Critique de Fantastic Four, réalisé par Josh Trank et produit par la Fox, et explications quant à la débâcle qui entoure ce film depuis sa sortie sur les écrans le 5 août dernier.
Hué, conspué ou défendu, difficile ces dernières semaines d’être passé à côté des divers avis qui émergent autour du film Fantastic Four. Entre une pagaille totale niveau réalisation et un surbooking côté films de super-héros, les Quatre Fantastiques confirment leur réputation de « licence maudite » avec ce nouveau film, eux qui sont pourtant historiquement la première équipe du genre. Dans cet article, on démêle le bon du mauvais, et on remet les points sur les I.
Les Fantastic Four, une équipe déjà rodée au cinéma
L’histoire, on commence à la connaître. Red Richards, Ben Grimm, Susan Storm et son frère Johnny, sont quatre scientifiques et amis qui sont victimes d’un accident sans précédent leur conférant à chacun une capacité hors du commun. C’est alors qu’ensemble, ils forment l’équipe des Quatre Fantastiques pour protéger l’humanité. En 2005, ce sont Ioan Gruffudd, Michael Chiklis, Jessica Alba (Sin City) et Chris Evans (recyclé chez Marvel Studio en Captain America) qui incarnent l’équipe. La version 2015 fait peau neuve avec un casting plus jeune laissant place à Miles Teller (Divergente), Kate Mara (House of Cards), Michael B. Jordan et Jamie Bell. Si dans l’ensemble, les acteurs restent convaincants, pas sûr que le public, lui, ait été convaincu.
Pourtant, le concept de l’équipe a été entièrement dépoussiéré dans cette version des Fantastic Four. Qui dit « première équipe historique » dit « principe très simple ». A l’origine, les Quatre Fantastiques sont des super-héros ayant obtenu des pouvoirs différents avec un même rayon cosmique pour la magnifique raison de « chut c’est magique ». Sur les quatre pouvoirs, deux sont tirés des éléments feu et terre, difficile de faire plus basique. Avec deux films n’étant pas franchement restés dans les annales, contrairement aux Superman avec Christopher Reeve ou les Batman de Burton, ce nouvel opus des Quatre Fantastiques partait de loin – de très loin même. Pourtant, le film de Josh Trank n’est pas si catastrophique. Au contraire, le coup de jeune sur le casting fonctionne bien, et au visionnage, Fantastic Four part sur de bonnes bases.
Dans Fantastic Four, aucun des personnages n’est vraiment laissé pour compte. Progressivement, chacun des protagonistes trouve sa place et l’équipe se constitue naturellement à l’écran. D’abord, on rencontre Red Richards, petit génie de la physique qui à l’âge de 10 ans rêve déjà de changer le monde. Soutenu par son meilleur ami Ben Grimm, il rencontre sept ans plus tard le docteur Franklin Storm, qui recherche de jeunes prodiges pour venir compléter un programme de recherche. L’invention de Red, une machine à voyage dimensionnel, dépasse les espérances du docteur Storm qui l’inclut très vite dans son programme afin de la reproduire à grande échelle. Un projet où il rencontre Sue Storm, sa fille et Victor Von Doom, à l’origine du projet. Johnny, le frère de Sue, complète le tableau grâce à ses talents de mécanicien pour venir peaufiner la machine de Red. Alors que les tests préliminaires se déroulent sans encombre, l’équipe fait du zèle et explore la zone qu’ouvre la machine dimensionnelle. Avide de connaissance, Victor amorce une réaction en chaîne qui affecte la machine lors du voyage retour, et ainsi bouleverse la vie de nos quatre héros. Dans ce paragraphe est résumé près de la moitié du film, soit environ 45 minutes, ce qui constitue pour Fantastic Four à la fois un avantage et un inconvénient.
Nouveaux héros, nouveau concept
L’avantage, c’est que le film prend son temps pour présenter les personnages, leur quête et leurs enjeux. Au passage, il introduit également l’antagoniste, Von Doom, que l’on voit d’ailleurs davantage avant la catastrophe qu’après. On dit souvent qu’un bon méchant fait un bon héros, mais Fantastic Four montre qu’il existe une exception à la règle. On attaque ici l’un des premiers défauts du film : le déroulement de son scénario. Ici, pas de scène d’exposition de vingt minutes, puis une heure de péripétie avant d’entamer la dernière demi-heure de climax et dénouement. Pour Fantastic Four, c’est plutôt 45 minutes de présentation, et 45 de « vite, on a plus le temps de mettre le reste ». C’est dommage, car le film est du coup complètement déséquilibré. Bien qu’un peu longue, la première partie est intéressante car elle instaure tout le climat scientifique nécessaire à la crédibilité de l’univers du film. Ici, pas d’hologramme high-tech signé Tony Stark, l’équipe de Richards travaille sur des maquettes et des plans, et les acteurs prennent même le soin de s’appliquer lorsqu’ils sont devant un écran d’ordinateur – les séries mentent, on ne code rien du tout en pianotant n’importe quoi sur un clavier. Côté cohérence, l’accent a également été mis sur l’explication des différents pouvoirs. Dans cette version 2015, pas d’onde cosmique magique. Lors de l’accident, la machine est endommagée : des pierres tombent sur la capsule de Ben, et celle de Johnny prend feu ; quant à Sue, restée au laboratoire, elle est traversée par une onde type champ de force lorsque les trois rescapés reviennent. Trois des quatre aptitudes trouvent une explication plutôt plausible – reste encore la capacité élastique de Richards, plus difficile à justifier.
