Une jeunesse allemande…le basculement dans la violence de la fameuse bande à Baader dont voici la critique.
Réalisateur de court métrage de fiction, Jean Gabriel Perot se lance étonnamment pour son premier film dans un documentaire, Une jeunesse allemande, présenté au dernier festival international du film de Berlin. Uniquement constitué de documents d’époque, ce film essaie de retracer la lutte menée par La Fraction Armée Rouge d’abord par des actions artistiques et médiatiques puis par la violence et les armes.
Une bande de jeunes artistes et journalistes
Jean Gabriel Perot a beaucoup réfléchi sur les questions de violence mais il souhaitait aussi se pencher sur celle qui provenait de Milieux qui défendaient des idées qu’il pouvait soutenir…
J’ai eu alors besoin de me confronter aux raisons de ces actes perpétrés au nom d’idéologies que je peux comprendre: une violence conséquente à un désir de révolution par exemple.
Une jeunesse allemande, grâce à un montage intelligent, traduit avec beaucoup de précision, sans emphase, ni commentaires, la création de ce groupe et son basculement dans la violence pour faire avancer ses idées. Peu de flashbacks dans le récit de cette dérive, mais plutôt le déroulement chronologique de ce groupe formé de jeunes qui, pour plusieurs d’entre eux, sont les récipiendaires de la prestigieuse bourse de la « Fondation universitaire du peuple allemand ». Une des surprises que dévoile Une jeunesse allemande c’est que tous ces futurs terroristes sont issus d’écoles d’art (Baader, Meins, Ensslin) et qu’ils ont utilisé le Cinéma avec brio comme dans Bambule ou Rote Fahne. D’autre part, le film montre bien combien Ulrike Meinhof avait acquis une visibilité médiatique pour propager ses idées. Un extrait d’un débat télévisé de la fin des années 60 la voit opposée à un aréopage de messieurs cravatés dans des costumes noirs. Elle est la directrice de la revue Konkret. Une jeunesse allemande laisse aussi transparaître l’influence des mouvements liés à Mai 68 et au déclenchement de la guerre du Vietnam dans l’effervescence de la jeunesse de l’épique (répression de la Manifestation étudiante du 2 juin 1967). Le groupe maintenant structuré diffuse donc ses idées par différents canaux dont celui du Cinéma, ce qui n’est pas le moindre des intérêts de ce film, mais la question qui apparaît très vite quand on connaît déjà l’issue tragique de la fraction Armée rouge, c’est comment et pourquoi elle a basculé dans la tragédie et la violence.
Le basculement de cette jeunesse
Et pourtant le groupe va s’engager dans des actions violentes des 1970 avec l’explosion de trois bombes au quartier général américain de Francfort, de deux bombes à la direction de la police d’Augsbourg, d’une bombe sur le parking de l’album police criminelle de Munich. Une jeunesse allemande décrit la spirale des attentats dans laquelle se sont désormais engagés ce groupe de trentenaires. Le film ne juge pas, ne souhaite pas surligner ces images d’époque de commentaires ni d’analyses et c’est ce qui fait sa force. On est plongé dans les actualités, les documentaires, les images de l’époque. Et l’on suit presque en direct ces événements en oubliant que l’on en connaît l’issue fatale. On écoute même les arguments de Meinhof ou ceux de Meisner dans ses films. Mais reste entière la question du basculement sur lequel le film ne se prononce pas. Pourquoi ce basculement? Seuls l’épuisement des modes d’action pacifiques et le sentiment d’une violence étatique dirigée contre eux permettent de l’expliquer.
Anne Faucon du Cinema Utopia à Toulouse évoque aussi légitimement les questions que ce film soulève pertinemment pour nous citoyens d’aujourd’hui : comment se faire entendre d’un pouvoir qui oppresse, d’une société de consommation qui avilit, de médias qui abêtissent? Une jeunesse allemande pose en filigrane toutes ces questions en captivant le spectateur par un montage des documents réussi.
- Le choix des images d'archives
- Le montage
- Le manque de sous-titrages par endroit
- Titre : Une jeunesse allemande
- Année de sortie : 2015
- Style : Documentaire
- Réalisateur : Jean Gabriel Perot
- Synopsis : La Fraction Armée Rouge (RAF), organisation terroriste d’extrême gauche, également surnommée « la bande à Baader » ou « groupe Baader-Meinhof », opère en Allemagne dans les années 70. Ses membres, qui croient en la force de l’image, expriment pourtant d’abord leur militantisme dans des actions artistiques, médiatiques et cinématographiques. Mais devant l’échec de leur portée, ils se radicalisent dans une lutte armée, jusqu’à commettre des attentats meurtriers qui contribueront au climat de violence sociale et politique durant « les années de plomb ».
- Durée : 1h33