Critique du film The lobster qui a reçu le prix du Jury au festival de Cannes
Avec un scénario si original, ce film promettait beaucoup : en effet, le synopsis présente une société où les célibataires sont contraints de trouver l’âme-sœur dans un délai de 45 jours sans quoi ils seront transformés en l’animal de leur choix. Les normes sociales qui pèsent sur les relations humaines s’appliquent ici de manière amplifiée par une contrainte, celle d’être transformée en un animal de notre choix si l’on faillit à se mettre en ménage dans un temps imparti. On suit donc les péripéties de David, un homme qui subit habituellement sa vie mais décide de faire face à ses choix et embarque pour une aventure étonnante.
Si l’on y réfléchit, nous sommes actuellement poussés à en faire de même : jeunes ou plus âgés la solitude est plutôt mal interprétée par la société et, sans entrer dans le dramatique, pas mal d’activités sont implicitement prohibées aux célibataires (vous lisez l’article de celle qui vous embête au cinéma car elle occupe le siège duo à elle seule).
D’ailleurs le mariage devient de plus en plus un acte administratif qu’une initiative chargée d’amour et de bons sentiments, on entend souvent dire que c’est plus pratique et intéressant financièrement. Peut-on dire pour autant que le couple est une solution de facilité et de mœurs de nos jours ? Posons sérieusement le problème car, grâce à The lobster, la question mérite d’être soulevée. Le personnage principal subit une lutte intérieure face à cette situation et la majorité peut se retrouver en lui car il est assez banal mais son instinct de survie le conduit à se dépasser. Tout le film est basé sur le mensonge et la place qu’il occupe dans un couple, les faux-semblants sont toujours présents dans une relation et, un peu comme dans Gone girl, la confiance n’est pas un élément fiable.
Certaines scènes sont volontairement choquantes et cassent l’image du couple basé sur la confiance mutuelle, le respect et l’amour et c’est le cœur de The lobster : décrédibiliser la relation parfaite aux yeux de tous. Néanmoins on regrette le manque de développement des aspects pratiques ou administratifs de cette histoire : la gestion des enfants après la transformation des parents, l’âge à partir duquel cette condition sur la situation civile est applicable et surtout pourquoi une traque des célibataires a été décidée?
Mais l’on comprend que ce flou scénaristique est un choix délibéré pour établir une idée partielle, sans trop concrétiser afin que ce pitch soit plausible. Sans trop contrarier la compréhension des évènements, un approfondissement de ces thématiques aurait été bienvenu. Le réalisateur Yogos Lanthimos qui a filmé des ballets, chorégraphie un film à la mise en scène assez banale mais cette sobriété artistique n’est pas forcément dérangeante car la psychologie des personnages donne réellement toute la beauté du film.
Il y a un panel de personnages décrits allant du plus réservé (interprété par John C Reily) au plus charismatique (Léa Seydoux dans un rôle fort) et cette diversité de rôles est très intéressante à observer car elle évite l’ennui et permet une comparaison des différentes réactions à l’égard de l’histoire. Point non négligeable : les rôles féminins. Il est vrai que The lobster se veut neutre par la représentation du couple avec autant de figures féminines fortes ou ingénues que de représentations masculines dans la même optique. Mais l’on ne peut s’empêcher de noter la présence de rôles féminins assez forts, voire hors des clichés habituels : dans un film où le couple est diabolisé, décortiqué c’est une figure féminine plutôt imposante qui est choisie.
Sans révéler trop de l’intrigue puisque The lobster ne sort qu’en novembre, le spectateur est pris dans un filet bien trop passionnant pour que le film ne soit pas apprécié. Entre rires et suspense, The lobster prouve une maîtrise du sarcasme et critique librement les tares humaines à travers une dystopie originale et récompensée à Cannes par le prix du Jury (largement mérité).
Un avis sur The lobster par Télérama.
- Le scénario original
- Le sarcasme assumé
- Les personnages divers
- Les questions en suspens