Délivre-nous du Mal, L’Exorciste à la sauce Michael Bay par Scott Derrickson.
Délivre-nous du Mal est le sixième film de Scott Derrickson, un metteur en scène que les fans de films d’horreur ont mis sur leurs listes de réalisateurs à surveiller de très près depuis quelques temps. Sur le devant de la scène depuis le succès, aussi bien d’estime qu’artistique, de son Sinister, l’auteur vient d’être mis aux commandes d’un projet attendu au tournant par les fans de Marvel : l’adaptation de Docteur Strange. Le hic, c’est que le réalisateur de Délivre-nous du Mal avait cinq autres films avant la réussite de son avant-dernière œuvre en date, et celles-ci n’étaient clairement pas des joyaux de la couronne. Citons un Hellraiser 5 très moyen (et détesté par Clive Barker en personne), le niais L’Exorcisme d’Emily Rose et le plantage total que fut le remake de Le jour où la Terre s’arrêta. C’est donc avec un peu d’appréhension qu’on débute Délivre-nous du Mal, en espérant que les gros progrès aperçus dans Sinister seront ici confirmés.
Délivre-nous du Mal raconte l’histoire du sergent Ralph Sarchie, qui officie dans le Bronx. Accompagné de son équipier Butler, il sillonne la zone et doit faire face à ce que l’humanité peut produire de pire en terme d’horreur. Ce quotidien difficile déteint même sur sa vie privée, créant des tensions dans sa famille, aussi bien avec Jen, sa femme, qu’avec Christina, sa toute jeune fille. C’est alors qu’une affaire, aux apparences déjà atroces, va se révéler être au-delà de tout ce que Sarchie a vécu jusqu’alors. Des forces sombres sont à l’œuvre, le Mal à l’état pur. Le sergent va devoir associer sa force avec celle de Mendoza, un prêtre borderline dont les méthodes sont aussi surprenantes qu’efficaces.
Délivre-nous du Mal qui se propage
Délivre-nous du Mal est l’adaptation d’un livre, Beware the Night, qui se disait basé sur des faits réels. Loin de nous l’envie de s’engager dans le découpage en règle de ce genre d’astuce marketing, disons simplement qu’il appartient aux gens de laisser parler la raison. Pareillement, si le film parle de Dieu, évitons la facilité d’y voir un film prosélyte, intégriste, etc. Bref, Délivre-nous du Mal débute loin, bien loin du sol des États-Unis. En Irak pour être précis, ce qui est le premier point commun de ce film avec L’Exorciste, le chef-d’œuvre de Friedkin. Là, une escouade américaine se déploie au sol, et fait face à l’ennemi jusqu’à se perdre un peu en route. Les soldats tombent alors nez à nez avec l’entrée d’un souterrain, dans lequel ils s’engouffrent pour découvrir de bien étranges inscriptions. Cette ouverture de Délivre-nous du Mal est à la fois grossière et assez laide à regarder, très sous-éclairée. Grossier, le film l’est car on comprend de suite où veut en venir le réalisateur, et on peut dire que ce n’est pas un cheminement rassurant quand à l’état d’esprit du metteur en scène de Délivre-nous du Mal. Poser la base de tous les maux en Irak, sur le sol irakien et pas seulement dans l’horreur de la guerre, ça revient à dire que le Mal est ailleurs. Il se propage, oui, mais il vient de l’extérieur, de l’étranger, d’en dehors de nos belles et pures frontières. L’Exorciste débutait aussi en localisant le Malin en Irak, mais Friedkin a la subtilité de bien définir les rôles, de ne pas en faire des tonnes avec la force américaine et d’au moins cacher son idéologie très Parti Républicain derrière son film. Il est évident que Délivre-nous du Mal n’est pas dirigé par un metteur en scène aussi brillant.
Délivre-nous du Mal et garde nous de cette lumière horrible.
