Colt 45, de Fabrice Du Weltz, le calibre qu’il te faut.
Colt 45 déboule comme le troisième film d’un réalisateur suivi de près : Fabrice Du Weltz. Son premier film, Calvaire, fut un choc et son deuxième, Vinyan, une réussite malheureusement boudée et assez mal distribuée. L’année 2014 a sonné le retour de ce metteur en scène belge, puisque ce ne sont pas moins de deux œuvres qu’il signe : Alleluia et, donc, ce Colt 45, première incursion dans le genre du polar noir pour Fabrice Du Weltz. Un effort qui aura accouché dans la douleur, tant la post-production aura été semée d’énormes soucis, le résultat final étant décrié par Du Weltz lui-même, qualifiant Colt 45 de film malade. Des tensions entre l’auteur et certains des comédiens (particulièrement avec Joey Starr), Thomas Langmann très mécontent du résultat, montage et mixage sans l’accord du réalisateur (hérésie), changement de distributeur, Warner Bros récupérant le bébé avant qu’il ne soit jeté avec l’eau du bain, la carrière de Colt 45 au cinéma n’aura pas été de tout repos. Pour mieux trouver le succès en vidéo ?
Colt 45 nous fait suivre le parcours de Vincent Milès (Ymanol Perset), tout récemment devenu armurier et instructeur à la Police Nationale. Toute jeune recrue de 25 ans, son grand talent au tir en fait l’un des agents les plus en vue, les plus désirés par les services secrets à travers le monde. Mais Vincent refuse catégoriquement d’être intégré à une équipe d’intervention sur le terrain, préférant travailler dans l’ombre. Le jeune surdoué fait alors la connaissance de Milo Cardena (Joey Starr), un homme apparemment policier et, lui aussi, plus que brillant arme à la main. Milo s’avère être bien mystérieux, et Vincent s’embarque dans un enchaînement de violence qui l’amènera, sur ordre de son parrain le commandant Denard (Gérard Lanvin), à enquêter sur un gang aux méthodes étrangement militaires.
Colt 45, une ouverture qui a du chien.
Colt 45, c’est renouer avec l’un des réalisateurs européens les plus doués de sa génération, et les premières séquences sont là pour bien poser cet état de fait. Vincent Milès traverse une épreuve de tir en forme de parcours du combattant, et Fabrice Du Weltz en profite pour se faire plaisir, en jouant finement avec les premiers et troisièmes plans, d’où sortent les cibles à abattre. C’est beau, c’est fluide, c’est impressionnant, spectaculaire sans en faire trop, Colt 45 démarre bien. Un très bon amuse-gueule qui se charge de caractériser physiquement Vincent, ce qu’arrive à assumer Ymanol Perset. Le petit souci qu’on sent pointer est que Colt 45 se repose trop sur les qualités de ses séquences d’action et oublie, du coup, d’approfondir les personnages et leurs relations.
Un Colt 45 pour trois salopards.
Colt 45 fut scénarisé par Fathi Beddiar, que les lecteurs de Mad Movies ont bien connu pour avoir été une belle plume, analysant avant tout le genre du film policier. Avec Colt 45, il passe à l’écriture d’un long-métrage, un objectif monstrueux de difficulté. Impossible de savoir ce qu’il s’est réellement passé, mais les rumeurs disent que le scénario original fut réécrit plusieurs fois, charcuté par la production de Colt 45, ce qui n’est jamais bon signe pour l’idée originale du scénariste, qui voit presque toujours son œuvre être trahie, remodelée. A l’écran, on sent bien un gros souci d’écriture, car si Vincent est superbement décrit par l’action de Colt 45, il ne l’est que peu par l’intrigue et les connexions entre les personnages. Pourtant, Colt 45 expose un triangle qui devrait donner quelque chose de puissant : une jeune recrue prise en étau par son parrain, Denard, et son instructeur, Chavez (Simon Abkarian, vu dans Angélique). Ces deux derniers se tirent dans les pattes et décrivent une police à la fois pathétique et sombre, pleine de ressentiments et de doutes. Pourtant, on ne sent jamais une alchimie, ce petit truc en plus qui fait d’un bon film un grand film. Colt 45 manque de fond, un composant toujours sacrifié quand un film est mal produit.
Colt 45, you talking to me.
Colt 45 est bien mis en scène, spectaculaire et dans l’ensemble plutôt bien interprété. Même Alice Taglioni n’y est pas trop mauvaise, c’est dire l’exploit accompli par le réalisateur. Alors, pourquoi Colt 45 ne fonctionne pas autant qu’on le voudrait ? L’histoire veut faire de Vincent un personnage réactif, qui passe de l’immobilisme à l’activisme extrême. Pour faire simple, le Vincent de Colt 45 c’est Travis Bickle, de l’immense Taxi Driver : sa recherche de valeurs va le conduire à devenir ce qu’il ne voudrait surtout pas être si seulement l’époque dans laquelle il vit avait pris la peine de l’écouter. Le hic, c’est que le chef-d’œuvre de Scorcese s’inscrit, tout du long, dans un contexte bien précis (le retour du Viêt-Nam) qui sublime l’intrigue, et fait de Bickle quelque chose d’autre qu’une simple réaction. C’est tout ce qui manque à Colt 45, sûrement à cause de choix de production : une ambiance, quelque chose de lancinant, pouvant faire se questionner le spectateur sur le cheminement de Vincent. Sans ce fond, le personnage principal de Colt 45 n’est en fait qu’une coquille un peu creuse, et vient alors un ressort scénaristique assez foireux : le chantage pour mieux justifier la réaction. Colt 45 peut alors être aussi puissant qu’il le peut visuellement, rien ne prendra assez aux tripes pour que le film soit véritablement mémorable bien après le visionnage.
Colt 45, une odeur de poudre.
Et pourtant, Colt 45 est un vrai bon polar, un exercice réussi de ce côté-là. Très sombre, voir pessimiste, la tension ne faiblit pas vraiment dans Colt 45, jusqu’à un final retentissant, qui aura choqué à cause de sa violence certaine. Au passage, ce n’est pas par pur hasard que Taxi Driver est cité plus haut, ceux qui ont vu le Scorcese (qui ne l’a pas vu est prié de tout mettre de côté et foncer y remédier, et plus vite que ça) y verront une référence directe dans le climax de Colt 45. Fabrice Du Weltz se tire très bien de l’exercice de style et propose une action claire, lisible, sanglante mais pas non plus gore. On a le sentiment que tout le peu de ce qui est maîtrisé par Du Weltz, et non la production, est ce qui fait du film un moment agréable. Puis intervient l’épilogue, qui termine d’assombrir l’ambiance, faisant de Colt 45 un film certes décevant sur certains points (ceux non validés par le metteur en scène, soyons clairs), mais réussi niveau spectacle.
Colt 45, les bonus.
Pour voir la bande-annonce de Colt 45, c’est à cette adresse.
Pour se rendre compte à quel point Fabrice Du Weltz ne valide pas Colt 45, c’est chez Cinevox.
N’hésitez pas à lire d’autres critiques de Colt 45, notamment chez Filmosphere, Cinécinéphile et Le Passeur Critique.
- Du Weltz, gage de qualité visuelle.
- Tagliani, pas aussi insupportable que d'habitude.
- Les amateurs de noirceur aimeront.
- La production du film, une honte.
- Scénario qu'on sent charcuté.
- Un faux-raccord tellement énorme...