C’est également parce qu’ils sont présentés les uns après les autres qu’on apprend à connaître individuellement chaque personnage avant de voir se former l’équipe – exception pour Ben Grimm, que l’on voit moins, mais qui est montré comme le soutien de Richard. Là où cette équipe diffère de l’ancienne version 2005, c’est que ce ne sont pas quatre colocataires tous flanqués du même uniforme, mais plutôt une sorte de famille recomposée. L’idée est soutenue avec la relation qui lie Sue et Johnny : née au Kosovo, Sue a été adoptée par le docteur Storm. En plus de l’adoption, ils forment également une famille métissée, ce qui explique donc pourquoi Sue est blanche et blonde, et Johnny afro-américain. Aucune raison donc de hurler au non-respect des origines des Storm, il s’agit ici d’un parti-pris moderne de Josh Trank pour renforcer son idée de « Fantastic Four = famille recomposée ». Un pari risqué dont le réalisateur a d’ailleurs fait les frais auprès de son studio de production.
Les super-pouvoirs de la Fox
L’inconvénient, c’est que le film paraît long pour sa durée de 1h40 à peine. Cette singularité de réalisation s’explique par le tournage chaotique auquel Josh Trank a dû faire face. Ambitieux, nombre de ses idées ne convenaient pas à la Fox (le studio qui produit les films de la saga X-Men comme Days of Future Past), et Josh Trank a tout bonnement quitté le plateau pendant plusieurs semaines. Le reste de l’équipe s’est donc démené pour finir dans les temps, étant donné que la Fox a refusé de repousser le film. Résultat, le film est en fait en grande partie celui de Josh Trank, mais avec de nombreux passages rapiécés pour combler les manques. Ces passages sont souvent des dialogues dans lequel les personnages expliquent ce que l’on aurait pu avoir à l’écran, ce qui explique les longueurs ressenties pendant le visionnage. Dernièrement, le voile se levait un peu quant à un passage précis du film : l’ellipse de l’année qui suit l’accident durant laquelle chaque protagoniste explore et apprend à maîtriser ses pouvoirs – une ellipse en soi plutôt curieuse lorsque l’on montre les origines de super-héros. Cet extrait se concentrait sur Ben Grimm, alias La Chose, et devait le montrer en pleine action pour une scène musclée bourrée d’effet spéciaux. Cette scène, que Josh Trank n’avait pas tournée, a été remplacée par quelques plans bien plus courts, et bien moins cher, façon documentaire. Cet exemple illustre le bidouillage qui s’est opéré lors du tournage de Fantastic Four, et l’équipe de la réalisation n’est pas la seule a en avoir pâtie.
Vu le retard pris sur le tournage et la date limite imposée par la Fox, les équipes de post-production ont certainement dû expédier les effets spéciaux. Si certains sont très corrects, comme ceux de la scène finale, d’autres piquent un peu les yeux, comparé à ce que l’on fait actuellement – exemple du singe utilisé pour les tests de la machine dimensionnelle, rien à voir avec le résultat de Dawn of the Planet of the Apes. Mais le premier personnage à souffrir d’un visuel douteux, c’est Victor Von Doom lui-même. On ignore si son design a été fait à la hâte ou non, néanmoins ce masque est des plus disgracieux. Dommage, car la scène où il ravage les bunkers où s’entraînent Sue, Johnny et Ben est réussie, notamment lorsqu’il s’attaque au personnel couloirs après couloirs.
Dans l’ensemble, Fantastic Four n’est ni totalement raté, ni franchement réussi. On sent le fourmillement d’idées pour redorer le blason de l’équipe des Quatre Fantastiques, mais le résultat n’est pas entièrement à la hauteur. Il reste néanmoins un bon divertissement, à l’humour bien géré et avec des personnages sympathiques. Malgré tout, les studios de la Fox n’écarte pas l’idée de poursuivre cette nouvelle licence avec un second film. Ne reste plus qu’à trouver un réalisateur, ainsi qu’à convaincre le public.
- La modernité de l’équipe
- Le bidouillage de la mise en scène
- Le design de Doom
- Des effets spéciaux inégaux
- Titre : Fantastic Four
- Année de sortie : 2015
- Style : Action, fantastique
- Réalisateur : Josh Trank
- Synopsis : Adaptation moderne et résolument nouvelle de la plus ancienne équipe de super-héros Marvel, le film se concentre sur quatre jeunes génies qui se retrouvent projetés dans un univers alternatif et dangereux, qui modifie leurs formes physiques mais aussi leurs vies de façon radicale. Ils devront apprendre à maîtriser leurs nouvelles capacités et à travailler ensemble pour sauver la Terre d’un ancien allié devenu leur ennemi.
- Acteurs principaux : Miles Teller, Kate Mara, Michael B. Jordan, Jamie Bell
- Durée : 1h41