Inherent Vice, vide inhérent.
Inherent Vice, septième long-métrage de Paul Thomas Anderson (The Master, There Will Be Blood, Boogie Nights), était surveillé du coin de l’œil par tout un tas de cinéphile. Il faut dire que la promotion, loin d’être envahissante, a eu le mérite d’user de bien beaux atours, comme ces visuels bien funky. Et puis, surtout, Inherent Vice est la première adaptation au cinéma d’un auteur aussi atypique que doué : Thomas Pynchon, écrivain américain parmi les meilleurs de son temps, qui a délivré certains des romans les plus aboutis du vingtième siècle, comme L’Arc-en-ciel de la Gravité, Vineland ou encore Vente à la Criée du Lot 49. La rencontre de ces deux auteurs était attendu comme une rencontre des titans. Inherent Vice se révélè-t-il en être à la hauteur ?
Inherent Vice, raconte moi une histoire.
Dans Inherent Vice, Doc Sportello (Joaquin Phoenix, vu dans Her) est un détective privé totalement adapté à son époque, les années soixante-dix. Il faut comprendre par là que son talent pour l’enquête, raisonnable, est dépassé par son plaisir à fumer de l’herbe. Un beau jour, Shasta (Katherine Waterston, Boardwalk Empire), son ex-petite amie, le contacte. Elle lui dévoile son amour pour Michael Z. Wolfmann (Eric Roberts, Wrong Cops), un homme d’affaire dont la fortune, qui se compte en milliard, repose sur l’immobilier. Petit problème, le magnat de l’habitat est marié à une femme, elle aussi infidèle. Shasta a peur qu’une conspiration vise à faire interner le milliardaire, en tout cas les apparences en donnent l’impression. Mais, dans Inherent Vice, rien n’est évident…
Inherent Vice Parano.
Inherent Vice s’inscrit dans la tradition des films sous acides, comme Kaboom, Trainspotting, Enter The Void, Arizona Dream, La Montagne Sacrée ou encore l’énorme Las Vegas Parano. Ces œuvres, nombreuses, sont autant un exercice de style pour leurs auteurs qu’un véritable trip pour les spectateurs qui peuvent se retrouver projetés dans un point de vue drogué, donc altéré, jusque avoir l’impression d’en ressentir une infime partie des effets. Enfin, ce cas de figure que cherche Inherent Vice représente le meilleur des cas : celui d’un film sous acides réussis, car même l’euphorie provoquée par les meilleurs onguents ne peut pas faire oublier les défauts d’une œuvre ratée. Inherent Vice vient, malheureusement, nous le rappeler.
Inherent Vice de prononciation.
Inherent Vice est très difficile à résumer, et encore plus compliqué à tenter de se le remémorer. Les intrigues se multiplient très vite, et Paul Thomas Anderson ne prend pas la peine d’introduire véritablement ses personnages, son univers. Tout est balancé au gré du vent dans Inherent Vice, si bien que les noms des différents personnages sont cités un millier de fois sans être véritablement bien perçus, captés. Le réalisateur de Inherent Vice fait donc le choix d’un narrateur pour essayer de donner un cadre à ce bazar peu commun, via une voix off d’une lourdeur peu commune, aussi bien à cause de sa propension à la digression que de son timbre voix irritant, nasillard. La voix off est un véritable exercice de style, et ne pas le maîtriser peut assez vite devenir très handicapant. Dans Inherent Vice, ce recours aurait pu être salvateur, dans le but de renforcer la compréhension du spectateur, que l’on verra parfois proche du néant absolu dans tout ce dédale de sous-intrigues. Las, elle est tellement désincarnée et ampoulée, dans ce qu’elle délivre comme informations, qu’on a du mal a bien capter son utilité. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup d’éléments de ce Inherent Vice.
Inherent Vice de forme.
