Les Merveilles ou l’anachronisme du chameau
Grand prix du jury du dernier festival de Cannes, Les Merveilles signe le retour au premier plan du cinéma italien. Les Merveilles raconte l’histoire d’une famille d’apiculteurs qui vit en marge de la société. Mais le hasard va les mettre en relation avec une émission de télé-réalité qui se déroule près de leur ferme. Au fait, et le chameau, une ou deux bosses?
Les Merveilles ou les changements progressifs
Les Merveilles campe une famille de soixante-huitards qui ont effectué un retour à la terre. Le père (Sam Louwyck, Terre Battue, Le Monde Nous Appartient, L’Etrange Couleur des Larmes de ton Corps), barbu et autoritaire, fait vivre sa femme, ses quatre filles et Coco, une amie de la famille, avec ses ruches. Très souvent secondé par Gelsomina, sa fille aînée (Maria Alexandra Lungu), il mène sa petite exploitation à l’ancienne. Mais les temps ont changé, l’administration lui demande de mettre aux normes son installation et Gelsomina devient une adolescente. Les Merveilles traite donc de ces modifications imperceptibles du temps qui engendre des adaptations dont le père accepte mal l’évidence. Le chameau qui arrive dans Les Merveilles, plutôt dans la deuxième partie du film, symbolise parfaitement l’inadaptation du père qui offre ce chameau à Gelsomina qui en rêvait enfant , mais à qui ce cadeau ne fait ni chaud ni froid. De plus il l’obtient en contrevenant aux lois actuelles qui en interdisent l’achat. L’irruption de cette émission de télé-réalité intitulée « Le pays des merveilles » (concours des producteurs locaux) vient encore davantage brouiller les repères et le mode de vie de cette famille en proposant un somme d’argent au gagnant du concours auquel Gelsomina va, en cachette, inscrire la famille. Les Merveilles, c’est un étrange retournement des choses par lequel cette émission kitsch vient chercher à promouvoir la tradition, l’authenticité que recherchait, en s’installant, la famille de Gelsomina.
Les Merveilles, une impression mitigée
Dans Les Merveilles, la jeune réalisatrice Alice Rohr Wacher rend magnifiquement bien la vie de cette famille et en particulier celle des quatre filles qui nous font rire et nous touchent par leur naturel. Les Merveilles, c’est aussi le choix d’images avec beaucoup de grain, des scènes tournées avec la caméra à l’épaule, des très gros plans sur le visage ou de trois-quart arrière comme pour presque toucher ses personnages. Les Merveilles, c’est aussi quelques jolis moments de poésie comme quand Gelsomina et Manuella boivent le fin rai de lumière qui éclaire la grange ou ces portraits de gens jamais complètement figés dans leurs situations qui croient encore toujours possible une liberté nouvelle. Mais malgré ces qualités indéniables, Les Merveilles ne parvient pas tout à fait à séduire : par des longueurs, notamment face au devenir de Gelsomina, ou lorsque Adrian, un compagnon de lutte du père, revient leur rendre visite à la ferme. Petit à petit, Les Merveilles devient un film légèrement trop redondant, avec une Gelsomina au visage par trop impassible, un scénario qui s’effiloche et qui laisse, malgré de belles choses, le spectateur sur sa faim. Les Merveilles, un film à voir à la rigueur.
Un avis plus positif sur Les Merveilles: http://www.telerama.fr/festival-de-cannes/2014/les-merveilles-le-meraviglie-d-alice-rohrwacher-un-bonheur-fragile,112478.php
- Manuella, une des filles
- La façon de filmer
- La monotonie qui s'installe
- La fin du film