Critique du documentaire Une équipe de rêve, de Mike Brett et Steve Jamison. Vivez la fin du cauchemar pour celle qui fut la pire équipe de football au monde.
La sortie d’Une équipe de rêve nous rappelle que le football tente quelque fois une percée au cinéma, voire à la télé (hors retransmissions bien évidemment), et ce sporadiquement depuis de nombreuses années, sous différentes formes, documentaire ou fiction, avec une réussite très inégale. Remémorons-nous la très décevante trilogie des Goal ou encore le bien plus sympathique Maradona par Kusturica. Le football n’a jamais vraiment réussi à se trouver une dramaturgie cinématographique, peut-être parce qu’il est plus difficile de rendre le suspense d’un match par le montage, d’en garder toute la puissance du sentiment immédiat qui nous fait hurler dans les travées. N’évoquons même pas le côté pathétique du recours à la comédie pour aborder le foot, spécialité dans notre pays (coucou 3 zéros). C’est alors que ce constat semble s’installer, il suffit de faire le rapport entre la popularité du football et les bides successifs qu’ont été les films prenant ce sport comme socle, qu’Une équipe de rêve tente sa chance en espérant changer la donne dans un documentaire au sujet plus qu’intéressant.
L’ambition retrouvée
Une équipe de rêve nous expose une histoire édifiante : celle de l’équipe de football des Samoa Américaines, pire équipe du monde au classement FIFA. Oui, carrément, et il y a de quoi : en 2001, le collectif perd contre l’Australie, déjà loin d’être un foudre de guerre, sur le score de… 31-0. Une déculottée historique, qui sonne le point de départ d’Une équipe de rêve. Alors que l’effectif a toujours faim de ballons, mais a quasiment abandonné l’idée de vivre sa première victoire en match officiel, et comment lui en vouloir quand il n’a pas marqué un seul but en quatre ans, un entraîneur hollandais débarque sur l’île. Thomas Rongen découvre alors des hommes attachants, comme Nicky Salapu, le gardien toujours traumatisé d’avoir encaissé autant de buts face à l’Australie. Ou encore Johnny Saeluah, devenu Jaiyah, et premier joueur transgenre à avoir disputé un match international. Tout ce petit monde n’a qu’un seul objectif dans Une équipe de rêve : renverser la tendance, marquer un but, gagner un match et, pourquoi pas, se qualifier pour la Coupe du Monde 2014 !
Un groupe qui tombe à pic
Une équipe de rêve est donc un documentaire, et non une fiction. Il est bon de le marteler, tant les premières image ont tendance à nous faire cauchemarder. Trente et un buts, voilà ce que sont les premières secondes du film. Les réalisateurs, Mike Brett et Steve Jamison, ont raison de commencer en balançant tout de suite le trauma à l’origine de l’aventure humaine qui va suivre. L’évènement, la plus lourde défaite de l’histoire du football (lors d’un match officiel tout du moins), a fait couler un peu d’encre à son époque et on prend conscience, en s’infligeant la série de buts, de l’étendue du désastre. Mais cette incroyable déconvenue sportive, en soi, n’a pas vraiment d’écho si elle est seulement abordée du côté athlétique, se dit-on assez rapidement. Car avouons-le, ce récit abracadabrantesque a tout de l’anecdote, mais pas d’un sujet pouvant tenir la distance. Heureusement, Une équipe de rêve n’est, finalement, pas qu’un documentaire sur le football.
Après la pluie…
Cette défaite contre l’Australie, accompagnée de plusieurs autres, est l’occasion de découvrir un peuple, une culture, qui a le don de toujours faire ressortir le bon côté des choses. De toujours s’accrocher, même quand le vent est fortement contraire. Ces quelques sportifs, amoureux de football, ne lâchent rien, même après une défaite 31-0. Même, et là c’est beaucoup plus parlant, après un tsunami dramatique, ayant causé la mort d’au moins 189 personnes, en 2009. L’événement, évidemment tragique, a une dimension qui laisse le sport loin derrière mais il est tout de même assez parlant de justement en parler à la toute petite hauteur du football. On voit, dans Une équipe de rêve, les dommages catastrophiques laissés par la grande vague, notamment via le témoignage du gardien du stade, miraculé pour avoir survécu à ce raz-de-marée, emporté sur quasiment un kilomètre dans les eaux. Plus que la déculottée face à l’Australie, on se rend compte que c’est la capacité de réaction face à un désastre naturel, cette volonté finalement toujours intacte de vouloir enfin gagner un match, qui est le point de départ de l’aventure sportive. C’est le caractère exemplairement combatif, mais dans le bon côté de cette valeur, qui va attirer Thomas Rongen, entraîneur professionnel de nationalité hollandaise.
