Avec The Voices, de Marjane Satrapi, les voix du saigneur ne sont pas impénétrables au cinéma.
Découvrir le projet The Voices, que ce soit par le biais d’une bande-annonce ou en admirant l’affiche, est un véritable vertige pour les cinéphiles. The Voices, c’est le quatrième film de la réalisatrice iranienne Marjane Satrapi, auteur du très renommé Persepolis, mais aussi d’un Poulet aux prunes passé plus inaperçu et pourtant très intéressant. Par contre, on oubliera de citer le très étrange La bande des Jotas, un film plus proche du délire entre potes que d’une véritable œuvre de cinéma. En tout cas, la réalisatrice de The Voices pouvait être cataloguée dans cette case débile qu’est celle des films d’auteur (parce que certains réalisateurs ne sont pas des auteurs peut-être ?). The Voices sort juste au bon moment pour bien prendre à contre-pied critiques et public, tel un pénalty tiré avec sang-froid et détermination.
Miaou to that !
The Voices, c’est l’histoire de Jerry (Ryan Reynolds, vu dans RIPD Brigade fantôme), nouvellement employé dans une usine de baignoires dans la petite ville de Milton. Célibataire, le jeune homme voit régulièrement une psychologue (Jacki Weaver, Magic in the moonlight) qui met un point d’honneur à le suivre de très près. Et on la comprend, car Jerry semble atteint de troubles de la personnalité assez graves : il communique avec son chat, Monsieur Moustache, et son chien Bosco. L’équilibre du personnage principal de The Voices est fragile, mais lorsqu’il rencontre Fiona (Gemma Arterton, appréciée dans Gemma Bovery) Jerry en tombe immédiatement fou amoureux, alors que la jeune femme n’éprouve aucun sentiment pour lui. Tout se passe tout de même assez bien, du moins jusqu’à une nuit dramatique qui va faire basculer le destin du jeune homme et en faire un véritable serial killer.
A la lecture du synopsis de The Voices, on est encore positivement troublé de voir Marjane Satrapi à la tête d’un tel projet. Et le moins que l’on puisse dire est que The Voices se révèle aller comme un gant à la réalisatrice iranienne, qui déploie dès le début tout son talent pour les cadres bien structurés et la représentation d’un kitsch aussi justifié que plaisant. The Voices pétille de couleurs alors que l’histoire, de plus en plus glauque, se met en place avec rapidité et précision. Et c’est justement là que The Voices nous transporte avec succès dans son intrigue, car on sent immédiatement une sorte de dichotomie entre ce qui nous est montré et la réalité de la situation. Tout ce rose, cet appartement bien rangé, et ces animaux qui parlent : The Voices couve quelque chose, et d’une fort belle manière.
Tous fous de Gemma Arterton.
On comprend, après la première visite chez la psychologue, que The Voices prend le point de vue de Jerry. Ce dernier embellit tout ce qui l’entoure, et notamment les relations humaines, ce qui constitue un ressort comique d’une efficacité redoutable. Toute la partie de The Voices où le jeune homme se met en tête de séduire Fiona, et on ne lui en tient pas rigueur tant Gemma Arterton est sublime, fait ressentir une foule d’émotions contradictoires. On est touché par ce Jerry incapable de voir que l’élue de son cœur est en fait une fille bien moins sympathique qu’il ne se l’imagine, et en même temps on se demande irrémédiablement jusqu’où le personnage principal de The Voices ira quand il se rendra compte de la situation. Mais The Voices reste surprenant car, sans en dire trop, la descente aux Enfers de Jerry débute d’une manière complètement folle, lors d’une séquence à l’image du film, ou plutôt du point de vue qu’il adopte : sordide et pourtant innocent.
Une réalisation remarquablement intelligente.
A partir de cette séquence, The Voices nous fait suivre un destin implacable et pourtant salement drôle. La séquence du découpage fait mouche, tant la réalisatrice de The Voices utilise jusqu’à cet instant lugubre pour bien définir son personnage, maniaque du rangement. The Voices est d’une intelligence de mise en scène très vivifiante, notamment dans cette volonté de faire de l’appartement de Jerry une image précise de son for intérieur. C’est finement emmené dans The Voices, avec la première prise de médicament qui ramène Jerry à la réalité et lui fait voir l’état réel de la situation, terriblement effrayante. The Voices réussit à jouer avec toutes sortes d’émotions, trimballe le spectateur de l’un à l’autre avec maîtrise.
La renaissance de Ryan Reynolds.
The Voices ne serait pas le même film sans ses acteurs, et le travail de direction des comédiens effectué par Marjane Satrapi. Ryan Reynolds est tout simplement parfait dans le rôle que lui réserve The Voices, pourtant bien loin de ses précédents travaux. D’ailleurs, il faut souligner l’excellente écriture de Michael R. Perry (scénariste de Paranormal Activity 2 et créateur de la série The River, comme quoi tout le monde peut progresser), dont les personnages sont tous bien construits. Sans doute que certains tiqueront quand The Voices explique le trauma de Jerry, lié à un drame absolument sinistre, mais à ceux-là on rétorquera que le destin d’un tueur en série est toujours lié à ce genre de traumatisme. Il suffit de se renseigner un peu, et de ne pas tomber dans la volonté parfois contre-productive de voir de l’original à tout prix. Le fait est que ce passif du personnage principal de The Voices marche, communique une sorte d’empathie pour Jerry, un sentiment nécessaire pour ne pas totalement décrocher du film en montrant un simple cinglé. The Voices n’est pas un film d’horreur, mais une comédie horrifique, c’est à garder à l’esprit. Signalons aussi la très bonne prestation de Anna Kendrick (récemment vue dans Into the woods), sémillante comme à son habitude.
Did you fuck the bitch ?
Au final, The Voices s’avère être un exemple de comédie très, très noire et réussie, à la réalisation presque sans failles et au scénario classique mais traité à la perfection. Presque sans failles, car on peut tout de même regretter la gestion du point de vue, moins claire sur la fin, passant de l’omniscient au subjectif sans prendre de pincettes. Mais cette toute petite retenue n’entame en rien la réussite de The Voices et, quand vient le succulent générique de fin, on a le sentiment d’avoir assisté à une œuvre efficace, qui nous a marqué à la culotte pendant un peu plus d’une heure et demie. Pour finir, on espère que Monsieur Moustache remportera un prix pour sa performance incroyable dans The Voices, malgré son attitude de diva ingérable lors du tournage.
The Voices, les bonus.
Pour voir la bande annonce de The Voices, c’est par là.
N’hésitez pas à consulter d’autres critiques de The Voices, notamment chez Marla’s Movies et Filmosphere.
Marjane Satrapi, réalisatrice de The Voices, en interview, c’est sur Canal +.
- Mise en scène au top !
- Ryan Reynolds revit.
- Monsieur Moustache.
- La gestion des points de vue, sur la fin.