Critique – La Isla Minima

Critique du film La Isla Minima, d’Alberto Rodriguez, avec Javier Gutierrez et Raul Aravelo. Sur cette île, tout peut arriver.

Le cinéma de genre à l’espagnol a récemment connu une sorte de résurrection. Après nous avoir donné quelques petites pépites au cœur des années 70 (Terreur dans le Shanghaï Express, ou le très justement culte Les Révoltés de l’an 2000), l’Espagne est revenue sur le pont grâce à des cinéastes comme Jaume Balaguero (Rec 4, The Darkness, La Secte Sans Nom et l’excellent Fragile), Alex De La Iglesias (Le Jour de la Bête, 800 Balles, Mes Chers Voisins), Juan Antonio Bayona (L’Orphelinat, The Impossible) ou… Alberto Rodriguez. Ce dernier fut l’une des belles surprises de 2011, avec son Grupo 7 plein de bonnes idées mais encore un peu balbutiant. Le réalisateur semble avoir encore progressé, puisque La Isla Minima a amassé pas moins de 10 Goyas (l’équivalent de nos Césars) : meilleur direction artistique, montage, costumes, photographie, musique originale, scénario original, révélation féminine (Nerea Barros), acteur (Javier Gutierrez), réalisateur et film. Impressionnant, et inutile de préciser qu’on était donc impatient de découvrir La Isla Minima.

image la isla minimaLa plus petite des îles

La Isla Minima, c’est l’histoire de deux flics : Pedro (Raul Arevalo) et Juan (Javier Gutierrez). Ils agissent dans l’Espagne post-franquiste des années 80, en Andalousie. En effet, ils sont envoyés pour mener une enquête sur le viol et l’assassinat de deux adolescentes. Alors que l’endroit connaît des violences sociales, dues à des soubresauts ouvriers, les deux policiers vont devoir se familiariser avec la situation, pas aussi rose que ce que pouvait vendre le sentiment post-franquiste…

Des personnages symboliques

Il règne une ambiance chargée dans La Isla Minima, et on s’en rend compte dès la magnifique ouverture, succession de plans en plongée au pouvoir hypnotique. La musique lancinante finit de nous plonger au cœur d’une œuvre qu’on sent de suite importante, sans se tromper. La Isla Minima pose son atmosphère pesante de différentes façons, mais celle qui retient le plus l’attention est évidemment la gestion des deux personnages, hautement symboliques. Pedro est un homme progressiste, le parfait démocrate post-franquiste, en qui l’espoir peut naître. Quand à Juan, il est un ancien policier du régime fasciste, dont le comportement lors de cette époque bien sombre peut éveiller quelques ressentiments. Ce duo, malgré leurs différences, va devoir faire corps. Car, au-dessus de tout, ce qui se passe dans cette région de l’Andalousie mérite qu’ils s’y plongent cœur et âme.

Sortir du fascisme n’est que le commencement

La Isla Minima n’est pas qu’un thriller glauque et noir comme les abysses. Le film met en place son intrigue, pas loin d’être d’un classicisme exemplaire, afin de mieux aborder certaines problématiques plus profondes. L’histoire promène les enquêteurs sur un sentier lugubre, qui les confronte à tout ce que la communication de l’époque a voulu passer sous silence. Se débarrasser du franquisme était certes une libération, mais en aucun cas une paix humaine durable. Ce propos du film trouve d’ailleurs un véritable écho aujourd’hui, alors que la démocratie règne, et que les actes délictueux sont en constante hausse. La Isla Minima est, en ce sens, d’un nihilisme qui n’a d’égal que sa terrible justesse.

image la isla minimaMemories of detective

La Isla Minima est donc une analyse sociale cachée sous les codes du thriller. Ceux-ci peuvent parfois paraître un peu gros, même si, à y regarder de plus près, on est surpris par des zones d’ombre intentionnellement distillées. On ne va pas faire très original en invoquant True Detective, dont l’ambiance contemplative est effectivement au rendez-vous. Mais, pour ce qui est de l’enquête (et non des personnages, on insiste sur ce point), on est finalement assez proche d’un Memories of Murder. Pas pour la folie furieuse des policiers, mais pour le mystère qui règne. Loin de nous l’envie de spoiler quoi que ce soit, mais sachez que La Isla Minima continuera de vous hanter, longtemps après le visionnage, de par les questions laissées en suspens.

Un thriller remarquable

La Isla Minima est, au final, un excellent thriller, sans aucun doute l’un des meilleurs de l’année. Le film confirme, d’ailleurs, la bonne santé du cinéma policier européen (souvenez-vous, Miséricorde ou Pioneer). Ajoutons à cela un dernier mot au sujet du formel pur : La Isla Minima est impressionnant de beauté. Visuellement, auditivement, artistiquement pour faire simple, on est en présence d’un très gros morceau, un film dont on parlera longtemps, et, on l’espère de tout cœur, un succès populaire mérité. Peut-être bien le thriller de l’année 2015.

La Isla Minima, les bonus

N »hésitez pas à lire d’autres critique de La Isla Minima, notamment sur A voir à lire.
La bande annonce de La Isla Minima est sur le site du distributeur, Le Pacte.

Critique - La Isla Minima
La Isla Minima est un grand film, un grand thriller. A découvrir le plus vite possible !
Scénario
Mise en scène
Acteurs
Image et son
On aime
  • Ambiance nihiliste.
  • Casting merveilleux.
  • Artistiquement impressionnant.
On aime moins
  • Intrigue classique (mais puissante).
4.3L'avis
Note des lecteurs: (1 Vote)
  • Titre : La Isla Minima
  • Année de sortie : 2015
  • Style : Thriller
  • Réalisateur : Alberto Rodriguez
  • Synopsis : Deux flics que tout oppose, dans l'Espagne post-franquiste des années 1980, sont envoyés dans une petite ville d'Andalousie pour enquêter sur l'assassinat sauvage de deux adolescentes pendant les fêtes locales. Au coeur des marécages de cette région encore ancrée dans le passé, parfois jusqu'à l'absurde et où règne la loi du silence, ils vont devoir surmonter leurs différences pour démasquer le tueur.
  • Acteurs principaux : Javier Gutierrez, Raul Aravelo, Nerea Barros
  • Durée : 1h44min