événement à tel autre, de tel personnage à tel autre, notamment quand il s’agit de jongler avec des groupes nombreux. Captain America Civil War s’emploie à reprendre ces défauts à merveille : le montage du film est indigeste, les scènes se succédant sans logique, le rythme imposé ne trouvant jamais son équilibre, que ce soit lorsqu’il faut transmettre des émotions, lorsqu’il faut poser des enjeux ou lorsqu’il faut emballer l’action. Les personnages défilent, gigotent, sont là pour assurer leur quota d’action sans que le film parvienne à décider si il faut s’intéresser vraiment à eux ou non. Oh, du coup l’emphase est mise sur ceux qui bénéficieront sous peu de leur propre long métrage, et c’est finalement en une sorte de teaser géant pour Spiderman (incarné par Tom Holland – Blackcountry) et Black Panther (interprété par Chadwick Boseman – Get on up, The Kill Hole) que se transforme ce nouveau Captain America.
Civil War, ou la petite dispute
Tout comme pour L’Ere d’Ultron, Marvel prend un malin plaisir à jeter de la poudre aux yeux des spectateurs, en utilisant des sous-titres mensongers. Avengers 2 racontait une ère qui durait péniblement quelques heures (là où la BD devait avoir recours aux voyages temporels, montrant ainsi que le terme d’ère n’était pas usurpé). Captain America Civil War, pour sa part, raconte une guerre civile entre 8 personnes, dont le point d’orgue est une bataille dans un aéroport curieusement déserté, l’ensemble (bien que plutôt réussi, cette bataille étant sans doute le seul point à sauver du film, notamment grâce à Paul Rudd, qui joue Ant-man) ayant quand même des airs de baston de gangs sur un parking. Alors on comprend aisément que représenter à l’écran les très nombreux personnages de la BD était chose complexe. Civil War devait donc au moins être le dilemme idéologique du matériau originel : les super-héros peuvent-ils, doivent-ils être au-dessus des lois au nom de la justice ? Mais sur ce point également, Captain America Civil War échoue. En se montrant peu habile à la fois dans sa mise en scène, dans sa façon d’amener les choses et surtout dans sa façon d’évacuer le débat. Rapidement le film se focalise sur le Winter Soldier (Sebastian Stan – Seul sur Mars, Apparition…), et ce qui avait commencé comme une promesse de réflexion sur la justice s’achève sur ce bête message : la vengeance, c’est mal… Captain America Civil War est un long renoncement à toute ambition qualitative en terme de propos, alors même que c’est ce qui faisait la force du comics. Dramatique.
Business is business
A bien des égards, Marvel réitère ici ce que Disney a commis avec Star Wars VII : le film ne vaut pas grand-chose en soi, et se présente plutôt comme une vitrine, une publicité pour son propre univers. Spiderman en est l’exemple le plus frappant. Personnage central de la BD, l’homme-araignée y cristallisait tout le dilemme qui tiraille les super-héros – et le lecteur. On comprend alors pourquoi Marvel a bataillé pour récupérer les droits cinématographiques du personnage, alors aux mains de Sony Pictures. Oui mais voilà, dans Captain America Civil War, que fait Spiderman ? Des cabrioles et des blagues. C’est conforme au personnage, mais voilà bien le problème : le rôle de Spiderman n’a plus aucun intérêt scénaristique. Comment expliquer que le cœur même de la BD ait été purement et simplement supprimé, alors même que Marvel avait récupéré le personnage et disposait d’un scénario tout fait ? Tout le travail était déjà prêt, et au final : rien. Des cabrioles et des blagues, finalement un teaser géant pour le prochain reboot aura remplacé l’opportunité d’enfin raconter quelque chose. Du point de vue scénaristique, on passe donc du dilemme de positionnement de Peter Parker (quel camp choisir ? Qu’est-ce qui est juste ?) à « il faut sauver le Winter Soldier », dont le seul mérite est de mettre un homme dans les chaussures de la sempiternelle demoiselle en détresse (mais le grand méchant est aussi nul que d’habitude, et son plan aussi bidon qu’à l’accoutumée). Il y a dans ce dernier Marvel un terrible aveu d’incapacité à produire quoi que ce soit d’intéressant dès lors que l’on s’éloigne de la comédie pure.
Du comics, il ne reste pas grand-chose. Captain America Civil War en a tiré quelques idées, mais a soigneusement écarté tous les points intéressants, s’est attaché à ce que chaque modification, chaque adaptation atténue l’impact de ce qui aurait dû être un grand film – ou au moins un bon film. Mais faire un bon film n’est clairement pas aussi important que vendre dès à présent les prochaines productions du studio, au point que ce n’est pas une mais deux séquences post-génériques qui seront présentées : une pour Black Panther, et une pour Spiderman. Ou comment achever sans pudeur ce teaser géant et creux.
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- Titre : Captain Amrica : Civil War
- Année de sortie : 2016
- Style : Action
- Synopsis : Steve Rogers est désormais à la tête des Avengers, dont la mission est de protéger l'humanité. À la suite d'une de leurs interventions qui a causé d'importants dégâts collatéraux, le gouvernement décide de mettre en place un organisme de commandement et de supervision. Cette nouvelle donne provoque une scission au sein de l'équipe : Steve Rogers reste attaché à sa liberté de s'engager sans ingérence gouvernementale, tandis que d'autres se rangent derrière Tony Stark, qui contre toute attente, décide de se soumettre au gouvernement...
- Acteurs principaux : Chris Evans, Robert Downey Jr., Scarlett Johansson, Sebastian Stan, Anthony Mackie, Don Cheadle, Jeremy Renner, Chadwick Boseman
- Durée : 2h28min
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