Critique de The assassin, un film d’une exquise beauté !
Huit ans après son dernier film, Hou Hsiao Hsien ( Les fleurs de Shanghaï, Le maître de marionnettes, Millenium Mambo) nous revient avec The Assassin, un « wu xia pian », un film de sabre et d’art martial. Couronné du Grand prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes, le voila enfin en salle après neuf mois d’attente. The Assassin confirme t-il l’immense talent de ce cinéaste? Voila notre critique.
Une délice visuel en noir et blanc…
Sous la dynastie des Tang au IXème siècle, Yinniang (exquise Shu Qi), experte en art martial après des années de formation chez une nonne taoïste, est chargée de tuer le nouveau gouverneur du Weibo, une province sécessionniste. Mais cette mission se complique car ce gouverneur est un lointain cousin avec qui des promesses de fiançailles avaient été échangées et pour qui elle nourrit toujours des sentiments. Le film s’ouvre sur trois courtes scènes en noir et blanc absolument merveilleuses tant leurs définitions et leurs contrastes sont étourdissants de beauté. La première dans laquelle Yinniang se glisse dans les bois pour tuer d’un geste bref un homme sur son cheval donne le ton de ce que sera la mise en scène de Hou Hsiao Hsien dans The Assassin : une épure esthétiquement soignée dans laquelle la nature jouera son rôle au même titre que les personnages. Ces trois superbes moments permettent de lancer The Assassin sur les pas de ce gouverneur qu’elle est chargée d’éliminer et de préfigurer le reste du film : un pur moment de bonheur esthétique !
Un savoureux passage à la couleur…
Le passage à la couleur n’atténue en rien la beauté des images qui reste étourdissante. Que ce soit dans les intérieurs du palais du gouverneur dans lequel chaque détail est soigné, dans les scènes de combat assez minimalistes, comme celle qui se situe dans un bois de bouleaux, dans les scènes plus intimistes quand un commandant apaise une blessure dans le dos de Yiunnan sous une chaude lumière colorée par les flammes qui les entourent ou dans celles plus dépouillées où dans un ciel lumineux se découpent les silhouettes d’un vol d’oiseaux, comme une calligraphie souple et dépouillée, The Assassin nous baigne dans un écrin de beauté comparable à des tableaux. Au sein de cet univers visuel extraordinaire, Yiunnan évolue avec une souplesse et une fluidité incroyables que seul son drame intérieur vient troubler avec finesse.
Shu Qi
Et puis derrière Yiunnan, il y a Shu Qi, qui sait se mettre au diapason des idées d’une scénographie ténue, épurée comme dans la scène où, recevant des soins et filmée légèrement de profil, elle écoute le prévôt du gouverneur en hors champ lui raconter son enfance, son départ chez la nonne. Elle ne pleure pas mais, par le simple jeu de ses cils qui tremblent et s’abaissent parfois sur ses yeux, elle sait faire surgir l’émotion par un mouvement si léger qu’il nous emporte loin, bien loin. En opposition complète de la jeune femme bouillonnante d’énergie qu’elle jouait dans Millenium Mambo, elle nous offre une palette différente de son talent, toute en retenue, en de fluides et fugaces apparitions que son costume noir, sur lequel brille sa chevelure de nacre, nimbe d’un contour dramatique et saisissant à chacune de ses apparitions.
Un pur envoûtement
Hou Hsiao Hsien sait aussi jouer sur la profondeur de champ, l’arrière plan, pour donner encore plus d’ampleur à la virtuosité de sa mise en scène, notamment au travers de rideaux de soie fluctuants flottant au gré du vent qui peu à peu se dissolvent comme dans une aquarelle lorsque la caméra fait la mise au point sur Yinniang, apparaissant soudain, à travers ces espaces mobiles, observant le gouverneur et ses enfants, chargée de le tuer mais laissant sourdre sur son visage les sentiments qu’elle continue à avoir pour lui et qui la font lui laisser la vie sauve lorsqu’ils se confrontent la première fois, le quittant d’un regard pour s’enfuir poursuivie par la garde sous le son lancinant du tambour qui rythme les différentes scènes comme il le faisait à l’époque pour scander le temps qui passe. Peu de dialogues mais le temps qui s’écoule majestueusement au travers d’images saisissantes, contemplatives et envoûtantes. Un pur chef d’œuvre!
Un autre article enthousiaste sur The Assassin:
- Les images envoûtantes
- La mise en scène épurée
- Shu Qi!!!!
- Je cherche encore...