Promenons-nous avec Into the Woods, une comédie musicale au pays des contes de fées, façon Disney. Un film enchantant ? Réponse dans notre critique.
Il était une fois une jeune jouvencelle exploitée par sa marâtre, une belle blonde enfermée en haut d’une tour, une petite fille au chaperon écarlate, un garçon téméraire aux haricots magiques et un couple de boulangers sans enfants. Si certains de ces personnages vous sont familiers, c’est normal : dans Into the Woods, Disney revisite la comédie musicale mettant en scène les héros de contes de notre enfance, un exercice différent de ses adaptations animées habituelles.
Into the Woods, une promenade enchantée
Into the Woods raconte comment un couple de boulangers, formé par James Corden (Craig dans la saison 7 de Doctor Who) et Emily Blunt (Edge of Tomorrow) doivent conjurer le sort les empêchant de fonder une famille. Pour cela, ils doivent fournir plusieurs ingrédients à une méchante Sorcière complètement délirante interprétée par Meryl Streep (qui s’est déjà illustré dans le musical Mamma Mia !). Celle-ci va guider à travers les bois nos boulangers qui n’ont que trois jours pour accomplir leur mission. Ces « ingrédients », un chaperon rouge, un précieux soulier, une chevelure d’or et une vache blanche, appartiennent tous à un personnage de conte que notre couple va rencontrer tour à tour « Into the Woods ».
Into the Woods, princesses Disney et contes de fées
Comme son nom l’indique, Into the Woods se déroule dans les bois. Son réalisateur, Rob Marshall (Pirates des Caraïbes 4 en collaboration avec Disney, Nine et Chicago en films musicaux), a imaginé cette forêt comme le théâtre regroupant chacun des récits. Pour un rendu plus naturel, Rob Marshall a filmé ces bois en espace réel, mais aussi en studio pour mieux arranger certains lieux clefs. Cette mise en scène au cœur des bois donne l’impression de voir les héros traverser la scène entre cour et jardin, comme dans un véritable spectacle. Les lumières et filtres sur la caméra permettent de donner vie aux bois, comme les éclairages peuvent le faire sur scène, pour mieux suivre les émotions des personnages.
Côté personnages, Into the Woods ne leur donne qu’un tout petit coup de balayette. Chez Cendrillon (jouée Anna Kendrick, déjà habituée au genre musical avec Pitch Perfect), peu de changement majeur, mis à part l’originalité de lui faire prendre la décision de laisser son soulier dans l’escalier du château, qui lui ajoute un aspect joueur. Pour Raiponce, on va effleurer le personnage car elle n’a aucune chanson en solo et n’est présente que pour fournir sa chevelure aux boulangers. Leurs deux princes sont au contraire bien plus intéressants. L’héritier du trône ayant flashé sur Cendrillon (joué par Chris Pine, très loin de son rôle de Capitaine Kirk de Star Trek) se révèle être un prince pas si charmant, tandis que son jeune frère est encore plus niais que sa chère Raiponce. Ces deux-là nous offrent l’une des meilleures scènes d’Into the Woods, où ils se livrent à une complainte de véritables amoureux transis, à mi-chemin entre le film à l’eau de rose et la parodie ! Pour les autres personnages, petit coup de cœur pour le Loup, au regard glaçant et aux manières perverses, interprété par Johnny Depp, bien qu’on ne le voie que pour le tableau du Chaperon Rouge. Quant à nos héros les boulangers, aucun problème d’écriture en vue, si ce n’est dans le dernier acte du film.
Princesses + Disney + chansons, à première vue le cocktail peut déjà donner la nausée aux plus critiques d’entre nous, par crainte de surplus de niaiserie. Pas d’inquiétudes, il n’en est rien, puisque Into the Woods prend le parti de sortir des sentiers battus en évitant de tomber dans les pires clichés. Du moins, c’est ce qu’on a cru pendant les deux premiers actes.
Into the Woods, il était une fin bâclée
De la même façon que la plupart des récits, dont les contes, Into The Woods se construit en trois actes facilement identifiables : la situation initiale, qui présente les personnages, le contexte et l’enjeu majeur grâce à un élément perturbateur, la phase des péripéties, plus longue, avant le dénouement et la situation finale. Dans la forme, Into the Woods respecte ce code classique à la lettre. Dans le fond, c’est une autre histoire. La scène d’exposition remplit les critères de ce schéma en identifiant chaque personnage, chose très importante dans le conte, avec la chanson « I Wish » dans laquelle chacun exprime son souhait le plus cher. Les diverses péripéties s’enchaînent sans problèmes, malgré quelques longueurs dûes aux pauses chantées, jusqu’au dénouement final. Et quel dénouement. Lorsque le « happy ending » du film se fait sentir, c’est en fait le véritable troisième acte qui arrive : les péripéties sont si longues que la dernière demi-heure est interminable. Une critique acerbe, certes, mais pas de la critique facile non plus. Petite analyse en détails.
La conclusion d’Into The Woods ruine ce que le film proposait de meilleur, c’est-à-dire l’aspect parodique évoqué précédemment. Malheureusement pas assez développé, ceci était pourtant ce qui pouvait lui éviter de tomber dans le cliché. On y croyait presque avec les princes guimauves qui n’étaient pas sans rappeler Charmant, le blondinet quasi-chevaleresque de Shrek. Dreamworks l’a prouvé, la parodie de conte fonctionne du tonnerre mais Disney a eu d’autres ambitions avec Into the Woods. Sans « divulgâcher » la fin, on se trouve ici avec un autre grand classique du genre : la morale. Mal-amenée et bancale, elle renverse tout ce que construit le film, à tel point que la situation finale n’est pas plausible. Alors, qu’est-ce qui est plausible dans un film où une petite fille et sa Mère-Grand sortent du ventre d’un Loup et où Cendrillon chante aux oiseaux ? Et bien justement, n’importe quoi dans cette veine-là est plausible. La conclusion pathos et soi-disant originale n’est ni faite ni à faire. Into the Woods souffre d’un problème de construction et de cohérence entre ses différentes parties. Dommage.
Into the Woods, quand la musique adoucit les mœurs
Dans « film musical », c’est souvent le mot musical qui rebute, parce que le spectateur a peur d’être rapidement lassé. Into the Woods ne déroge pas à la règle, on est ici avec du pur Broadway. Le livret est signé Stephen Sondheim (comme pour Sweeney Todd, de Tim Burton avec Johnny Depp). Si vous appréciez ce style particulier, alors vous n’aurez aucun mal avec la bande originale d’Into the Woods, même si elle présente quelques longueurs. Malgré la critique, certains titres sont indéniablement de très grande qualité, particulièrement celui du prologue, « Agony » la complainte des princes, et « Last Midnight », le final prodigieux de Meryl Streep. La bande originale reste l’un des points forts d’Into the Woods, d’autant que le casting affiche plusieurs acteurs à l’aise dans la performance. Elle permet aussi de redonner une certaine cohérence au film et de combler les lacunes de scénario. En effet, Into the Woods est un film dont la forme l’emporte presque sur le fond, tant les décors et les costumes sont soignés. Le film est d’ailleurs en compétition aux Oscars 2015 dans ces deux catégories, ainsi que dans « Meilleure actrice dans un second rôle » pour Meryl Streep. Rendez-vous pour le verdict le 22 février prochain !
Pour d’autres avis sur Into the Woods, voici d’autres critiques ici et ici !
- Les chansons
- Meryl Streep en Sorcière délirante
- Les costumes et les décors superbes
- Le dernier acte bâclé
- N’avoir vu Johnny Depp que dans une seule scène
- L’aspect parodique pas assez poussé