Critique – Le Prestige
Londres, au début du siècle dernier…
Robert Angier et Alfred Borden sont deux magiciens surdoués, promis dès leur plus jeune âge à un glorieux avenir. Une compétition amicale les oppose d’abord l’un à l’autre, mais l’émulation tourne vite à la jalousie, puis à la haine. Devenus de farouches ennemis, les deux rivaux vont s’efforcer de se détruire l’un l’autre en usant des plus noirs secrets de leur art. Cette obsession aura pour leur entourage des conséquences dramatiques…
Nous sommes devant le 5e film de Christopher Nolan qui après Batman Begins nous sort un film plus discret mais qui ne manque pas d’intérêt. Cette critique passera par plusieurs étapes (petite innovation mais je ne crois pas en avoir écrit deux semblables), l’histoire, les acteurs, la technique, la conclusion et si nous avons le temps « la griffe de Nolan », le tout ponctué par quelques anecdotes autour du film. En somme, quel programme ! Oui c’est vrai, je suis assez fier de moi et sans plus attendre commençons.
L’histoire
Rivalité et obsession sont les maîtres mots de cette histoire tirée du roman éponyme de Christopher Priest. Il s’agit d’une compétition qui s’accélère, qui rythme le film et l’histoire sans temps mort ni pause, tout va presque trop vite car nous n’avons pas toujours le temps d’être attentif comme on nous le précise en début de récit. La narration, non linéaire peut perdre le spectateur, n’étant pas le but de Nolan, le contexte nous permet de nous y retrouver rapidement.
Cette histoire nous est contée par la lecture des journaux « intimes » d’Angier (Hugh Jackman) et Borden (Christian Bale), l’un répondant à l’autre et dans le reflet des personnages gravitant autour de ces deux protagonistes, dans le roman, il y a une succession de point de vue en dehors des deux « anti-héros ». Nolan nous présentera au final son tour en trois actes, tel que présenté par Cutter (Michael Caine) en début de film, dans lequel le spectateur aime se laisser berner, les deux premiers actes d’une illusion sont « la promesse » et « le tour », l’acte final d’un tour se nommant « le prestige ».
Le scénario a tellement plu à M. Priest qu’il s’en est voulu de ne pas avoir pensé à certaines choses lors de l’écriture du roman. On peut donc conclure en disant que Christopher et Jonathan Nolan ont bel et bien travaillé leur scénario, cependant ils gardent leur petit défaut, il y a certains raccourcis mais on leur pardonne car encore une fois, on se laisse berner par leur tour de magie.
Les acteurs
Ce film réunit un casting impressionnant, Nolan aime s’entourer de bons acteurs. Hugh Jackman et Christian Bale, non prévu pour le rôle, sont parfaits, le premier joue à la perfection l’homme de scène captivant la salle et le deuxième campe un excellent magicien entièrement dévoué à ses tours. Lorsqu’ils sont à l’écran, nous ressentons tout le charisme et la présence de ces personnages. Cependant, nous sentons parfois que le rôle de Batman a laissé quelques traces sur le jeu d’acteur de M. Bale (les deux films ont quasiment été tournés dans la foulée).
C’est un tradition chez moi, je m’attache beaucoup aux personnages secondaires et Nolan reste un bon directeur d’acteur, ils donnent une bonne part de crédibilité à l’histoire, le rôle d’ingénieur machiniste de Cutter lui permet de donner une vision globale de l’histoire. Tandis que des rôles comme celui de Sarah (Rebecca Hall) et d’Olivia (Scarlett Johansson) sont beaucoup plus impliqués et permettent de remarquer les détails des obsessions de Borden et Angier. Michael Caine est toujours excellent, il a une retenue et une prestance qui n’entache jamais le personnage qui lui est confié (à l’image d’Alfred dans Batman).
Les rôles féminins sont majeurs pour leur implications, les prestations de Rebecca Hall et Scarlett Johansson sont convaincantes car on saisit chaque aspect de leur personnage et des personnages de Jackman et Bale.
Pour Nikola Tesla, Nolan ne voyait qu’une personne qui ne soit pas un acteur à la base, David Bowie. Au début, il a refusé mais on ne résiste jamais longtemps à une rencontre avec le réalisateur et un « personne d’autre que vous peut le faire ».
