Cold In July, quand Jim Mickle abat froidement son récit.
Avec Cold In July, nous retrouvons un réalisateur parti pour être un auteur à surveiller : Jim Mickle. Trois films lui auront été nécessaires pour se faire un nom auprès des cinéphiles à tendance cinéma de genre : Mulberry Street et ses rats contaminés, Stake Land et son épidémie de vampirisme dans un monde post-apocalyptique, ainsi que We are what we are et ses enfants cannibales. Si on a encore quelques réserves sur certains points de réalisation, notamment une facilité déconcertante à tomber dans le film de petit malin, ce Cold In July, adaptation d’une nouvelle de Joe R. Lansdale, semblait parti pour effacer les doutes.
Dans Cold In July, on suit l’histoire de Richard Dane (Michael C. Hall, Dexter c’est lui), un encadreur bien sous tous rapports, voire d’une banalité rassurante. Alors qu’il coule des jours heureux avec sa petite famille, il est victime d’un cambriolage qui va prendre des allures de drame. En effet, le voyou meurt violemment, d’une balle tirée en pleine tête par Richard. Alors que le voisinage voit le père de famille comme un héros, ce dernier ne trouve plus le sommeil. A raison, car il semble que le père (Sam Shepard, remarqué récemment dans la série Klondike) du cambrioleur abattu rôde dans les parages. Bientôt, les soupçons s’avèrent être fondés, et les menaces deviennent de plus en plus oppressantes.
Cold In July, un été qui s’annonce mouvementé.
On ne peut nier que Cold In July débute tambour battant. Les premiers instants installent une ambiance qui rappelle fortement celle des films de l’immense John Carpenter, et ce n’est pas pour déplaire. Visuellement, c’est léché, et côté musical on est dans les gros synthétiseurs bien angoissants. La séquence de cambriolage a ça de fort qu’elle établi beaucoup des qualités que l’on retrouvera tout au long du film. Des cadres bien étudiés, un montage lisible, des personnages que l’on sent loin d’être de simples archétypes. Richard Dane est un habitant d’une petite ville du Texas, et si il possède une arme, léguée par son père, on ne peut pas dire qu’il soit aussi habile qu’un Ranger quand il met en joue un assaillant. D’ailleurs, le drame initial de Cold In July a lieu sur un malentendu, un mouvement totalement gauche du personnage, qui ne maîtrise pas son pistolet et met un terme définitif au danger décrit dans la séquence. Si l’on ne peut s’empêcher d’étouffer un rire, on est aussi un peu inquiet pour la force du récit. Et si ce Cold In July était l’un de ces représentants d’un cinéma cynique, peu enclin à prendre son histoire au sérieux ?
Cold In July, aussi instable que Gayet.
Mais Cold In July ne laisse pas trop de temps pour divaguer, du moins dans sa première moitié qui s’avère être de haute volée. L’intrigue se complexifie alors que le premier nœud dramatique se défait. Les apparences sont trompeuses dans cette partie, et il est difficile de ne pas tomber sous le charme de cette atmosphère paranoïaque qui se dégage de Cold In July. Les personnages continuent à ne pas être ce que l’on attendait d’eux, le spectateur ne peut pas se sentir convaincu de quoi que ce soit. Quand au spectacle, il est parfois d’une belle qualité. On pense notamment à la séquence du train, qui sonne très western moderne, et très bien éclairé. Lumière qui est d’ailleurs l’une des belles qualités du film. Mais Cold In July est décidément un film très difficile à cerner, car c’est alors que l’on se voit prendre un pied monstrueux qu’une intervention vient tout gâcher.
Cold In July, le cynisme comme méthode de traitement.
La deuxième partie de Cold In July débute avec l’arrivée du détective Jim Bob (Don Johnson, qu’on peut voir actuellement dans la série Une Nuit en Enfer), véritable cliché Texan sur pattes, que le réalisateur prend comme prétexte pour nous rappeler ses mauvais tics. A partir de cet instant précis, le film tombe dans la gaudriole qui voudrait apporter au récit une touche de cynisme. C’est le but recherché, et il est malheureusement atteint tant l’histoire, qui continue pourtant à dévoiler des choses intéressantes, devient de moins en moins crédible tout en étant de plus en plus racontée avec un sourire en coin très lourd, très appuyé. Jim Mickle se s’en cache pas, en laissant passer des incohérences aussi grosses qu’un nez au milieu du visage, voire carrément en trahissant totalement les personnages de Cold In July qu’il avait pourtant bien maîtrisé jusqu’alors. Et ça, c’est à la fois inacceptable et très symptomatique de certains réalisateurs actuels, très portés sur la grivoiserie qu’ils peuvent tirer de scénarios pourtant loin d’être drôles. C’est d’autant plus gonflant que ce Cold In July partait avec des intentions d’hommage au cinéma de Carpenter, dont les œuvres sont aux antipodes de ce genre de traitement désinvolte. Pour rester sur le personnage de Richard Dane, lui qui était un très mauvais tireur, et surtout un homme sous tension et peu sûr de lui, finit par devenir une sorte de desperado badass, et ce sans aucune construction. Pas de transformation intime dans les personnages de Cold In July, ne rêvez pas à une progression à la Chiens de Paille, il faut juste croire en ce que Jim Mickle nous expose, et c’est complètement raté même si le casting réussit à s’en sortir plutôt bien.
Cold In July, un été pourri.
Alors certes, Cold In July reste beau à regarder, même si l’on peut trouver certains effets typique d’un réalisateur qui a juste envie de se faire plaisir. Par exemple, l’utilisation de la demi-bonnette, dans le final, paraît très surfaite, juste nécessaire pour le plan en question et non en terme de vision globale, comme on a pu le voir chez un Brian De Palma, fan du procédé. Cette fin, d’ailleurs, vient entièrement confirmer ce que l’on ressent depuis près d’une heure : Jim Mickle ne respecte pas l’histoire de Cold In July, en traitant avec amusement des sujets qui auraient dû apporter une forme de malaise, une tension palpable. Parce que, vous en conviendrez sans trop éventer l’intrigue, imaginer que des vidéos snuff puissent exister est quelque peu décontenançant. Non, ici c’est juste un prétexte pour nous balancer un gunfight certes amusant, sanglant, mais jamais aussi marquant qu’il devrait être. Le réalisateur pensait nous faire le coup du final de La Horde Sauvage, avec son trio énervé, mais il se prend les pieds dans le tapis et donne un dernier acte plus digne de la comédie gore et futile à la Django Unchained. On a évité le massacre baigné de rap vulgaire, c’est déjà ça. Cold In July n’arrive pas à se transcender, malgré de nombreuses qualités indéniables, et restera malheureusement un film bien trop léger pour marquer durablement, mais mérite tout de même d’être vu pour sa première partie réussie.
Pour voir la bande annonce de Cold In July, c’est par ici.
En farfouillant sur le net, on tombe sur cette très sympathique vidéo hommage au film, à la mode rétrogaming.
Jim Mickle en interview, intéressant à lire chez Telerama.
Retrouvez d’autres critiques de Cold In July, notamment chez Filmosphere, Avoir-alire, et Abusdecine.
- La première moitié, très prenante.
- Une lumière très travaillée.
- Le casting s'en sort bien.
- La deuxième moitié cynique.
- Le scénario assez banal.
- La mise en scène asthmatique.