Critique – Entre amis

Avec Entre amis, de Olivier Baroux, la croisière s’amuse au cinéma.

C’est peu dire que, au premier abord de Entre amis, on ne part pas avec des bons à priori. On connaît très bien le concept des films sur l’amitié, sous-genre auquel appartient Entre amis, parfois prétexte pour qu’une bande de joyeux drilles puissent associer travail et détente, pour un résultat souvent embarrassant. De prime abord, on serait tenté de placer Entre amis dans la même catégorie que Les petits mouchoirs, dont le succès populaire a éclipsé beaucoup de lacunes cinématographique (et tant mieux d’ailleurs, le cinéma est notamment fait pour donner du plaisir). Mais, quand on pousse un peu le raisonnement, on s’aperçoit que les avis des cinéphiles non convaincus par le film de potes sont parfois peu pertinents. Par exemple, Les bronzés 3 est souvent discuté pour avoir été un long métrage typique de ces productions basées sur l’amitié de l’équipe, sauf qu’on connaît la désunion qui régnait entre certains comédiens sur le tournage. En ces temps de préjugés constants, il serait triste de s’imaginer des choses sur Entre amis, d’oser le ranger dans une belle petite case bien propre, pour ensuite tomber en larmes devant une œuvre prônant l’acceptation, vous ne trouvez pas ? Une fois rassurés, il suffit de lire le nom du réalisateur sur l’affiche d’Entre amis : Olivier Baroux (récemment empêtré dans On a marché sur Bangkok), de Kad et Olivier, pour se rendre compte qu’Entre amis mérite une attention particulière.

Camarades et complications.

Entre amis raconte l’histoire de Richard (Daniel Auteuil, Jappeloup), Philippe (François Berléand, vu récemment dans Dead Man Talking) et Gilles (Gérard Jugnot, Babysitting), trois amis depuis une cinquantaine d’années. Accompagnés de leurs compagnes, Daphnée (Mélanie Doutey, vue dans La French, Jamais le premier soir), Astrid (Zabou Breitman, Discount, 24 jours) et Carole (Isabelle Gélinas, aperçue dans La rafle), les trois compères s’embarquent dans une croisière vers la Corse, à bord d’un beau voilier. Après un départ heureux, des tensions commencent à monter à bord, tout d’abord entre Daphnée, la nouvelle et maladroite copine de Richard, et la très antipathique Astrid. Si l’amitié du trio masculin d’Entre amis est d’une solidité exemplaire, les tensions commencent tout de même à se succéder, alors qu’une grosse tempête menace le calme de la croisière.

image affiche entre amisDu mal à mettre les voiles.

Si on devine, à la lecture du synopsis, qu’Entre amis nous réserve quelques jolis tours, on peut tout de même regretter un début très prudent, et tout particulièrement dans la caractérisation des personnages. La façon dont est présenté le trio féminin d’Entre amis est très significatif : une par une, à la chaîne, aussi bien dans l’écriture que dans la situation, les femmes arrivent linéairement à la queue leu leu. Et on comprend vite le pourquoi d’une mise en scène aussi peu relevée, sur ces premières minutes d’Entre amis en tout cas : le cinéma d’Olivier Baroux est très dialogué, et beaucoup de choses passent par la force des répliques, non par l’action. Le genre de la comédie est l’un de ceux qui offrent le plus de possibilités, de traitements, et le réalisateur d’Entre amis a choisi celle du recours aux punchlines. Un style certes percutant, mais qui risque, comme le démontre cette ouverture, de contaminer le formel.

Et soudain, le vent en poupe.

Seulement, on remarque aussi qu’Entre amis tente des choses, notamment des plans de coupe aux mouvements de caméra intéressants. Et il faut bien le dire, si le formel d’Entre amis est un peu plat pour ces premières minutes, l’ambiance est plutôt bonne, pas du tout aussi emplâtrée que ce qu’on pouvait craindre. Il se passe quelque chose dans Entre amis, et la suite des événements va nous conforter dans cette impression, en gagnant même en qualité visuelle. Une fois sur mer, l’atmosphère se tend, même si le ton d’Entre amis reste tout à fait cordial. Entre amis tente de trouver un équilibre entre la bonhommie des personnages, et la méchanceté de certaines réflexions, et y arrive la plupart du temps. Beaucoup de choses reposent sur les épaules de Zabou Breitman et Mélanie Doutey, toutes deux très bonnes, car Entre amis décolle véritablement à partir de leur inimitié. En effet, la jeune Astrid est venue remplir le vide laissé par l’ex-femme de Richard, et cette dernière était une amie d’Astrid. Une situation qui peut toucher directement, tant elle est courante, et c’est une des forces d’Entre amis : il est parlant pour le spectateur.

Coup de tabac.

