Vincent n’a pas d’écailles : pas de nageoires, pas de chocolat.
En France, on compte à peu près soixante premiers films par an, et Vincent n’a pas d’écailles, réalisé par Thomas Salvador, est l’un de ceux-là. Artiste talentueux, aussi bien prestidigitateur, cascadeur, acrobate, alpiniste, acteur, que réalisateur, ce jeune homme (mais si, quarante ans et des brouettes, ça respire la fraîcheur), le metteur en scène de Vincent n’a pas d’écailles est aussi un amateur de comics, ces BD mettant en avant des super-héros (pour en savoir plus, retrouvez nos critiques de livres, dont celle de Moon Knight volume 1). Quoi de plus normal, alors, que Vincent n’a pas d’écailles s’inscrive dans le genre fantastique, pourtant pas le plus répandu au sein d’un cinéma français qui a toujours mal perçu ce genre, relégué au rang d’œuvres bis, un peu honteuses et surtout pas très rentables.
Vincent n’a pas d’écailles, mais a une histoire.
Vincent n’a pas d’écailles, c’est l’histoire d’un homme apparemment tout à fait banal, voire même un peu chétif, mais qui possède un pouvoir extraordinaire et bien caché. Imaginez : les capacités physiques de Vincent (incarné par Thomas Salvador) sont décuplés dès qu’il rentre en contact avec de l’eau. Attiré par les grandes étendues, comme les rivières ou les lacs, qui puissent lui offrir de profiter de ce don en toute quiétude, Vincent s’installe dans le Sud de la France, où il cherche un emploi. Sa vie de grand chemin se stabilise quand il se trouve un boulot et, alors qu’il s’adonnait à l’une de ses équipées aquatiques, il remarque la présence de Lucie. Vincent en tombe amoureux.
Vincent n’a pas d’écailles, super-héros or not super-héros.
Vincent n’a pas d’écailles ne commence pas comme un film de super-héros, ne débute pas par une séquence de super-héros, et disons-le clairement : ce n’est pas un film de super-héros. Que les fans de ce genre de film, ou de lecture, horrifiés à l’idée qu’un film français, donc auteurisant car les raccourcis vont bon train, ait l’audace de s’approprier certains des codes du film de super-héro se rassurent de suite : Vincent n’a pas d’écailles n’est pas à ranger dans une case, bien proprement. D’ailleurs, c’est une remarque qu’on formule aussi aux (très sympathiques) collègues des Inrockuptibles, car non Vincent n’a pas d’écailles n’est pas le meilleur film de super-héros de l’année. On va essayer de retrouver un peu de mesure et ne pas se demander ce que peut bien être Vincent, mais ce qu’il veut nous dire, et simplement juger de la qualité de son contenu, loin des discussions de comptoir.
Vincent n’a pas d’écailles, l’anti-grand spectacle.
Vincent n’a pas d’écailles débute par des plans fixes, et pas par une ouverture en forme de grosse séquence pré-générique à la James Bond. On découvre Vincent dans son quotidien, tout aussi banal que le nôtre, que vient seulement un peu égayer ces quelques baignades douces, tranquilles, loin du regard des Hommes, à l’abri de toute haine. Cette première partie de Vincent n’a pas d’écailles, lente, peut dérouter le spectateur qui y verra les défauts inévitables du parti pris assez réaliste, soit l’impression de se retrouver face à une œuvre n’ayant pas compris le concept du film de super-héros. Mais Vincent n’a pas d’écailles ne peut pas être considéré de ce genre car Vincent, lui-même ne se considère pas comme tel. Rien n’est fait pour rendre Vincent super, et encore moins héros, même s’il intervient lors d’une rixe pour y mettre fin… avec une bétonnière. Jamais il ne se sent redevable de ce pouvoir, jamais il n’a l’envie de l’utiliser pour favoriser le concept de Bien, ou de Mal. D’ailleurs, le scénario ne prend jamais la peine d’expliquer ce don, Vincent le possède et puis c’est tout. Vincent n’a pas d’écailles se contente de décrire le quotidien de cet homme, condamné à rester nomade pour protéger son intégrité, qui n’a pour désir que d’être intégré à la société. Et c’est exactement là que Vincent n’a pas d’écailles tombe sur le caillou du plat de lentille.
