Premier long métrage de Robin Pront, Les Ardennes confirme la montée en puissance du cinéma flamand, quatre ans après Bullhead. Notre critique.
Tragédie grecque chez les cassos
Tout commence par une mise en place qui s’attarde sur trois éléments principaux : les liens du sang, le triangle amoureux et le milieu social. A la suite d’un braquage qui a mal tourné, Kenny (Kevin Janssens) a passé quatre ans en prison, tandis que son frère Dave (Jeroen Perceval – Bullhead, Borgman…) s’en est sorti. Une fois sa peine purgée, Kenny entend reprendre le cours de sa vie, et renouer avec Sylvie (Veerle Baetens – Alabama Monroe…), sa petite amie. Oui mais voilà : pendant son séjour en prison, celle-ci s’est amourachée de Dave et les deux tourtereaux attendent désormais un enfant…
Dans sa première partie, Les Ardennes construit les bases d’une tragédie classique aux enjeux symboliques, mais la situe tout en bas de l’échelle sociale, chez des idiots qui s’obstinent à avancer par le mensonge et les mauvaises décisions. Entre les repentis Dave et Sylvie, et le désespérant Kenny (cassos jusque dans la coupe de cheveux), c’est un festival de vie médiocre qui se joue sur fond de techno beauf, et trouve son apogée dans cette scène où les aspirations affichées du couple tiennent en ce constat morne : avoir une vie banale, où l’on rentrerait chez soi le soir pour se poser devant la télé. Il y a quelque chose de fascinant à suivre ces personnages qui ne sont plus capables de rêver autre chose que la banalité et semblent sortir d’une fabrique à losers. Les Ardennes ne se donne d’ailleurs pas la peine de nous les rendre véritablement attachants ; on les observe, presque amusé malgré le ton sérieux, et on comprend qu’avec un barjot comme Kenny les choses vont fatalement dégénérer…
Rendez-vous surréaliste dans les Ardennes
On n’y coupe pas : le deuxième acte du film démarre lorsque Kenny, victime de sa propre jalousie, commet un acte irréparable. Il embarque alors son frère dans une aventure rocambolesque, permettant au film de se détacher du ton très social de la première partie pour basculer dans quelque chose de plus surréaliste. Apparaissent alors des personnages étonnants et improbables, perdus au milieu d’une décharge dans les Ardennes : un vieux criminel qui découpe des corps et son homme de main, un travesti en manteau de fourrure. Les Ardennes vire alors au film de gangster décalé, jusqu’à sa résolution finale sur fond d’affrontement fratricide au milieu d’autruches en fuite. Un final surréaliste et explosif, qui couronne la course vers le fond des deux personnages, qui ne parviennent jamais à prendre la moindre décision intelligente (pas même Dave, qui préfère finalement l’absurdité des liens du sang à la raison lorsque l’occasion lui est donnée de faire un choix).
La construction du film, toute en crescendo, transporte le spectateur à travers plusieurs états : la fascination initiale laisse place à l’amusement, puis à la tension, jusqu’à cette conclusion impressionnante, qui vient rappeler la tragédie à elle. Peut-on s’échapper de son milieu social et accéder à son désir d’une vie triste et banale ? La réponse est dans la boue, quelque part au milieu des autruches.
Un autre avis ? C’est sur premiere.fr.
- La fascination qui se dégage du film et de ses personnages
- Le décalage du deuxième acte
- Le final, surprenant et explosif
- Le film aurait pu aller plus loin dans le déjanté
- Le montage est parfois un peu brouillon dans la première partie
- Titre : Les Ardennes
- Année de sortie : 2016
- Réalisateur : Robin Pront
- Synopsis : Un cambriolage tourne mal. Dave arrive à s’enfuir mais laisse son frère Kenneth derrière lui. Quatre ans plus tard, à sa sortie de prison, Kenneth, au tempérament violent, souhaite reprendre sa vie là où il l’avait laissée et est plus que jamais déterminé à reconquérir sa petite amie Sylvie. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’entre-temps, Dave et Sylvie sont tombés amoureux et mènent désormais une vie rangée ensemble. Avouer la vérité à Kenneth pourrait tourner au règlement de compte…
- Acteurs principaux : Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens
- Durée : 1h33