Critique – Bodybuilder

Bodybuilder : mon père, ce gros balèze

Antoine (Vincent Rottiers, L’Ecume des Jours, Valentin Valentin) est un jeune homme de 20 ans qui vit à Lyon où il tient un business underground d’investissement. Pas de quoi faire frissonner Madoff, mais il s’est mis à dos quelques petites frappes de son quartier. Après une mise à sac de son appartement et une poursuite qui a failli mal tourner, la mère d’Antoine, fatiguée et inquiète, décide de l’envoyer chez son père, qu’il n’a pas vu depuis longtemps, à Saint Étienne. Elle espère ainsi qu’il se fera un peu oublier et surtout que cette figure paternelle le remettra dans le droit chemin. Une bonne idée a priori. Mais Antoine est buté et son père, Vincent, est peu enclin à la conversation. Mais surtout, la période est peu propice : Vincent est bodybuilder et prépare un concours. Entre les protéines et les entraînements, il semble avoir peu de temps à consacrer à son fils. Une cohabitation difficile se met en place entre les deux hommes que tout oppose…

Embrouilles et blanc de poulet

Bodybuilder est le troisième long métrage de Roschdy Zem, après Mauvaise Foi en 2006 et Omar m’a Tuer en 2011. Il s’inspire ici du documentaire canadien The Bodybuilder and I, de Bryan Friedman, sorti il y a 7 ans. Et pour incarner Vincent, le réalisateur va puiser directement à la source des salles de gym, puisqu’il a engagé Yolin François Gauvin, un culturiste, un vrai – et champion du monde de sa discipline en 2008 (quand même !). affiche bodybuilderPour la petite histoire, c’était Antoine de Caunes qui était pressenti pour le rôle du bodybuilder, mais il a décliné l’offre pour des raisons de planning surchargé. Toujours est-il que Yolin François Gauvin, taillé sur mesure pour le personnage, s’en sort à merveille. Une présence discrète mais marquant suffisamment les esprits et l’écran et pas seulement grâce à ses muscles. Face aux talentueux Vincent Rottiers, Marina Fois (100% Cachemire, La Ritournelle) et Roschdy Zem, il ne démérite pas. Et il s’impose comme une vraie « gueule » du cinéma français. Comme son personnage, il a deux fils et sa propre salle de gym, où il a sorti pas mal de gosses « de la mouise », comme il l’a confié à un journaliste du Parisien. Ici, le gosse déboussolé est poursuivi par ses embrouilles de cité et pour y échapper, il doit changer complètement d’univers. Il entre brutalement en contact avec le culturisme, une discipline et un mode de vie qu’il ne connaît et ne comprend pas et aussi avec un père taciturne qui se nourrit 8 fois par jour de gélules, d’œufs et de blanc de poulet, qui hésite à choisir Eye of The Tiger comme chanson de présentation, et tente de faire vivre sa salle de sport. Un v��ritable choc des cultures entre deux êtres pourtant si proches. Un père et son fils réapprennent à se connaître : la trame est ultra – classique. Grâce au talent du réalisateur et des interprètes, on va pouvoir atteindre le niveau supérieur.

Bodybuilder au grand cœur

Ce monde du culturisme, Roschdy Zem l’aborde avec une grande sensibilité, sans jugement ni moqueries et loin des clichés. Pas de grand déballage de pectoraux ! Sa caméra discrète nous ouvre les portes du bodybuilding, discipline ciné-génique et finalement peu connue, au plus près du réel : régimes drastiques, préparation des championnats et humeurs massacrantes des sportifs en période de « sèche », tout y est. Antoine va aborder l’univers de son père avec étonnement puis avec respect. L’acceptation est progressive, pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs. Rien ne se fait comme par magie et c’est ce qui fait la force du film de Zem. Bodybuilder colle au réel, aux vraies personnes et aux luttes quotidiennes, sans tapage et sans outrance. La relation père – fils est la partie la plus réussie de cette comédie dramatique qui oscille toujours entre les deux vies d’Antoine. Ses ennuis avec les petits caïds manquent un peu de piquant et on ne sent que très rarement le danger qu’il court. Au final, Bodybuilder est un film touchant, sobre et bien écrit, et qui pose un œil bienveillant sur le culturisme, les salles de sport et les retrouvailles familiales. A ce jour, sans doute le meilleur film de Roschdy Zem.

Encore une critique de Bodybuilder ? C’est par ici : http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/bodybuilder/

Critique - Bodybuilder
Bobyduilder, un film simple et efficace signé Roschdy Zem. Les muscles au service des relations père-fils.
Acteurs
Scénario
Mise en scène
Image et son
On aime bien
  • Le duo Vincent Rottiers / François Yolin Gauvin
  • Les seconds rôles solides
  • La réalisation sobre et efficace
On aime moins
  • Le côté "délinquant" d'Antoine traité de façon un peu superficielle
4.3La note
Note des lecteurs: (0 Vote)
    • / Camille LATOUCHE

      Oh voilà un article intéressant et bien rédigé. Pas au courant de ce film. Merci pour toutes les infos.