Critique – White Bird

White Bird : un thriller poétique et rafraîchissant

Kat Connors, une jeune femme de 17 ans, vit le départ inattendu de sa mère disparue sans laisser de traces. White Bird (In A Blizzard), adapté du livre éponyme de Laura Kasischke et petit dernier du réalisateur Gregg Araki, le papa de Kaboom et Mysterious Skin, est un véritable bijou. C’est sans avoir vu aucune bande-annonce ni en ayant lu aucun renseignement sur le film que je me suis gaiement rendue à la projection de White Bird. Zéro a priori, donc, et un esprit assez clair pour vous annoncer que le film, malgré quelques failles (personne n’est parfait) (tais-toi, Peter Jackson)… que ce film est mon coup de cœur de la rentrée.

Je vous entends d’ici : « Quoi ? Mais comment ? Elle a décidé d’arrêter de basher des films ? Remboursez ! » mais tout doux, jeunes amis. Je suis moi-même surprise. Tout d’abord, White Bird partait – de mon point de vue – avec une épine dans le pied : la chérie d’Hollywood omniprésente en ce moment, Shaileene Woodley. En effet, cette actrice à la voix monocorde incarne encore une fois le rôle principal et avait jusqu’à présent le don de m’insupporter. Avait..L'affiche de White Bird

White Bird a tout bonnement changé ma vision d’elle : tel a été son grand pouvoir. De toute manière, l’ensemble du casting était à couper le souffle et portait le film de bout en bout, que ce soit la merveilleuse Eva Green (sur laquelle j’émettrai un léger bémol tout à l’heure) dans le rôle de la mère névrosée et désenchantée, Christopher Meloni dans celui du père un peu simplet, et même les seconds rôles rafraîchissants de Gabourey Sibide, vue dans American Horror Story : Coven, et Mark Indelicato, le neveu d’Ugly Betty qui a bien grandi. J’avais donc prévu de poser un petit bémol dès le début de cette critique pour Mme Eva Green, que j’ai tout de même trouvée relativement moyenne, nous servant simplement du réchauffé de ses films précédents. Pourtant je t’aime, Eva, pardonne-moi, mais ton rôle de névrosée mi-folle mi-sorcière tu l’as déjà utilisé pour Dark Shadows, et là le ton du film ne se prêtait pas à ce que tu te reposes à nouveau dessus.

La réalisation précise de White Bird et son intrigue sur le fil

Si White Bird se définit comme un thriller, il n’en est pas moins un voyage initiatique pour l’héroïne Kat (Shaileene Woodley), la disparition de sa mère ne l’affectant que trop peu et n’étant qu’un prétexte pour suivre son évolution de jeune femme tourmentée par ses rêves. L’enquête n’est au final qu’une trame de fond, chose que j’ai beaucoup appréciée de la part d’Araki car il aurait été facile de tomber dans le pathos et le film policier, vu qu’il en contient tous les éléments sombres, mais il ne bascule jamais. White Bird propose un parfait équilibre entre drame et légèreté, même si on pourra tout de même regretter que les meilleurs amis de Kat ne sont là que pour remplir le sale boulot de comic relief entre deux scènes intenses, et s’occuper des quotas. Merci Hollywood et son cahier des charges. Ben oui, parce qu’une jeune black et un adolescent gay ne peuvent que servir de meilleurs amis à l’héroïne. Quelle idée de leur donner des rôles travaillés ? Ce serait totalement saugrenu !

Heureusement pour White Bird, le film nous prend sous son aile dès le début, campant une ambiance plutôt féerique, et de plus en plus sombre au fur à mesure que les époques s’enchaînent et que les langues se délient. On suit au final le personnage de Kat sur une période de trois ans après la disparition de sa mère, ponctuées par des souvenirs sous forme de rêves très poétiques ou de flashbacks. Araki nous entraîne à coups d’une réalisation fluide, d’une photographie élégante et de plans délicieusement composés dans son univers, White Bird étant une sorte d’hybride entre ses précédents films Kaboom et Mysterious Skin. Il use d’une atmosphère lourde à la David Lynch pour conter son histoire (les clins d’œil à Twin Peaks et Blue Velvet sont nombreux), entremêlant à l’intrigue policière des scènes de bonheur adolescent pur et simple, mais le côté « teen » ne prenant jamais le dessus sur la gravité globale du film. On retrouve aussi de somptueux plans fixes qui m’ont fait penser au travail d’une certaine Sofia Coppola – en beaucoup moins conceptuel – qui aime à traiter les mêmes thèmes dans ses films, de l’adolescence au deuil, en passant par les différents états de la nature humaine.

white bird shaileene woodley

Shaileene Woodley joue le rôle de Kat

White Bird : procès d’un rêve américain mis à mal 

Je pourrais m’étendre davantage sur l’aspect technique du film, mais il me faut aussi vous parler de la trame narrative et la décortiquer un peu pour vous prouver par A + B comment ça se fait que qu’est-ce que pourquoi que ce film est sublime. White Bird s’ouvre sur la mère de la jeune Kat, étendue sur le lit de sa fille, totalement inconsciente et vêtue d’une tenue de soirée. Quelques scènes plus tard, le film évoque son départ. Pas un départ au sens de mort, de perte : un départ au sens propre du terme, un aller sans retour, laissant sa fille livrée à elle-même dans un monde en plein changement. Cette absence paraît au final mineure, nous amenant à suivre le passage à l’âge adulte de Kat, son arrivée progressive de l’adolescence vers l’âge de raison, l’âge d’obtenir des réponses. Réponses qu’elle cherchera elle-même tout au long du film sous forme d’introspection pour connaître le véritable motif du départ de sa mère. À noter aussi que chaque séquence peut être prise indépendamment comme un cliché, un instantané qui aurait sa place dans un album de famille modèle. La famille étant en elle-même un personnage central du film, puisque là est toute la problématique principale. Comment une famille en apparence bien sous tous rapports peut-elle survivre à un événement d’une telle importance ?

Sans spoiler, simple analyse, le personnage de la mère – Eve – se rend compte petit à petit qu’elle aspire à plus que ce rêve américain, le film se déroulant à la fin des années 80. Elle ne veut plus de la vie qui s’est imposée à elle, orientée par les modèles féminins de son époque (la ménagère modèle, les femmes élancées et blondes d’Hitchcock…). Eve ne se complaît plus dans ce rôle factice d’épouse et mère modèle, et c’est ainsi qu’elle finit par retrouver sa liberté avec la métaphore de la porte ouverte et de son départ. On ignore alors si le « white bird » du titre renvoie à elle, qui serait un oiseau libéré de sa cage et ses obligations, ou bien à Kat qui est le jeune oiseau perdu dans le brouillard.

White Bird de Gregg Araki est un film à la fois dramatique et rafraîchissant, mais surtout très bien ficelé et réalisé d’une main de maître.

Critique - White Bird
White Bird est un concentré de modernité dans un film se passant pourtant dans les 80's. Bien joué, Araki !
Scénario
Images et Son
Acteurs
Mise en scène
On aime
  • La BO so 80's (et Depeche Mode)
  • Le twist final
  • L'esprit David Lynch
On aime moins
  • Les seconds rôles superficiels
  • Le sourire de sorcière d'Eva Green
  • La love story inutile de l'héroïne
4.0Note Finale
Note des lecteurs: (3 Votes)