Les célèbres Wachowski reviennent avec Jupiter : Le Destin de l’Univers, une quête de science-fiction décevante.
En 1999, une petite révolution cinématographique explosait sur nos écrans : le film Matrix, pensé et réalisé par les frères Wachowski, Andy et Larry (aujourd’hui Lana). Après avoir achevé cette saga en 2003, ils poursuivent avec la production de l’adaptation du comics V pour Vendetta et la réalisation de l’étonnant Cloud Atlas, en 2012. Dire que leur nouveau projet était très attendu serait un bel euphémisme. Cependant, l’impatience tourne vite court devant les nombreuses surprises que nous réserve Jupiter : Le Destin de l’Univers.
Un scénario timbre-poste
Née sous une bonne étoile lui promettant un avenir glorieux, Jupiter Jones patauge dans un train de vie désolant lorsqu’elle rencontre le mystérieux Caine Wise, un alien mi-homme mi-loup qui lui révèle qu’elle est recherchée par les trois héritiers Abrasax, la plus puissante dynastie de l’Univers. Jupiter est en fait la réincarnation de leur défunte mère, et est destinée à chambouler l’ordre galactique en réclamant son dû : la planète Terre.
Voici en deux phrases le résumé de l’intrigue de Jupiter : Le Destin de l’Univers (Jupiter Ascending en version originale). Le scénario complet ne s’étalerait malheureusement pas beaucoup plus loin d’abord parce qu’il n’est pas si poussé qu’il en a l’air et également parce qu’il est construit de manière très linéaire, presque trop. Pas de rebondissements majeurs ou de grandes révélations, on décrypte les personnages très rapidement, si bien que leur double-jeu n’a rien de surprenant. Caine et son mentor Stinger (Sean Bean, Le Seigneur des Anneaux, Percy Jackson : Le Voleur de Foudre, Percy Jackson : La Mer des Monstres) sont de gentils gentils, deux des héritiers Abrasax sont de gentils méchants et le dernier, Balem (Eddie Redmayne) est le méchant méchant. Pour les détails, voir au dos du timbre-poste.
Tout n’est pas non plus à jeter, un concept intéressant ressort dans ce scénario. La famille Abrasax se divise les mondes de la même manière qu’Hollywood possède les super-héros Marvel : partagés en petits groupes distincts que chacun aimerait grignoter à l’autre, suivant la rareté de telle ou telle planète. L’univers et ses habitants sont exploités comme une denrée marchande que l’on négocie dans un seul but, faire du profit en moissonnant une planète et en créant une substance rare permettant de régénérer son corps et prolonger sa vie en gagnant ainsi la plus précieuse des ressources : le Temps. Dans cette optique, Titus et Kalique convoitent la Terre pour… ah non, les bonnes idées s’arrêtent ici, car on n’apprend jamais la raison précise pour laquelle notre planète est aussi spéciale. Dommage.
Des acteurs et des dialogues perdus en orbite
En voulant émettre une critique bête et facile, on dirait que les acteurs sont mauvais. En voulant être plus objectif et optimiste, on dirait qu’il n’y a pas de mauvais acteurs, seulement de mauvaise direction. Seulement, dans Jupiter Ascending, on est avec des bons acteurs et des bons réalisateurs, alors pourquoi ? Peut-être n’aurons-nous jamais la réponse à cette question, alors autant simplement constater les dégâts.
Le casting n’est pas raté. S’ils ne sont pas brillants, Mila Kunis et Channing Tatum ont tout de même incarné de bons rôles dans le passé, comme la mystérieuse Lilly dans Black Swan ou Julia dans Puzzle pour Mila Kunis, le stripteaser perdu de Magic Mike, Superman dans La Grande Aventure Lego ou Mark Schultz dans Foxcatcher pour Tatum. Pourtant, Mila Kunis a l’air de n’être que la doublure de son propre rôle – elle et Channing Tatum peinent à convaincre en amoureux transis et en sauveurs de l’humanité. Même Eddie Redmayne (qui a pourtant gagné le mois dernier l’Oscar du meilleur acteur pour Une merveilleuse histoire du temps) semble mal à l’aise en interprétant Balem, un personnage au phrasé à mi-chemin entre un mafieux italien et un émo-gothique de South Park. Sans doute est-ce dû aux dialogues, dont la niaiserie n’a d’égal que le côté « drague forcée » façon boite de nuit Macumba entre Jupiter et Caine. Il est loin le discours philosophique sur la véracité de l’existence et la condition de l’homme dans sa réalité – ici, les dialogues semblent avoir directement été rédigés à la cuillère.
Un space opera au goût de déjà-vu
Les Wachowski qui se lancent dans du pur space opera, la promesse fait rêver, mais s’est faite attendre. A l’origine prévu pour l’été 2014, Jupiter Ascending ne débarque qu’en février 2015, à l’occasion renommé Jupiter : Le Destin de l’Univers en France (titre franchement douteux, puisque l’enjeu principal gravite autour de la Terre, et non de l’Univers entier). Ce retard est-il dû à des corrections de dernière minute ? Sans doute. Dans tous les cas, il est surtout synonyme d’avertissement, car une sortie décalée de six mois n’est jamais un bon signe.
Si l’ambiance space opera est bien présente, on reste quand même sur sa faim avec cet arrière-goût de déjà-vu. Rien dans l’univers de Jupiter n’arrive à franchir la frontière du renouveau, ce qui est d’ordinaire le style du duo de réalisateurs. Des designs des vaisseaux aux gadgets technologiques, en passant par les espèces aliens, rien se sort vraiment du lot. Même si les effets visuels sont d’excellente qualité, certaines scènes d’action sont assez confuses, on ne comprend pas tout ce qui se déroule à l’écran. Il faut dire que le genre du space opera au cinéma est déjà bien fourni, avec des sagas cultes comme Star Trek ou Star Wars, dont la comparaison n’est pas si anodine car beaucoup dans Jupiter rappelle la prélogie de l’œuvre de George Lucas. Mais la caractéristique même de ce genre n’est-elle pas de repousser les limites, ici celle de l’exploration spatiale ? Dans ce cas, comment expliquer que les Wachowski soient restés si superficiels, notamment dans le scénario et son déroulement linéaire, et n’aient pas relevé le défi, eux que l’on pensait à leur aise dans l’exercice ? On ne retrouve rien qui bouscule les codes, ce que les Wachowski avaient fait avec la saga Matrix, ou même ne serait-ce qu’un peu de l’excentricité et de l’audace qui faisaient le charme de Cloud Atlas. Jupiter serait un bon film pour un réalisateur en pleine ascension, mais venant d’un tel duo, confirmé et reconnu, la surprise est aussi étonnante que décevante (qui n’est pas sans rappeler les fracas de Ridley Scott avec Prometheus et Exodus, loin des glorieux Alien et Gladiator). Comme quoi, même les meilleurs ont toujours quelque chose à prouver.
Pour peaufiner votre avis sur Jupiter, voici les critiques de geeksandcom et SyFantasy.
- Les effets spéciaux
- La superficialité du scénario
- Les dialogues
- Les aliens improbables