Dans A trois on y va, de Jérôme Bonnell, le triolisme a du bon au cinéma.
A trois on y va s’inscrit dans la grande tradition des récits de triangle amoureux. Jérôme Bonnell (réalisateur de Le temps de l’aventure) prend donc la suite d’œuvres aussi importantes que Jules et Jim, César et Rosalie, ou encore Sérénade à trois, pour aborder l’une des relations sentimentales les plus intéressantes à analyser. Cruauté de la situation, désir mimétique (lire René Girard), les trios ardents comme celui de A trois on y va ont tendance à bien occuper l’espace, ou encore à remplir des pages blanches. Encore faut-il que le décodage soit bon, que la caractérisation des personnages soit juste. A trois on y va réussit-t-il à bien cadrer son sujet ?
Un homme, deux femmes, trois possibilités.
A trois on y va nous raconte l’histoire d’un couple, Charlotte (Sophie Verbeeck, vue dans Océane) et Micha (Félix Moati, aperçu dans Hippocrate), deux jeunes gens amoureux. Ils viennent d’emménager dans une maison, à proximité de Lille, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. En apparence tout du moins, car Charlotte trompe Micha avec Mélodie (Anaïs Demoustier, appréciée dans Bird People), et ce depuis quelques semaines. Micha ne voit rien, pas de signaux, mais ressent profondément que sa copine le délaisse, alors lui aussi trompe Charlotte… avec Mélodie ! Cette dernière ne sait plus comment gérer cette situation carrément tendue, en étant la confidente de ses deux amants, tout en étant commençant à éprouver des sentiments pour chacun.
A trois on y va commence tambour battant, peut-être même un peu trop peut-on penser de prime abord. Car en fait, on ne le sait pas encore mais A trois on y va est un instantané, la description précise d’un moment précis de la vie d’un couple précis. Ainsi, on est étonné que A trois on y va nous projette tout de suite dans une cellule amoureuse qui tire la tronche, mais de manière subtile. Vous savez, ce moment où l’on ne se dispute pas, mais où les silences sont très lourds de sous-entendus, où chaque geste sent la fin d’une belle aventure. A trois on y va débute alors que Charlotte et Micha emménage dans un appartement qu’ils ont acheté, comme beaucoup de jeunes gens sûrs d’eux-mêmes et de la force de leur amour, alors que le couple ne tient que depuis trois ans. Et la liaison entre Charlotte et Mélodie n’est pas vécu comme une menace dans A trois on y va, puisqu’il est déjà une réalité. En faisant ce choix de rester sur un temps de récit très court, le réalisateur de A trois on y va s’expose à l’inévitable questionnement quand au pourquoi du comment d’une telle situation. Ce qui a pu créer l’envie d’aller voir ailleurs restera un mystère dans A trois on y va, et c’est peut-être tant mieux.
En deux temps, trois mouvements.
Car on comprend très vite que A trois on y va n’est jamais meilleur que dans son ton léger. Dès que A trois on y va verse dans le drame, le sérieux, le film devient lourd et patauge dans la semoule. Un exemple est frappant, avec le personnage de Mélodie, jeune avocate débutante à Lille. A trois on y va la montre dans l’exercice de se fonctions, notamment à défendre un délinquant sexuel (Olivier Broche, aperçu dans 100% cachemire et Zouzou). Comme le dit Dr. Gonzo dans Las Vegas Parano : « Même un loup-garou a le droit à un avocat ! ». En tout cas, le détraqué, avec une bonne tronche de l’emploi pour bien appuyer le personnage, en vient à mettre dans l’embarras Mélodie qui, et on la comprend, a du mal à encaisser les actes de son client. Une telle caractérisation du personnage devrait le servir, être au service du public d’A trois on y va pour mieux capter sa profondeur, et malheureusement il n’en est rien. Sans doute parce que cette épreuve est contrebalancée par l’importance que prend le triangle amoureux dans sa vie, et aussi parce que tout va très vite, A trois on y va fait passer le cul devant l’humain, n’arrive pas vraiment à marier les deux.
Pourtant, A trois on y va est bourré d’une énergie folle, et devient irrésistible quand il s’agit d’aborder le triangle amoureux sous l’angle de la comédie, du vaudeville. Une séquence d’A trois on y va reste particulièrement en mémoire, c’est celle qui emmène Mélodie chez le couple, afin de fricoter avec Charlotte quand, évidemment, Micha revient à l’improviste. La séquence est certes une situation classique, mais la mise en scène d’A trois on y va est tellement surprenante qu’on ne peut qu’en mourir de rire. Jêrome Bonell est clairement un metteur en scène intéressant, et son travail est irréprochable côté formel. Même si on ne croit pas spécialement à la caméra tremblotante pour donner du réalisme, de la chaleur, l’intention est là mais l’effet un peu trop souligné. Sa façon de filmer, tout en plans rapprochés, met bien en valeur les énormes qualités d’un casting en très grande forme, dont une véritable révélation pour Sophie Verbeeck et une confirmation pour les excellents Félix Moati et Anaïs Demoustier. Le trio d’A trois on y va réussit à nous convaincre, et ce malgré quelques passages sur-dialogués qui les desservent. Un défaut cependant minime, mais qui s’ajoute à quelques autres.
Un point c’est tout, un point c’est trois.
Au final, A trois on y va a un peu le cul entre deux chaises, tiraillé qu’il est par son côté dramatique peu engageant, et ses poussées de comédies totalement irrésistibles. Reste qu’A trois on y va est un film résolument de son temps, traitant notamment de l’homosexualité féminine avec un grand talent, en l’abordant aussi légèrement que l’hétérosexualité. A trois on y va ne fait pas la leçon, évite à tout prix le jugement et les grandes tirades moralisatrices, et on l’en remercie. Jamais de pathos farfelu, A trois on y va se contente d’être marqué par son époque, bien digérée dans le film. Signalons que la toute fin de A trois on y va pourra décontenancer, mais chut : aucune raison de spoiler quoi que ce soit et allez voir par vous-même !
A trois on y va, les bonus.
Allociné a mis en ligne un portrait de Sophie Verbeeck, actrice d’A trois on y va.
Toujours sur Allociné, Félix Moati et Anaïs Demoustier nous parlent des scènes de sexe dans A trois on y va.
Une bonne partie de l’équipe d’A trois on y va était présente pour une projection privée, en voici la vidéo sur Nivrae.
Pour voir la bande-annonce d’A trois on y va, suivez le guide.
- La séquence vaudeville.
- Le casting frais et juste.
- Réalisation intéressante.
- Les séquences dramatiques.
- Certains personnages grossiers.