Inherent Vice peut s’enorgueillir de présenter l’un des plus beaux casting de ce début d’année 2015. Le problème est qu’une bonne gueule, un bon acteur, ne fait pas obligatoirement un bon personnage. On s’en rend vite compte, dans Inherent Vice, avec Benicio Del Toro (Les Gardiens de la Galaxie, Thor 2, Paradise Lost) et Reese Witherspoon (Wild, productrice sur Gone Girl), deux grands noms qui ont mérité de l’être. Alors oui, ils habitent bien leurs rôles en leur apportant tout leur charisme, mais ce n’est pas suffisant face à une écriture aussi chaotique, bordélique, qui rejaillit évidemment sur les personnages de Inherent Vice et, au bout du compte, sur la performance des acteurs. L’enquête de Doc Sportello est une somme de balbutiements de mini-intrigues, dont le liant est bien trop confus pour être sérieusement déchiffrable par les spectateurs. Paul Thomas Anderson a certainement recherché à nous faire vivre, dans Inherent Vice, une investigation vécue par un détective complètement défoncé ayant du mal à trouver une cohésion dans tout ce maelstrom de pistes avec, parfois, l’intervention de la paranoïa, même si ses effets sont limités à l’écran. Si l’idée est bonne, rien ne peut justifier la structure de l’œuvre, tellement décousue que Inherent Vice en devient même insupportable à certains moments.
Inherent Vice, drôle de débauche.
Inherent Vice commence par nous mettre sur les traces d’un milliardaire sur le point d’être interné. Doc Sportello, sur la piste du magnat, dans un sex-shop asiatique, se fait attaquer, et est retrouvé auprès d’un cadavre au milieu du désert. Puis l’ex-copine disparaît. C’est alors qu’un musicien (Owen Wilson, La Nuit au Musée 3, Les Stagiaires, Grand Budapest Hotel) intervient pour mettre Doc Sportello sur la trace d’un bateau, soupçonné de faire passer de la drogue. Au milieu de tout ça, des néo-nazis arrivent dans Inherent Vice, des suprématistes Noirs, un flic (Josh Brolin, Sin City 2 ou le remake de Old Boy) dont la carrière est partagée avec de la figuration dans des films, une haut-gradée qui donne des informations à Doc en même temps qu’elle lui sert de copine plus ou moins régulière, et une mère de famille qui s’est fait refaire la dentition pour contrer les effets néfastes des drogues dures. Vous êtes perdus ? C’est normal, c’est sans aucun doute l’effet recherché par Inherent Vice, et ça marchera peut-être sur certaines personnes, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si le scénario de Inherent Vice ne vaut rien, il faut souligner la bonne ambiance qui se dégage du film. Visuellement, Inherent Vice est parfois superbe, et la bande originale reste classique mais très forte, pleine de personnalité. Autre chose, il faut bien dire que certains passages de Inherent Vice font rire, même si on ne peut pas totalement se lâcher dans le sentiment comique, étant donné le manque d’intérêt de l’intrigue. Tout Inherent Vice se résume à la dernière apparition de Josh Brolin, la bouche remplie de l’herbe que Doc s’apprêtait à fumer : c’est drôle, c’est visuellement très fort… mais ça ne raconte rien.
Inherent Vice, very bad trip.
Inherent Vice est la première grosse déception de cette année 2015 au cinéma, et doit rappeler à toutes et tous qu’une expérience cinématographique ne peut pas se permettre de n’être que visuelle, doit tout de même s’appuyer sur une cohérence symbolique. Prenons deux exemples pour percevoir ce que Inherent Vice n’arrive pas à atteindre : Las Vagas Parano et 2001. Le premier est le summum du film sous acides, part dans l’optique de l’être, et réussit à atteindre son objectif en parlant clairement de la fin du trip 70’s tout en se dédouanant d’une structure narrative précise. Quand à 2001, c’est l’exemple parfait d’un visuel mis en avant pour mieux en exploiter le symbolisme profond, via une histoire simple mais un résultat vertigineux. Inherent Vice n’a pas compris la nécessité de raconter quelque chose de compréhensible, confond l’absurde et l’inintelligible, et finit même par s’embourber dans un contemplatif lourdingue. Ajoutons à cet échec une durée monstrueusement longue pour Inherent Vice, deux heures et vingt minutes, dont les quarante dernières sont un véritable Enfer, les secondes les plus longues vécues dans un cinéma depuis des lustres. Inherent Vice n’est pas un film trip, mais un film vide tout juste sauvé par quelques situations cocasses et un formel intéressant.
Inherent Vice, les bonus.
Pour voir la bande-annonce de Inherent Vice, suivez le guide.
Joaquin Phoenix parle de Inherent Vice sur Canal +.
Pour lire ce que les critiques US ont pensé de Inherent Vice, c’est sur Première.
- Visuellement très agréable.
- Joaquin Phoenix en grande forme.
- La bande originale, bien entêtante.
- 40 dernières minutes interminables.
- Scénario terriblement confus.
- Voix off insupportable.