La technique
On prend les mêmes et on recommence, l’équipe de technique de Nolan n’a pas bougé ou presque et encore une fois, il nous démontre son talent quant à la maîtrise de cet aspect du film.
Le film a été situé dans une Angleterre Victorienne et le rendu des décors est impressionnant, tournés pour la plupart en studio, notamment sur les affiches qui inondent tous les recoins des murs, les affiches des spectacles des deux magiciens semblent authentiques. Les costumes sont tous sur un ton neutre, foncé, ce qui permet de faire ressortir les visages et donne un gros contraste avec les costumes de scène blanc et noir (seul les costumes d’Olivia et de Julia sont colorés).
Le travail sur la lumière est moins important que sur Insomnia (un bon film de Nolan dont je fais la critique * clin d’œil*) mais reste très intéressant, il y a beaucoup de lumière naturelle qui est travaillée brut ou à travers les carreaux des fois colorés, nous alternons des lumières sous des nuages d’automne et des sépias.
La manière de filmer, caméra à l’épaule, pour une bonne partie scènes oblige les acteurs à enchaîner leur texte sans coupure avec le jeu de scène. Au final, et ce sans avoir recours au meilleur des monteurs, il y a un rendu très naturel.
La musique est presque omniprésente dans ce film, David Julyan est crédité pour la musique mais on reconnait le style de Hans Zimmer et qui est à la production. Sa musique est sombre, basse et monte dans les aiguës à chaque moment d’intensité dans le film. Elle nous transporte tout au long du film.
Ce film a tout d’une réussite, un casting de rêve avec des acteurs convaincants, une image et un son très travaillé. Cependant en grattant un peu et après visionnage, il y a quelques raccourcis que nous pouvons deviner, c’est la le défaut de beaucoup de ses films et celui ci ne fait pas exception. Nous allons lui pardonner car comme pour un tour, on se laisse facilement berner, et je dirai même que nous souhaitons nous laisser berner par ce cinéaste. Même si ce n’est pas le thème du film, nous aurions voulu voir un peu plus de tours de magie et un peu plus de l’envers du décor, il n’en reste pas moins intéressant et le rythme ainsi que les rebondissements ne sont pas en reste, un film à voir au moins deux fois pour bien le saisir (personnellement j’ai saigné le DVD car j’ai du le voir 4 fois pour cette critique, même si cela ne se remarque pas).
La griffe « Nolan »
Pour cette partie, je ferai mention des films de Christopher Nolan dont j’ai fait la critique jusqu’ici. Il est important pour moi de commencer à éclairer cette « griffe » qu’à le réalisateur sur chacun de ses films (il fallait bien le faire à un moment ou un autre). Le réalisateur s’attache à plusieurs détails dans ses productions, souvent issues du scénario lui-même mais parfois techniques, en effet, une partie des films écrits ont une narration non linéaire (Memento, Le Prestige). Les scénarios des films de Nolan sont écrits par lui même et son frère, Jonathan et David S. Goyer. Les scénarios ont toujours plusieurs hypothèses possibles sur le déroulement et/ou la fin de l’histoire.
Les personnages principaux sont souvent naïfs et solitaires (memento, insomnia), la psychologie de leur personnage fait partie intégrante de l’histoire (le prestige, memento) ils ne sont pas maîtres de leur destin. La mort de la femme du personnage principal est souvent le thème principal de l’histoire, cependant il n’en est pas pleinement responsable et cela le dirigera tout au long du film (memento, le prestige, dans une certaine mesure insomnia mais c’est son collègue). La trahison, le mensonge et la manipulation sont toujours au cœur des films de Nolan.
Concernant les anecdotes sur les films on peut voir que le héros séjourne souvent à l’hôtel, il y a souvent la présence d’un téléphone filaire (insomnia, memento).
Cette partie arrive assez tôt dans les critiques de film de Nolan, cependant vous pouvez la garder en tête pour les suivantes.
- Des acteurs incarnés
- Une musique captivante
- Des décors et costumes somptueux
- Le manque de tours et d'envers du décor
- Une narration non linéaire qui peut perdre le spectateur