Critique – Mustang

Critique de Mustang, un film de Deniz Gamze Ergüven. De l’énergie à revendre!

Mustang est le premier film d’une réalisatrice turque qui a fait ses études à la Femis. Présenté à la quinzaine des réalisateurs, Mustang a reçu un accueil très chaleureux des festivaliers. L’histoire : cinq sœurs se retrouvent soudain aux prises avec la tradition patriarcale et religieuse de la société turque après avoir été vues, juchées sur les épaules de garçons. Progressivement cloîtrées dans leur appartement par leur oncle (leurs parents sont morts lorsqu’elle étaient petites) et leur grand-mère, elles seront promises l’une après l’autre à de futurs maris qu’elles ne connaissent même pas. A ce sort terrible fait aux femmes de ce pays, Mustang oppose le dynamisme extraordinaire qui émane de ces cinq jeunes filles et en particulier de la plus jeune, Lale, une figure inoubliable. Allez, en route pour un grand bol d’air frais!

image affiche du film mustang

L’enfermement de la société patriarcale

Mustang n’élude rien du sort douloureux réservé à ces filles après que leur oncle et leur grand-mère aient décidé durant l’ét�� de les enfermer chez eux avec interdiction de sortir et de voir leurs amis. Tout de suite, le ton de ce film est donné. Le rire et la vitalité de la jeunesse vont s’opposer aux sombres résolutions ancestrales. A peine enfermées, l’oncle doit aller nettoyer la chaussée en contre-bas où les amoureux ont tagué des messages exprimant leurs sentiments. Indomptables, elles s’efforcent de rester unis, de continuer à conserver leur esprit frondeur, comme quand Lale, pour marquer sa désapprobation devant ces réunions où les deux familles concluent le mariage de la cadette, l’aînée ayant demandée à être unie à son « véritable » amoureux, crache dans les cafés que sa sœur doit servir pour montrer qu’elle est devenue une parfaite femme d’intérieur. Mustang ne cherche pas à s’appesantir sur la force de la tradition bien installée et que personnifient l’oncle et la grand-mère mais à observer chez ces jeunes filles les conséquences qu’elle produit et les réactions qu’elle entraîne. Bien entendu, elles ne respectent que partiellement les interdits et s’échappent à plusieurs reprises de leur « prison », ce qui se traduit à chaque fois par la pose d’un obstacle supplémentaire à leur envie de fuite (grilles, portes, cadenas). Mais cela ne change rien à leur résolution même si les mariages se poursuivent.

La vitalité incroyable de ces jeunes filles

Mustang s’amuse aussi par moments avec les codes même de cette société comme lorsque la rencontre de foot entre Trabzon et Galatasaray est interdite aux hommes en raison de violences répétées dans les tribunes. Donc ce jour-là le stade ne sera ouvert qu’aux femmes, chose impensable (dans Taxi Téhéran, une avocate raconte qu’elle défend une femme emprisonnée pour avoir voulu assister à un match de foot dans son pays) et dont vont profiter nos cinq filles pour s’échapper et aller faire la fête. L’ironie veut que ce match soit télévisé et que l’oncle rassemble ses amis pour boire un coup en le regardant mais peu de temps avant qu’il allume la télé, la grand-mère, en cuisine, voit les premières images du stade avec en gros plan les cinq petites filles qui font la fête dans les tribunes. Une entente implicite entre les femmes va faire avorter la retransmission télévisée du match dans le village tout entier. On le voit, Mustang pétille, Mustang rue, Mustang se cabre devant les murs et les grilles qui entravent ces filles. Mustang excelle dans les plans de groupe où les corps s’entremêlent, souvent en petite tenue, roulent sur le sol, où les visages se rapprochent, magnifiquement filmés, où la tragédie frappe également dans une scène déchirante, ou s’en détache aussi pour se concentrer sur Lale, la plus jeune, qui a le plus de temps pour échafauder un plan pour échapper à l’inévitable. Débordante d’énergie, subtile dans la perception des choses, elle va multiplier les actions et les initiatives, certaines cocasses, toutes courageuses pour arriver à ses fins. Justement les dernières scènes, splendides sur le plan esthétique (toujours ces beaux visages de filles changeant à la lumière), emportent l’adhésion devant tant d’acharnement à conquérir sa liberté. Mustang, un premier film à aller voir au triple galop!

Un autre point de vue sur Mustang à retrouver chez Les Inrocks.

Critique - Mustang
Cinq jeunes adolescentes aux prises avec la société patriarcale turque. Un film vif avec des actrices magnifiques.
Scénario
Images et sons
Mise en scène
Acteurs
On aime bien
  • Les actrices sensationnelles
  • La mise en scène dynamique
  • La tendresse des images
On aime moins
  • Le scénario un peu prévisible
3.8L'avis
Note des lecteurs: (1 Vote)
  • Titre : Mustang
  • Année de sortie : 2015
  • Style : Drame
  • Réalisateur : Deniz Gamze Ergüven
  • Synopsis : C'est le début de l'été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.
  • Acteurs principaux : Günez Nezihe Sensoy, Elit Iscan, Doga Zeynep Doguslu
  • Durée : 1h37
  • Marilyne breant

    Un de mes films preferés de cette année pour l’instant. Il sera sans doute dans le top 10 !

  • Isabelle Corduant

    Ce film remue, provoque colère et indignation contre la violence faite aux femmes turques : déscolarisation, mariages forcés, abus sexuels… mais nous emporte dans une belle énergie face à la vitalité de ces 5 jeunes filles qui se rebellent (surtout la petite dernière) et qui s’engouffrent vers la liberté dès que la moindre faille se présente. Ingénieuse, joueuse, cette jolie fratrie nous montre que la vie est plus forte et qu’on peut déjouer les barreaux dans lesquels nous enferment la religion et les traditions ancestrales.

    • Mouriès

      Tu as très bien résumé ce film plein d’énergie et de vie face à une société bloquée dans ses traditions.

  • / Camille LATOUCHE

    Voici un film dont j’ai entendu le plus grand bien. Voici une raison de plus de le voir.