Envolez-vous avec A Bird Story.
A Bird Story raconte l’histoire d’un petit garçon, dont nous ne connaissons pas le nom, mais dont nous partageons quelques moments d’un quotidien entre banalités et rêveries. Nous devinons notre petit avatar fils unique, d’une famille monoparentale dont les rapports sont très limités par les horaires de travail du parent. Le garçon semble s’ennuyer à l’école, s’imaginant plongé en pleine nature verdoyante afin de fuir une réalité morose. Un jour, il vient en aide à un oiseau blessé, et c’est le début d’une amitié entre le petit animal et l’enfant aux divagations poétiques.
A Bird Story est le cinquième jeu du Canadien Kan Gao, leader du studio Freedbird Games. Cette petite équipe s’est fait connaître par leur premier jeu payant : To The Moon, un jeu d’aventure au look rétro et surtout chargé en émotions, les témoignages de joueurs (dont le rédacteur de ce test) en larmes ne manquant pas à l’appel. Le jeu fut un succès d’estime, notamment grâce à sa présence dans le fameux Humble Bundle. Le public et la presse ont souligné avec raison le travail de titan effectué pour la composition musicale, domaine de prédilection de Kan Gao. A Bird Story est annoncé, à une fanbase importante, dans la lignée directe de To The Moon, et se déroulant dans le même monde mais quelques années auparavant et sur un format plus court. Alors, on sort le paquet de mouchoirs et on se jette dans l’histoire.
Dès les premières secondes de A Bird Story, on comprend que Kan Gao veut déployer son scénario en se passant de dialogues. Pas de blabla pendant de longues minutes, ici tout passe par des bulles descriptives très efficaces. L’oiseau a besoin d’eau, vous le saurez au-dessus de votre tête, pas autrement. Et ça marche, la narration est claire, va à l’essentiel et réussit à faire ressentir aussi bien l’étonnement que l’inquiétude. A Bird Story utilise même les codes visuels, formels, du jeu-vidéo afin qu’ils fassent eux-même partie de la narration. Par exemple, au début du jeu nous suivons le petit garçon pas à pas sur le chemin de l’école, sur plusieurs écrans. Ensuite, ce chemin sera astucieusement résumé en un seul écran, via un tableau mélangeant tous les environnements traversés. C’est plutôt malin, osé, et très efficace. Surtout que le tout est baigné d’une partition à la hauteur des espérances. L’OST de To The Moon était mémorable, c’est aussi le cas pour celle de A Bird Story. Elle conforte les émotions recherchées, et il n’est pas un seul instant du jeu où une seule note de musique est à enlever.
A Bird Story est donc une réussite en terme de récit. Le problème est qu’un jeu ne peut pas se borner à raconter une histoire, aussi belle soit-elle. Ceux n’ayant pas supporté le gameplay minimaliste de To The Moon ne décoléreront pas. Pire, ils pourront même se plaindre d’une accentuation de cette minimisation. Car A Bird Story n’est pas plus un jeu-vidéo qu’une aventure interactive, où le joueur passe son temps à faire en sorte que le jeu avance et non à y participer. C’est un choix, et l’effet direct est que nous subissons l’histoire, nous ne la construisons pas via les choix du joueur. Par exemple, une fois à la maison le petit garçon doit vivre son quotidien : se nourrir, faire ses devoirs etc. Tout est dicté, et surligné aussi bien par les petites bulles que par des directives directement dans les décors. Ainsi, le joueur n’a aucunement l’impression de pouvoir souffler en s’évadant un tant soit peu du sentier battu, ni même d’accomplir une tâche utile à l’histoire de par sa difficulté. Tout ce que vous ferez dans A Bird Story se résume à vous déplacer et effectuer de petites actions contextuelles via l’utilisation d’un seul et même bouton de la manette (le jeu prend en charge le pad 360).
A Bird Story n’est donc pas un jeu comme les autres. Le débat du « jeu, ou pas jeu », qui fit beaucoup trop de bruit lors de la sortie de Heavy Rain, aurait ici un sens plus juste. Techniquement, on est face à un rendu de RPG 16 bits, voir 32 bits à certains moment, ce qui peut contenter les fans de RPG Maker mais aucunement un public plus exigeant. La mode néo-rétro a des limites, surtout que ce n’est pas fluide tout le temps. L’animation est, elle, au service du ressenti et son aspect limité fait marcher à fond l’empathie, à l’image de ces petits tas de pixels remuants qui nous faisaient croire autant en leurs sentiments que les personnages polygonisés d’aujourd’hui. A son gameplay et sa technique minimaliste, on doit ajouter une durée de vie rikiki : comptez une grosse heure pour boucler A Bird Story. C’était annoncé, et le contrat est respecté. Le problème est la rejouabilité zéro, ne comptez pas relancer une partie pour autre chose que revivre exactement la même histoire que lors de votre première partie complète. Même si la fin, marquante, fait la jonction avec To The Moon en annonçant une suite d’ores et déjà attendue, on aurait aimé une approche plus sérieuse en terme de durée de vie. On est donc face à l’équivalent d’un long-métrage, ce qui est peu pour le prix d’achat : 4 euros et 29 centimes sur Steam. Les soldes se chargeront de le rendre beaucoup plus abordable, car à ce tarif A Bird Story n’est malheureusement pas recommandable.
- L'histoire touchante.
- L'ambiance sonore au top.
- Le gameplay minimaliste.
- Une heure de jeu, c'est tout.
- Techniquement pas convaincant.