Critique – Aferim !

Critique de Aferim ! de Radu Jude. Un western dans la Roumanie du XIXème siècle.

Délaissant les fresques sociales contemporaines, Radu Jude plonge avec Aferim ! dans l’Histoire de son pays, la Roumanie. Filmé en noir et blanc, le film évoque la chevauchée à travers la Valachie, en 1835, de deux policiers à la recherche d’un tzigane soupçonné d’avoir volé de l’argent au boyard, le maître de la région. Ce changement de thème a semble-t-il porté ses fruits puisque Aferim ! a remporté l’ours d’argent au dernier festival du film de Berlin et Radu Jude le prix du meilleur réalisateur. C’est donc auréolé d’une très bonne critique que ce film sort en France.

Affiche du film Aferim !

Un western picaresque

Sans être véritablement un film de genre, Aferim ! affleure avec plusieurs thèmes présents dans le western : le cheval que les deux personnages principaux, des policiers, ne quittent pas durant tout le film sauf pour manger et dormir; les étendues sauvages qu’ils traversent à la recherche de leur homme; la loi qu’ils représentent dans un monde qui semble ne point en connaître de bien tangible sauf celle de Dieu et celle du boyard, sorte de seigneur tout-puissant directement issu du Moyen-Age. Mais, à cet effet western, Aferim ! ajoute une dimension picaresque par les personnages qui traversent le film (on pense notamment à ce prêtre raciste et antisémite qui débite des idées reçues sur pratiquement tous les peuples de la terre) mais aussi par le comique, la truculence et les dialogues parfois fort crus qui en renforcent l’aspect.

Une description terrible de la Roumanie de l’époque

Toutefois Aferim ! sait très bien se détacher du picaresque dont il manie habilement les ficelles pour témoigner également de la dureté de la vie de l’époque et de ses tragiques inégalités. Le corps entravé du tzigane qui se balance sur le dos du cheval tout en clamant son innocence symbolise à lui tout seul la mise en scène de Radu Jude, mélangeant le tragique et le comique, quitte parfois à faire perdre de vue tout le drame qui est en train de se nouer autour de cet homme harnaché. Car la situation à cette époque en Roumanie est proche de celle que l’on connaissait au Moyen-Age où le seigneur avait droit de vie et de mort sur ses sujets car les tziganes sont vendus (le policier et son fils vendant même un jeune tzigane sur un marché) au plus offrant comme de véritables esclaves. La chevauchée du policier Costandin et de son jeune fils est l’occasion de remarques racistes sur les corbeaux (surnom donné aux tziganes) mais aussi sur la dureté de l’existence et sur le souhait d’un avenir meilleur notamment dans la dernière scène, après la livraison du tzigane au boyard. Le scénario d’Aferim !, écrit après la recension et la lecture de nombreuses archives d’époque, fait froid dans le dos sur le passé et interpelle sur l’avenir.

Aferim !, une réussite plastique

Le cheminement sinueux de ce policier et de son fils donne l’occasion à Radu Jude qui a fait le choix du noir et blanc (somptueux) de soigner le cadrage de nombre de ses plans larges dans lesquels la caméra laisse les deux personnages traverser le paysage en devisant ou bien les fait déboucher dans des forêts profondes qui filtrent de superbes rayons de lumière, mettant en valeur le vieux policier et son fils. Avec quelquefois le risque, comme on l’a vu, de nous éloigner du tragique des situations. Mais Aferim ! reste un film intéressant, splendide, et plein de questionnements sur le monde d’hier et d’aujourd’hui. Donc Aferim ! (bravo)!

Pour en savoir un peu plus sur Aferim !http://www.lekinorama.fr/critique-aferim

Critique - Aferim !
Une chevauchée de deux hommes, un policier et son fils, à travers une région sauvage de Roumanie, au XIXème siècle, à la recherche d'un tzigane soupçonné de vol.
Mise en scène
Scénario
Acteurs
Image et son
On aime bien
  • Le noir et blanc
  • La critique de la société de l'époque
On aime moins
  • La distance quelquefois prise avec l'histoire
3.6L'avis
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