Nicky et Thom’, ils sont toujours en forme
Une équipe de rêve gagne encore en puissance avec l’arrivée de Thomas Rongen. Un vrai personnage que cet entraîneur hollandais : fumeur, grande gueule, ne supportant pas l’autorité, mais aussi un grand professionnel qui va essayer de sortir le meilleur de cette équipe de bras cassés. Pour ce faire, il va notamment sélectionner deux joueurs qui peuvent se faire naturaliser de par leurs origines. Mais aussi, il va convaincre Nicky Salapu, le gardien qui officiait lors de la défaite historique contre l’Australie. Parti aux États-Unis, l’homme est mentalement très affecté et ce même après de nombreuses années. S’il revient, c’est pour régler ses comptes avec ses démons, et prouver aux autres autant que de se prouver à lui-même qu’il est encore capable de jouer au football. Après avoir constitué son groupe, Rongen apporte aussi des méthodes de travail plus intensives, parfois en désaccord avec les habitudes prises jusqu’ici, très surprenantes, notamment une messe imposée en plein milieu d’un entraînement. Une équipe de rêve regorge de ces anecdotes à la fois drôles et saisissantes, qu’on ne peut s’empêcher de monter en parallèle avec notre lointaine idée du sport professionnel.
Le drame pousse à la rêverie
Mais, encore une fois, tout ceci n’est que du sportif et finalement prend assez peu de place dans Une équipe de rêve. Thomas Rongen est un bon exemple. Oui, il est la pièce centrale de la réussite à venir, avec ses méthodes professionnelles. Mais les réalisateurs d’Une équipe de rêve ont surtout eu l’intelligence de le filmer dans ce qu’il a de plus beau à offrir : son expérience. Rongen n’est donc pas qu’un coach, mais aussi un mari. Et un homme dont la fille de 18 ans est morte dans un accident de voiture. Nous l’apprenons d’une façon très poignante, lors d’une causerie, et nous comprenons bien mieux sa grande motivation. L’aventure avec cette équipe des Samoa américaines arrivait sans doute au bon moment pour sa femme et lui, l’envie de souffler devenant vitale. Une équipe de rêve frappe fort dans ces moments purement humains, et le documentaire en prodigue beaucoup.
Fa’afafinement joué
Une équipe de rêve s’arrête aussi sur la culture des Samoa Américaines, et réserve des moments tout bonnement sidérants. Saviez-vous que, quelque part sur cette Terre, un être humain transgenre va à l’église, et y est même vu comme une personne d’une grande sagesse ? Le tout lors d’une messe donnée par un curé portant un collier de fleurs. Le choc est fort, certaines images d’Une équipe de rêve semblent tout droit sorties d’une douce utopie. Il faut d’ailleurs s’arrêter sur Jaiyah Saelua, défenseur central de cette équipe nationale, et Fa’afafine. Par ce mot, on désigne les garçons, nés dans une famille nombreuse et choisis pour aider aux tâches considérés comme féminines. Ainsi, alors que ces enfants sont élevés comme des filles, leur sexualité est laissée à son libre arbitre. La culture de ce peuple, fait de traditions et d’une exemplaire paix sociale (insistons sur ce point précis, pour celles et ceux qui ne comprennent pas pourquoi le concept n’est pas international), se charge de faire du Fa’afafine un troisième sexe à part entière, et même des êtres vus comme des sages, ayant en eux à la fois l’homme et la femme. Jaiyah Saelua est donc le premier transgenre à avoir participé à un match de football officiel. Et ça n’a rien d’anecdotique quand on sait que, lors de la première victoire de l’histoire de l’équipe des Samoa américaines (contre le Tonga, 2-1), l’arrière central a sauvé, dans les dernières minutes, un but sur sa ligne.
Le football comme espérance
Au final, Une équipe de rêve est un documentaire exemplaire, qui réussit à sortir une multitude de sujets en partant de ce qui restera comme une anecdote. Ce documentaire réussit, contre toute attente, à nous émouvoir et, en nous présentant cette culture si attachante, donne une dimension nécessaire pour nous toucher profondément. Notamment lors de la dernière partie d’Une équipe de rêve, centrée sur la concrétisation de l’espoir, et qui provoque une véritable envolée des émotions. On en est presque à beugler comme dans un stade, bien aidé par un montage très bon, et des choix de stylisation, notamment via des ralentis bien sentis, qui donne à l’œuvre une dimension spectaculaire. On ressort d’Une équipe de rêve avec le sourire aux lèvres et des étoiles plein les yeux, preuve de l’incroyable force du football quand il est abordé dans son intégralité, avec ses répercussions sociales, et non par sa partie la plus mercantile.
Une équipe de rêve, les bonus
Retrouvez la bande annonce d’Une équipe de rêve, sur Allociné.
- Rempli d'émotions.
- Donne de l'espoir.
- Tout a une fin...