Vincent n’a pas d’écailles, ni de tension.
Si le début de Vincent n’a pas d’écailles nous promet de montrer le quotidien de Vincent, on est assez déçu du manque de relief quand il faut passer à la-dite description. Il y a avait pourtant du potentiel, comme cette séquence bien vue du travail de Vincent, sur un chantier, que son étrange don facilite. Alors que le personnage principal de Vincent n’a pas d’écailles a du mal a porter les charges lourdes, puis à défoncer un pauvre mur à la masse, il lui vint une idée : s’accorder une douche, tout habillé, et revenir briser cette fichue construction à main nue. Vincent n’a pas d’écailles peut être drôle dans ces moments, où le surréalisme vient rompre la monotonie d’un quotidien quelconque. Mais le recours de Vincent n’a pas d’écailles au comique de situation a cet effet qu’il brise tout enjeu, toute tension dramatique. Thomas Salvador est fan de Buster Keaton, ça se voit, mais il ne se rend pas compte qu’il est difficile de réellement s’impliquer dans son histoire quand elle oublie un peu trop de revenir au sérieux, dans les moments qui le demandent. La séquence de la poursuite en est le meilleur exemple car, et c’est cruel, on n’a pas peur une seule seconde pour Vincent. D’ailleurs elle ne s’appuie sur rien d’autre que le ressort comique, et n’est pas spécialement utile pour mieux capter Vincent. Cette scène de Vincent n’a pas d’écailles vire à l’hommage à Benny Hill, ce qui n’est pas un mal en soit, d’ailleurs c’est parfois très drôle et bien rythmé, mais on perd beaucoup en intensité.
Vincent n’a pas d’écailles, mais on le lui pardonne.
Vincent n’a pas d’écailles ne loupe pas le coche, mais ne l’atteint pas pleinement, la faute à un scénario d’une prudence balourde, et surtout dans le rapport entre les personnages. La relation amoureuse, pourtant mignonne et touchante, avec Lucie (Vimala Pons, vue récemment dans Fidelio) ne marche qu’à moitié. Ça fonctionne car elle fait évoluer Vincent, ne lui fait pas finir le film au même niveau qu’au début. Mais elle ne marque pas, voire parfois ne sert pas à grand chose, comme cette séquence de la plus longue caresse du monde, accordée à Vincent par Lucie, charmante mais sans véritable profondeur. En fait, ce passage de Vincent n’a pas d’écailles reflète assez bien ce qu’est le film dans son entièreté : plaisant, mais à qui il ne manque qu’une vraie rupture, peut-être un vrai conflit, pour être carrément marquant. Peut-être un meilleur dosage entre réalisme et comique de situation. Et pourtant, difficile de ne pas l’aimer, ce Vincent n’a pas d’écailles, son mélange de fantastique et de film burlesquo-intimiste, qui prouve que l’alchimie peut fonctionner. En l’état, Vincent n’a pas d’écailles est tout de même un film assez intéressant, qu’on recommande, de par son ton peu commun en France, et l’indiscutable sincérité de son auteur, qui sera certainement un réalisateur à suivre ces prochaines années.
Vincent n’a pas d’écailles, les bonus.
Si vous voulez voir la bande-annonce de Vincent n’a pas d’écailles, suivez le guide.
Pour voir une interview de Thomas Salvador, réalisateur de Vincent n’a pas d’écailles, c’est par là.
N’hésitez pas à lire d’autres critiques de Vincent n’a pas d’écailles, notamment chez Accreds et Film de culte.
- Le ton du film, original en France.
- Un film qui sait épouser le bon rythme.
- Parfois bien drôle.
- Scénario trop prudent.
- Trop burlesque à certains moments.
- Pas de tension.