Critique – L’amour est un crime parfait

Critique – L’amour est un crime parfait

L’amour est un crime parfait, sorti dans les salles en janvier dernier, est l’adaptation du roman Incidences de Philippe Djian. Après Les derniers jours du monde ou Peindre ou faire l’amour, les frères Larrieu s’attaquent à un thriller extrêmement noir et dérangeant, avec pour fond l’hiver sans fin des Alpes.

Le film débute d’ailleurs – et c’est même assez troublant – à la manière du clip de Fauve Blizzard. Des paysages de montagne, un générique qui s’intègre plus ou moins en transparence, une musique entêtante. Une route de montagne sinueuse en pleine nuit symbolise déjà les méandres glacés dans lesquels le héros du film se débat. En effet, professeur de littérature à l’université de Lausanne, Marc a la réputation de collectionner les aventures amoureuses avec ses étudiantes. Quelques jours après la disparition de la plus brillante d’entre elles qui était sa dernière conquête, il rencontre Anna, qui cherche à en savoir plus sur sa fille disparue….L+AMOUR+EST+UN+CRIME+PARFAIT-affiche

L’amour est un crime parfait montre et démonte le désir de ses personnages. « L’amour peut-il supporter la vérité ? » écrit d’ailleurs Marc. Désir sexuel plus que désir amoureux, les hommes aussi bien que les femmes vivent un désir éternellement frustré, dans un monde qui les met en présence d’une chair fraîche en abondance (les étudiantes), ou les soumet à l’abandon d’un amant (délaissés ou trahis). Dans ce jeu de l’amour qui a peu à voir avec le hasard, chacun joue sa partition, tout en cherchant avec avidité à remplir ce vide intérieur qui ne peut être comblé que par le sexe brut, et si possible dans des configurations réprouvées par la morale (inceste, personne mariée, mineurs). De cette frustration naît la déshumanisation. L’entourage des protagonistes ne devient plus qu’un outil avec qui converser est inutile, voire dérangeant. Il n’est plus que corps, désirables, dénudés, fantasmés. L+AMOUR+EST+UN+CRIME+PARFAIT+karin-viard

La déshumanisation mène de manière logique et presque naturelle au meurtre, et même la disparition de l’étudiante, fil rouge du film, devient anecdotique tant l’entrecroisement de désirs prend le dessus. La quête du tueur devient quête d’une voie à suivre pour survivre, pour exister dans cette foule de sensations. Aucune identification n’est d’ailleurs possible avec ces personnages tant ils sont froids et lointains. Pour augmenter cette distance avec le spectateur, les frères Larrieu ont ainsi recours à un choix de mise en scène intéressant : la diction de tous les personnages paraît un peu scolaire, étriquée, peu naturelle, et trouble beaucoup au début..

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Le casting est également assez révélateur de l’état d’esprit du film. Notre héros entre deux eaux, Marc, est joué par un Mathieu Amalric (The Grand Budapest Hotel) toujours aussi impressionnant. Son regard de fou qui se contient, aux abysses intérieures presque palpables, tient le spectateur en haleine malgré des lenteurs de scénario. A ses côtés, dans le rôle de sa sœur et colocataire perturbée, Karin Viard (Polisse) – que je n’apprécie pas particulièrement habituellement – est surprenante et propose un jeu d’une densité troublante. Maïwenn (Polisse), jouant la mère de l’étudiante, est elle plutôt décevante, surjouant le drame, la tristesse, ou l’amour. Pour compléter ce casting, Denis Podalydès (Camille Redouble), toujours juste et brillant, ainsi que l’insolente Sara Forestier (Le nom des gens), incarnent des seconds rôles efficaces. .

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Un mot enfin sur l’image et l’atmosphère du film. Le désir et la frustration sont les maîtres mot du scénario, autant que le feu et la glace imprègnent les décors et la mise en scène. Tout dans le décor crie la déshumanisation : les Alpes d’abord, vides, et sauvages, ne sont que monts enneigés et poudreuse vierge. Les extérieurs urbains également : la faculté comme la maison de Denis Podalydès sont des modèles d’architecture contemporaine, d’une beauté froide fantomatique et presque terrifiante, faits entièrement de vitres et de béton gris ou blanc. La musique lancinante de Caravaggio, souvent electro, accentue encore cette atmosphère planante, cet impression d’un ailleurs hors du temps. La chaleur n’est finalement présente que dans un seul lieu : le foyer. Celui de nos frère et sœur, ce foyer tout en bois, qui comme son nom l’indique est fait pour prendre feu..

L’amour est un crime parfait entremêle donc ambiance un peu glauque et tâtonnements sur le désir de l’autre (ou le désir des autres). Le film des frères Larrieu laisse particulièrement songeur, un peu rêveur, et vraiment mal à l’aise. De ce point de vue c’est une réussite. En revanche, on était sensé voir un thriller, pas un film d’ambiance. En réalité, le suspense se perd vite dans la densité des personnages et de leurs interactions, et le spectateur se fiche assez rapidement de savoir ce qui est advenu de la jeune femme perdue ou qui pouvait bien être son meurtrier….

Critique - L'amour est un crime parfait
L'ambiance est là, glauque et troublante, mais ca manque d'un petit coup de peps sur la mise en scène pour devenir un vrai bon thriller haletant
Scénario
Mise en scène
Image et son
Acteurs
On aime
  • Amalric
  • Les paysages
  • La musique
On aime moins
  • Mise en scène un peu molle
  • Maïwenn
2.5Note Finale
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