Passé cette ouverture catastrophique, Délivre-nous du Mal nous plonge en plein Bronx, sous une pluie qui restera battante quasiment pendant tout le film. Il faut admettre que l’ambiance visuelle du film reste bonne, et ce malgré une tendance à sous-éclairer pour nous donner du plan à contre-jour, voire pour sculpter les ombres. Malheureusement pour Délivre-nous du Mal, c’est trop appuyé et il n’est pas rare de ne pas pouvoir bien distinguer Ralph Sarchie, incarné par Eric Bana qui confirme son talent très relatif, de Butler (Joel McHale, vu dans Sons of anarchy). Par exemple, l’une des premières séquences mettant en scène le duo, plutôt efficace dans ses rapports dialogués, est très représentative de ce traitement graphique : s’il n’y avait pas l’un des deux personnages au volant, on serait vite perdu. Si seulement Délivre-nous du Mal donnait une raison à cette photographie handicapante, la pilule serait passée.
Délivre-nous du Mal, un scénario pas très Malin.
Les deux flics de Délivre-nous du Mal sont caractérisés avec trivialité, tout comme beaucoup d’autres représentants de la loi dans le film. Ça porte la casquette, et surtout l’insigne de police à une chaîne, négligemment, comme un rappeur bling-bling de Boulogne peut le faire avec un dollar en or. Mais ne nous laissons pas distraire par ce traitement absurde, car la première scène de Ralph est importante. Appelé sur une scène de crime, il fait face au meurtre d’un bébé, qu’il essaie de sauver en lui faisant un bouche-à-bouche. En vain. L’agent Sarchie quitte alors le lieu, et la caméra tremblante à l’excès se charge de nous faire comprendre son état d’esprit. C’est l’un des problèmes de Délivre-nous du Mal : l’œuvre ne sait jamais comment faire exprimer des sentiments à ses personnages autrement que par l’effet ou le dialogue. Le scénario est en cause, car le sergent Ralph Sarchie n’est l’objet d’aucune évolution, alors que toute l’histoire de Délivre-nous du Mal se base sur son combat intérieur, sa lutte contre les forces obscures qui le hantent.
Délivre-nous du Mal, Sarchie dans la colle.
L’histoire de Délivre-nous du Mal s’enlise petit à petit, tout comme le traitement des personnages. Heureusement, quelques séquences viennent briser la monotonie et nous donner un peu de frisson. Rien de bien folichon pour les habitués du genre, mais quelques sursauts sont à signaler. La séquence du zoo fonctionne bien et nous rappelle, avec plaisir, le Scott Derrickson de Sinister. Mais c’est peu, trop peu. L’intrigue de Délivre-nous du Mal avance par à-coups brutaux : un quart d’heure plat comme la Hollande puis tout à coup Sarchie pète un plomb et dispute violemment sa fille, avant de s’en expliquer par des mots, et non par ses actes passés. Cette incapacité à nous intriguer par le seul scénario dénote un véritable problème d’écriture. Et ce n’est pas en rendant hommage, encore une fois, à L’Exorciste via une séquence d’analyse, non pas d’une bande sonore mais vidéo, que Délivre-nous du Mal va retrouver des couleurs.
Délivre-nous du Mal, et de ce film.
C’est ainsi que Délivre-nous du Mal entame son climax dans une relative indifférence, et nous embarque dans un tour de manège pour rien. C’est gros, ça hurle, ça saigne, ça insulte, c’est bling-bling : il ne manquait plus que des explosions et on avait là un film de Michael Bay. La démonstration de puissance, de maîtrise de l’horreur, ne fonctionne pas une seule seconde, tant le réalisateur de Délivre-nous du Mal n’a pas capté que la peur n’est possible que quand le spectateur accroche aux personnages. C’est d’une logique implacable : pour avoir peur pour quelqu’un, il faut avoir un intérêt pour cette personne. Les personnages de Délivre-nous du Mal n’en ont aucun, et le film n’est pas loin d’en avoir autant.
Délivre-nous du Mal, les bonus.
Pour regarder la bande annonce de Délivre-nous du Mal, c’est par là.
Le compte-rendu de l’entretien post-avant-première de Délivre-nous du Mal, en présence de Scott Derrickson et Eric Bana, c’est chez Le Café des Loisirs.
N’hésitez pas à lire d’autres critique de Délivre-nous du Mal, notamment chez Marvelll ou Critikat.
- Certains sursauts bien vus.
- Travail sur le son passable...
- ... à part l'utilisation des Doors, ridicule.
- Scénario plat.
- Eric Bana, toujours aussi quelconque.