Elle l’adore : Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte dans le polar absurde de la rentrée
Elle l’adore, premier long-métrage de Jeanne Herry qui sortira le 24 septembre dans nos salles, a, comme son nom ne l’indique pas, tout du polar. Mais pas seulement. La jeune réalisatrice, également scénariste, réussit le tour de force de proposer un premier film plutôt abouti, réunissant un casting doué, une histoire accrocheuse dont on ne devine pas la fin, tout en ajoutant une part de comédie jamais déplacée.
L’histoire de Elle l’adore justement, est celle de Muriel, esthéticienne, bavarde, avec des tendances un peu mythomanes. Muriel est depuis son adolescence la fan numéro 1 du chanteur Vincent Lacroix. Elle va à tous les concerts, collectionne les articles de journaux, connaît tout de lui. Lorsqu’un soir son idole frappe à sa porte, Muriel bascule dans une histoire qu’elle-même n’aurait pas pu imaginer.
L’intérêt du scénario de Elle l’adore tient à une question simple et originale : que serait prêt à faire un fan pour son idole ? Jusqu’où serait-il prêt à aller ? Jeanne Herry part de cette base pour décortiquer de manière presque scientifique toutes les conséquences d’un engagement aussi surprenant qu’attachant : celui des fans qu’on pourrait qualifier de fanatiques (qu’avait également décortiqué Yann Moix avec l’excellent Podium, dans un autre genre). Ce qui apporte également un peu de légèreté à un polar qui part de manière assez dramatique : le personnage de Muriel, c’est celui de la bonne copine un peu mytho qu’on a tous dans son entourage. Sa spontanéité, son pragmatisme et son côté parfois un peu boulet la rendent extrêmement sympathique. On ne va pas jusqu’à s’identifier à elle (à moins d’être soi-même hyper fan d’un artiste), mais on se prend d’affection pour cette “girl next door” qu’on aimerait connaître.
Avec le recul, j’ai trouvé que Elle l’adore n’est finalement pas très fidèle à la bande-annonce. Conformément à celle-ci, le film démarre sur un registre clairement dramatique, et somme toute assez classique. A ce stade, je me suis dit “on s’achemine vers un film gentillet, un peu plan-plan, comme on en a tellement vu ces dernières années”. C’était sans compter sur les acteurs qui par leur jeu, et grâce à des dialogues bien sentis donnent à Elle l’adore beaucoup plus de profondeur. A partir de la moitié du film, on a l’impression que l’intrigue de base est surtout prétexte à nous emmener vers un tout autre registre, qui évoque davantage le théâtre que le cinéma : celui de l’absurde. Ce qui transforme Elle l’adore en un récit à l’humour fin et assez bien placé.
A ce stade, il est primordial de souligner les prestations des acteurs principaux, surtout Sandrine Kiberlain, qui excelle dans son rôle de groupie dont on ne sait jamais vraiment qu’attendre. Le personnage de Muriel est joué avec beaucoup de naturel, ce qui la rend attachante, et souvent très drôle. Sandrine Kiberlain apporte une grande fraîcheur à l’histoire, et à mon humble avis, nous gratifie d’une prestation encore au-dessus de celle de 9 mois ferme, pour laquelle elle avait pourtant décroché un César.
De son côté, Laurent Lafitte (De l’autre côté du périph’, Les petits mouchoirs), tout en sobriété, n’est pas en reste. Son personnage fait régulièrement sourire, dans un rôle aux facettes multiples. Personnage très souvent malmené par l’ensemble des autres protagonistes, il endosse le rôle de l’arroseur arrosé, qui accumule les situations embarrassantes, par définition très compliquées à jouer. Il le fait bien, et a le bon goût de ne pas surjouer. A côté de ce duo, Pascal Demolon (Jamais le premier soir, Radiostars) incarne un flic très intéressant, qui offre une vraie opposition aux autres personnages.
Souligner la prestation des acteurs est une chose, mais je pense que dans Elle l’adore, les comédiens sont mis dans de très bonnes conditions. Le tout grâce à la mise en scène et aux dialogues qui donnent une impression de pièce de théâtre, un quasi huis clos à travers un nombre réduit de personnages aux identités fortes, qui se voient confrontés à de nombreux quiproquos.
Vous l’aurez compris, Elle l’adore fait figure à mes yeux de bonne surprise de la rentrée, et ce grâce à sa manière singulière de traiter son sujet. Le récit est mené de main de maître, et les personnages sont très bien incarnés par Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte et Pascal Demolon. Le petit plus, on ne devine pas comment le film va se finir, ce qui donne au dénouement une saveur toute particulière.
Une autre critique sur Elle l’adore à lire ici : http://www.avoir-alire.com/elle-l-adore-la-critique-du-film
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