Notre critique de Bonté Divine, une comédie pas très catholique
Petit résumé de Bonté Divine : Sur son lit d’hôpital ou il se meurt d’un cancer, le père Fabijan (Kresimir Mikic) accepte de confesser ses péchés à un tout jeune prêtre. Il se lance donc dans le récit de ses début sur une petite île croate tranquille et a priori sans histoire. Le premier souci du père Fabijan : être à la hauteur de son prédécesseur, le père Jakov, un vieil homme extrêmement populaire, tant auprès des enfants que des personnes âgées. Il joue au football et à la pétanque, dirige la chorale des jeunes et organise des sorties. Son second souci ? La petite île se meurt doucement. Trop de décès et si peu de naissances… Un jour, le prêtre reçoit en confession un commerçant du village, Petar (Niksa Butijer), qui tient le kiosque de journaux. Il y vend également des préservatifs, ce que sa femme considère comme un péché. Une idée quelque peu diabolique vient alors à Fabijan : avec l’aide de Petar, il perce chaque préservatif avec une aiguille. A ce petit business vient s’associer Marin (Drazen Kuhn), le pharmacien, qui remplace les pilules contraceptives par des vitamines. Les résultats ne se font pas attendre…
Bonté Divine, un pavé dans le bénitier
Réalisé en 2013 par le croate Vinko Bresan, Bonté Divine – Svecenikova djeca en version originale – s’inspire d’une pièce de théâtre de Mate Matisic qui signe aussi le scénario du film. On le ressent très bien d’ailleurs dans la façon de filmer : l’accent est mis sur les personnages et leurs expression et les lieux sont restreints. Si Bonté Divine se place du côté de la comédie (une comédie qui décapote, comme on peut le lire ci- dessous), la pièce était très sérieuse, ce qui, selon le réalisateur, ne conviendrait pas une fois l’œuvre transposée sur grand écran. Et c’est en effet un ton satirique et parfois grivois qui est adopté ici. Du moins au début.
Pour en revenir à l’affiche, le réalisateur a expliqué lors d’une projection que celle-ci avait été changée pour la sortie en France; l’originale, sur fond noir et représentant une aiguille et un préservatif ayant été censurée dans l’hexagone. On remarquera en bas à droite de l’affiche, un dessin de Charb représentant un prêtre auréolé d’un préservatif. Le journal Charlie Hebdo avait en effet accepté, avant les attentats, d’être partenaire de Bonté Divine. Et Bresan rend également hommage au journal satirique en le citant au tout début du générique. Avec ce cinquième long-métrage, le réalisateur signe son plus gros succès ainsi que le plus gros succès croate de l’histoire du cinéma (rien que ça!). Le film s’est vendu dans plus de 30 pays et a reçu de nombreux prix, notamment celui de la meilleur comédie lors du Festival du Film Européen.
Bresan Big Bazar
Alors, oui, Bonté Divine est une comédie délirante avec un casting qu’on aurait tout à fait pu retrouver dans un Kusturica. Etant grande fan du réalisateur de Chat Noir, Chat Blanc (entre autres), ce n’est pas pour me déplaire. La situation de départ est complètement tordue et Kresimir Mikic – véritable star dans son pays – qui traîne sa longue silhouette et sa coiffure improbable du confessionnal au kiosque à journaux, forme avec Niksa Butijer et Drazen Kuhn un trio mal assorti très plaisant à suivre.
Dans un pays où la religion tient une place importante, on se dit qu’il faut être sacrément gonflé pour réaliser un film tel que Bonté Divine. Bresan l’a d’ailleurs confirmé lors de la projection : en Croatie, les gens n’hésitent pas à consulter le prêtre pour leurs problèmes quels qu’ils soient, notamment dans les petites villes. Dans quelques scènes du film, on voit en effet qu’il y a la queue devant le confessionnal et que les habitants en difficulté comptent sur leur prêtre autant que sur la police, ou presque. Au-delà de l’affaire des préservatifs percés, qui va avoir de lourdes conséquences (affluence de couples en mal de fertilité sur l’île, grossesses non désirées, …), on découvre des sujets plus complexes et plus sombres : problèmes sociaux et économiques, racisme envers les minorités serbe et albanaise et surtout pédophilie des prêtres. Si la première partie du film est clairement une comédie grinçante, on ne sourit plus tellement dans la seconde, qui se rapproche plus du ton de la pièce d’origine. J’ai d’ailleurs eu du mal à classer Bonté Divine en tant que « comédie » pure. Avec le changement de ton vient une accumulation de sujets tout à fait disproportionnée par rapport au film lui-même, qui ne semble pas pouvoir les contenir tous correctement. Certaines scènes semblent s’incruster dans le scénario de départ comme autant d’invités indésirables. Conséquence : des longueurs – comme l’interminable passage où un homme ivre chante toute la nuit et une impression de dispersion.
Bonté Divine est un film délirant, joliment interprété et plein d’idées folles, auxquelles la mise en scène « théâtrale » ajoute un charme désuet. Dommage que le scénario se disperse et finisse par nous perdre.
Pour en savoir plus sur ce film : https://www.facebook.com/bontedivinelefilm
- Le casting
- Le côté délirant du film
- Le scénario qui part dans tous les sens
- Quelques longueurs