Entre amis trouve son rythme de croisière, se suit bien, et tente même des choses assez surprenantes. Comme cette nage dans laquelle se lance les six personnages, alors que Battistou et Cathalina, les deux accompagnateurs expérimentés à bord, ne sont pas mis au courant. La dérive dure, et le groupe se retrouve tellement éloigné du bateau qu’un retour à bord paraît bien compliqué. Astrid panique, Richard tente une échappée mais ses vieux os se rappellent à lui. Ajoutez à ça la menace d’un aileron de requin, et vous obtenez une séquence d’Entre amis à la fois drôle, stressante, et même utile pour continuer à bien capter le caractère de chacun des personnages. D’ailleurs, Entre amis opère ses changements de ton avec une certaine finesse, jamais en tombant dans les extrêmes : ni trop humour noir, ni trop innocent, le film garde toujours à l’esprit d’être avant tout drôle. Et ce jusqu’au point culminant d’Entre amis, situé pendant une tempête du genre bien carabinée, aussi houleuse que le sont les rapports entre certains personnages.

Bisso na bisso.

Au final, on est agréablement surpris par Entre amis, même s’il souffre de certains défauts. Pas spécialement de longueurs, des gags parfois un peu ratés mais pas de quoi être contrarié. Et surtout, Entre amis est loin du résultat fainéant qu’on pouvait craindre. On a parlé du début poussif d’Entre amis, et on ne peut pas passer à côté de l’interprétation de Daniel Auteuil. L’acteur n’est pas mauvais en soi, très loin de là, c’est juste qu’il paraît évident que son jeu tout en reliefs est de plus en plus calibré pour les planches que pour la caméra. C’est parfois assez criant dans Entre amis, et c’est dommage pour le film sans non plus lui porter atteinte, insistons sur ce point. Malgré cette retenue, le casting d’Entre amis reste d’une belle solidité. Zabou Breitman, parfois sous-évaluée, est ici parfaite dans son rôle de femme d’affaire complètement hystérique et François Berléand, qui joue son compagnon dans Entre amis, a la tronche parfaite pour caractériser ce genre d’homme tellement peu en phase avec le niveau social de sa femme qu’il en devient parfois odieusement égocentrique. Mention spéciale à Isabelle Gélinas, actrice au regard pétillant bien mis en valeur dans Entre amis, grâce à l’entrain exacerbé de son personnage. Quand à Jugnot, son jeu tout en rondeurs est bien utilisé par Olivier Baroux et, signalons-le ici, son travail de diction, de voix, est toujours de grande qualité. Mélanie Doutey apporte une dose de fraîcheur à Entre amis, alors que son personnage n’est pas le plus original jamais vu. Une belle performance. Signalons Justine Bruneau de la Salle, qu’on avait remarqué dans Mutants et qui, dans Entre amis, trouve un rôle certes limité mais assez poussé pour lui demander des expressions précises. A suivre de près. Quand à Jean-Philippe Ricci, il est aussi caricatural que son rôle le demande, et ça marche très bien. Pour finir, notons une bande originale surprenante de qualité, composée par Martin Rappeneau, qui ne nous avait pas vraiment habitué un tel résultat. Tout ce petit monde arrive à faire d’Entre amis une comédie agréable.

Entre amis, les bonus.

La bande-annonce de Entre amis, c’est par ici.
Pour avoir une petite idée de l’ambiance sur le plateau de Entre amis, c’est chez TF1.fr.

Critique - Entre amis
Entre amis est, finalement, une comédie agréable. Pas un grand film, mais très suffisant pour nous faire passer un bien bon moment.
Scénario
Mise en scène
Acteurs
Image et son
On aime
  • La séquence de la nage.
  • Drôle dans l'ensemble.
  • Casting qui fait le boulot...
On aime moins
  • ... Même si Auteuil surjoue.
  • Le début peut faire craindre le pire.
3.2La note
Note des lecteurs: (9 Votes)
    • Sabine Eymieu

      D’accord avec Mickaël sur le jeu d’Auteuil. J’ai toutefois été un peu déçue dans l’ensemble, je m’attendais à plus de gags (on voit les meilleurs dans la bande-annonce). Les situations sont un peu convenues : les potes qui ne savent plus pourquoi ils sont potes, les femmes qui se détestent … Au final une comédie pas trop mal ficelée, mais qui manque de souffle pour être franchement drôle

    • / Camille LATOUCHE

      Tu dis qu’Auteuil surjoue. Soit, je n’ai pas vu le film donc ne pas juger. Je me pose donc la question. Surjoue-t-il vraiment ou est-ce les autres qui sont un cran en dessous?

      • / avisdupublic.net

        Auteuil surjoue, il est toujours, à mes yeux tout du moins, plusieurs ton au-dessus de ce que la situation lui demande. En tout cas, même en l’état il n’est pas foncièrement mauvais. C’est juste que, pour moi, Auteuil est un homme de théâtre, de spectacle vivant.